II.2.5 Mise en commun

La professeure commence par les courbes récupérées pendant l’expérimentation. Au vu de ce qu’elle a observé, elle choisit les réponses de certains élèves afin rendre compte de la diversité.

Elle met ainsi sur le rétroprojecteur comme premier exemple de réponse d’élève, la courbe suivante :

Elle ne choisit donc pas de mettre au débat, la réponse quasi unanime des élèves en consistant la courbe « simple lisse ». On peut supposer qu’elle estime cette étape dépassée par tous les élèves et qu’elle choisit ainsi de commencer par une courbe « libre ».

Pour cette courbe, la professeure demande aux élèves qui ne l’ont pas trouvée s’ils l’accepteraient comme courbe possible. E2 répond alors :

4. E2 : ça correspond bien à l’énoncé puisque les valeurs données sont bien euh… positionnées et la courbe elle passe par là.

La professeure reprend la formulation de l’élève et demande, s’il y a d’autre chose à dire. Elle explique alors que la courbe n’est pas définie uniquement par ces points du tableau de valeurs, soulignant ainsi qu’entre deux valeurs successives du tableau il y a des nombreuses valeurs qu’on ne connaît pas. Aucun élève ne se manifeste sur ce point là.

La professeure demande alors à nouveau si tout le monde accepte cette courbe comme courbe possible, E15 répond : « non, chaque abscisse n’a qu’une image » mais il n’arrive pas à expliquer pourquoi il a dit « non ». Pourtant cet élève a tracé des courbes libres pour la question 1b. E25 prend alors la parole et dit que c’est la définition d’une fonction que chaque x n’a qu’une seule image, en ajoutant qu’on peut accepter cette courbe comme courbe possible puisqu’il n’y a pas de ligne droite et qu’il n’y a pas de retour en arrière. Il montre ainsi une assez bonne connaissance des critères permettant de vérifier qu’une courbe représente ou non une fonction.

La professeure met ensuite la courbe suivante, sur le rétroprojecteur :

Il n’est pas évident que la professeure ait choisi exprès à ce moment-là, cette courbe pour illustrer le cas d’une courbe qui ne représente pas une fonction, d’autant plus qu’elle avait visiblement fait ses choix à l’avance. Néanmoins, cet exemple tombe à point nommé par rapport au mini débat qui vient d’avoir lieu. Ainsi dès qu’elle demande aux élèves si on peut accepter cette courbe, plusieurs élèves disent tout de suite : « Non, parce qu’il y a des retours en arrière ». La professeure conclut alors qu’on ne peut pas accepter cette courbe, puisque celle-ci ne respecte pas la définition d’une fonction et elle ajoute « Normalement pour une valeur donnée de x, on doit avoir une seule valeur possible pour l’image appelée f(x) ». Cette intervention permet de recentrer sur la définition d’une fonction, contrairement au critère des élèves qui ne prend en compte que l’allure de la courbe faisant défaut (les retours en arrière).

Le professeur met enfin la courbe suivante, sur le rétroprojecteur :

Elle précise que cette courbe est vraiment différente et demande si on l’accepte comme courbe possible. Aucune élève ne répond à cette question. La professeure compare alors celle-ci avec la première courbe et demande quels sont leurs points communs. Un élève répond que les deux courbes passent par tous les points qui sont donnés par le tableau de valeurs. La professeure précise que, en dehors du fait qu’elles passent par ces points, elles sont quand même différentes. Un élève (E6) commence ainsi à parler du sens de variation. Voici la suite des échanges :

P : […] Alors pourquoi on a besoin de parler du sens de variation pour comparer ces deux courbes ? E23 ? C’est quoi le sens de variation ?

E23 : C’est euh (…) Quand la courbe monte et descend entre deux points si l’image de x augmente ou euh...

P : Bon alors, est-ce que celle-ci fait la différence entre les deux ? Alors essaie de m’expliquer E28 !

E28 : (il est devant le tableau noir). Entre ce point et ce point (il montre les deux premiers points du tableau) la courbe (n°3), elle est décroissante puis croissante, mais celle-là (n°1) elle est d’abord croissante puis décroissante.

