III. Mélodie : brûler pour accorder le tempo de l’écriture

Ecriture de la variation, ou mélodies baroques, caractérise l’agencement des fragments. Chez Quignard, il y a une sorte de fluidité ambiante, une simplicité rythmique qui donne le plaisir de lire. L’écriture de la perte tire son énergie de cet aspect rythmique de l’acte d’écrire. Ecrire comme besoin de se perdre, écrire pour ne pas se retrouver, écrire sans avoir besoin d’aller quelque part ou de prouver quelque chose, ce qui confère à cette écriture un aspect infini et une continuité mélodique dont on ignore la fin et le début. Ainsi, l’écriture de la perte est une écriture en mouvement, une écriture d’errance. C’est ce rythme-là qui raconte la répétition. Quignard tente l’impossible dans l’écriture : le refrain musical. Désormais, ce sont les mots retrouvés, répétés ou perdus, qui vont faire revenir et ré-éloigner des notes. Une ritournelle se crée pour donner au texte sa voix propre qui surgit dans l’altercation de deux langues différentes, le français et le latin, qui vont rythmer l’écriture dans les acceptions “sonore” et “spatial” du terme : les passages en latin, qui scandent le texte de Quignard, forment une sorte de mélodie visible ayant ses propres outils dans la présentation de la page.

Avec du recul, nous pouvons constater que la présente étude a été touchée par ce rythme. A plusieurs reprises, en commençant une nouvelle analyse, nous étions orientés vers des domaines que nous avions le sentiment de déjà connaître, ce qui peut donner l’impression de répéter parfois des thèmes ou des analyses. Ici, réside la difficulté de l’œuvre. La diversité des sujets ne nous laisse pas forcément libre. En ayant l’aspect d’une nouveauté, l’écriture de la perte est souvent à la recherche de ce qui a été brûlé, de ce qui a été adoré. Mais, comme le souligne Quignard, « incendier et adorer, c’est le même. »