Analyse écologique de l’évolution des programmes depuis 1980

Nous avons tout d’abord mené une analyse institutionnelle de la notion de fonction dans une perspective écologique pour dégager les différents systèmes de contraintes et de conditions qui pèsent sur les évolutions de ce savoir au cours du processus de transposition didactique interne.

Pour faire cette étude, nous avons choisi de commencer au début de la période de la contre-réforme des mathématiques modernes (à partir de 1980). Ce choix s’est imposé pour des raisons pratiques de taille (limitation aux évolutions « récentes »), mais aussi par le fait que ce n’est qu’à partir de 1980 que des changements significatifs commencent à apparaître dans les programmes pour l’étude du concept de fonction. En effet, de 1971 à 1983 le programme sur la notion de fonction reste à peu près stable.

Cette étude nous a permis de voir les variations dans les différentes façons possibles de représenter les fonctions en mathématiques, dont témoignent les programmes successifs. Au début de la contre-réforme des mathématiques modernes (1980), le registre algébrique est resté dominant dans l’étude des fonctions. Dans les années 1990, l’enseignement de l’algèbre au collège a vu un net recul, de fait, le registre algébrique a perdu de sa prédominance en seconde. En contre-partie, pour des raisons idéologiques visant à mieux ancrer les mathématiques dans la « vie quotidienne », les programmes ont essayé de renforcer l’aspect utilitaire des fonctions en lien avec des domaines extra-mathématiques. Cette tendance a conduit à mettre en avant plutôt les registres graphique et tableau de valeurs. Ainsi le registre graphique commence, dès le début de la contre-réforme des mathématiques modernes, à prendre du terrain sur le registre algébrique pour devenir nettement le registre central (dans la phase d’introduction) à partir du programme de 1990. De plus, à partir du programme de 1990, la calculatrice programmable est introduite, pour la première fois, en seconde pour l’étude des fonctions. Enfin les statistiques qui apparaissent pour la première fois dans le programme de 1980 en seconde, ont pris une place croissante jusqu’au nouveau programme de 2000. Ces deux dernières évolutions ont donné une importance croissante aux registres graphique et tableau de valeurs. Dans le même temps, les connaissances algébriques des élèves entrant en seconde ayant diminué, le registre algébrique n’a plus pu jouer un rôle central. En effet, le bestiaire des expressions algébriques connues des élèves s’est peu à peu réduit aux fonctions affines, du seconde degré, racine carré, inverse, cosinus et sinus.

Le tableau de variations a longtemps seulement joué un rôle d’intermédiaire entre l’expression analytique de la fonction et le tracé de sa courbe représentative. C’est dans ce contexte un objet transparent sur lequel on ne trouve pas de définition. Dans les évolutions les plus récentes des programmes, on voit apparaître des tâches où le registre du tableau de variations peut apparaître en entrée.

Cette étude nous a ainsi permis de mieux éclairer les choix actuels des programmes ainsi que de mieux comprendre le rôle que les tableaux de valeurs et de variations sont sensés jouer dans l’écologie définie par les programmes les plus récents.