P : Oui, est-ce que ça (…), dans les tracés on est autorisé à tracer comme ça ? Est-ce qu’on a le droit de descendre et de monter ou de monter et descendre après ?

(La plupart des élèves disent qu’on a le droit !)

E15 : Ben oui, on a le droit, parce que dans le tableau de valeurs, le sens de variation il n’est pas précisé.

P : Dans le tableau de valeurs, le sens de variation, il n’est pas précisé. Qui n’est pas d’accord avec ça ? Donc, tout le monde est d’accord.

On constate ici que la professeure, conformément à ce que nous lui avions expliqué de notre but dans cette expérimentation, centre le débat sur les différences en termes de sens de variation. Par contre, elle n’utilise pas d’argument plus « simple » comme de dire qu’un tableau de valeurs n’est pas plus que la donnée d’un petit nombre de valeurs qui laissent une grande marge de manœuvre pour tracer les courbes correspondantes.

A la suite de la conversation, E16 prend la parole et demande :

E16 : On parle de la première fiche, non ? Parce que sur la première fiche on n’a pas précisé le sens de variation ?

P : On parle de la première fiche. Oui, tu as tout à fait raison. On est toujours sur la première fiche quand on vous avait demandé des tracés et sur la première fiche il n’est pas précisé. Alors donc, si tu dis ça […] sur la deuxième ?

E16 : Parce que le tableau de variations est changé un peu sur la deuxième.

P : Comment il est changé ?

E16 : J’sais pas -3 et … (incompréhensible).

On constate que E16 ne pense encore qu’à la correspondance directe entre tableau de valeurs et tableau de variations.

La professeure passe ensuite aux tableaux de variations recueillis pendant l’expérimentation. Comme dans le cas où les courbes, elle choisit les réponses de certains élèves afin rendre compte de la diversité.

Elle met ainsi sur le rétroprojecteur comme premier exemple de réponse d’élève, le tableau de variations suivant :

Nous précisons que 9 élèves (sur 30) avait répondu avec un tableau de variations sans mettre de valeur au minimum entre 2 et 3, ni au niveau de l’abscisse, ni au niveau de l’ordonnée. Nous pensons que le professeur a ainsi constaté, pendant l’expérimentation, qu’un nombre important d’élèves donnent ce type de réponse et c’est pourquoi elle a choisi ce tableau pour faire discuter les élèves.

La professeure demande si les élèves sont d’accord avec ce qui est écrit dans ce tableau et si ça peut être un tableau possible. E7 précise alors qu’elle est gênée par le fait qu’il y a deux flèches qui montent côte à côte. E23 répond que cela est possible et que ce n’est pas faux mais qu’on aurait dû faire une seule flèche et il ajoute également qu’il manque un point dans [2 ; 3] et une flèche entre 1 et 2. La professeure demande juste s’il doit toujours y avoir une flèche entre deux valeurs mais la discussion s’arrête là et la professeure ne donne aucun commentaire pour le point qu’on pourrait donner dans [2 ; 3].

La professeure passe ensuite à un autre exemple de réponse d’élève :

Elle choisit cette explication puisque, comme pour la réponse précédente, certains élèves avaient donné ce type de réponse. La professeure demande les avis des élèves sur cette explication et s’adresse à l’élève (E7) qui avait donné cette réponse. Voici la suite des échanges :

E7 : Je pense que ça va pas, on peut donner plusieurs tableaux compatibles avec le tableau de valeurs et donc…

P : Oui donc…finalement tu pourrais répondre ou pas ?

E7 : Ben, on pourrait compléter le tableau de variations mais… (bruits)… mais une seule réponse !

P : Donc, c’est vrai.

E7 : (incompréhensible)

P : Alors, tu es en train de dire que tu pourrais produire plusieurs tableaux de variations.

E7 : Non par rapport à la question…

P : D’accord ! finalement tu pourrais produire. Ce que tu as rajouté c’était quoi exactement ? On n’a pas bien compris.

E : Ben c'est-à-dire qu’on nous a demandé de représenter la fonction. On n’a pas pu parce que … (bruits)

Même si E7 arrive à dire qu’on peut donner plusieurs tableaux de variations compatibles avec le tableau de valeurs donné et accepte qu’il pourrait répondre à cette question, il a beaucoup de difficulté à accepter l’idée qu’il peut y avoir plusieurs réponses possibles à une question.

A la suite de cette discussion, la sonnerie retentit et le professeur se dépêche et passe un autre exemple de réponse d’élève. Elle met ainsi sur le rétroprojecteur une autre réponse comprenant les deux tableaux de variations suivant, et demande leur avis aux élèves.

E16 répond que le premier tableau est juste. Voici la suite des échanges :

P : Qu’est-ce qui fait te dire qu’il est juste, enfin qu’il est possible ?

E16 : (bruits).

P : Oui, donc tu contrôles juste qu’on a bien l’image de -3 est 2, l’image de -1 est -1 (…) l’image de 2.5 et on ne donne pas l’image de 2.5 comment je peux savoir que c’est -1 ?

E ? : On imagine euh… (bruits)

P : On imagine ! Pourquoi alors, par exemple, on ne peut pas mettre 4 ?

E ? : Ca doit être inférieur à 1.

P : Ca doit être inférieur à 1 ! D’accord bon. […]

La professeure passe alors à la phase de l’institutionnalisation :

P : […] Alors, finalement pour ce problème c'est-à-dire avec ce tableau de valeurs, y avait combien de courbes possibles ? Combien on en a trouvées ? 3, 4 je ne sais plus. E12 ?

E12 : Y en a plein.

P : Y en a plein. On peut les compter ?

(La réponse « une infinité » est donnée par quelques élèves).

P : Une infinité. Et le tableau de variations ?

(A nouveau la réponse est donnée « une infinité » par quelques élèves).

P : Une infinité aussi. Alors quelle conclusion on pourrait en tirer de ça ?

E12 : Ça ne suffit pas d’avoir un tableau de valeurs ou quelques points de la courbe pour définir la fonction.

P : (Elle la répète) Alors qu’est-ce qu’il faudrait … (bruits)…?

P : Alors E7 ?

E7 : Il faudrait qu’on nous donne la fonction.

P : Il faudrait qu’on nous donne la fonction ! C’est-à-dire ?

E7 : Sa formule… (bruites)…

P : Comment ? Il faudrait quelle information, sous quelle forme il faudrait donner des informations ?

E7: Avec des x.

P : Avec des x qu’est-ce que vous euh… oui E23 ?

E23 : Il faut qu’on nous donne l’expression littérale de la fonction.

P : Il faut qu’on nous donne l’expression littérale de la fonction ! Que est-ce que ça veut dire E11 ?

E11 : La formule f(x), la formule de la fonction…

P : La formule de la fonction. La formule qui définit la fonction. Oui ?

E ? : Il faudrait que la fonction soit monotone.

P : Il faudrait que la fonction soit monotone ! Alors si on connaît le domaine de définition si on sait que la fonction est monotone est-ce que... euh... on l’a précisément la fonction ? C'est-à-dire qu’on n’aurait qu’une courbe possible, euh...

E ? : Si on connaît toutes les images.

P : Si on connaît toutes les images !

E ? : Ça veut dire quoi monotone ?

E ? (Un autre) : Soit f est croissante soit f est décroissante.

P : Donc, il faudrait qu’on ait toutes les images de l’ensemble de définition ou bien il faudrait qu’on ait la formule f(x) pour avoir précisément la fonction ! Est-ce que vous avez quelque chose à rajouter ? Non ? Bon ben on s’arrête là !

On voit bien qu’une fonction est avant tout une formule pour les élèves même s’ils se trouvent en Seconde, où l’enseignement tend à leur montrer au contraire la diversité des modes de représentation. Ils sont formatés par l’idée qu’il faut d’abord « connaître » une fonction avec sa formule pour la connaître entièrement, cela prévaut sur tous les autres types de représentation.