Dans ses « Notes d’un poème (sur Mallarmé) » de 1926 37 , Ponge écrit de l’auteur du « Coup de dés » :
‘A ceux qui ne veulent plus d’arguments, qui ne se contentent plus des proverbes en fonte, des armes d’enfermement mutuel, Mallarmé offre une massue cloutée d’expressions-fixes, pour servir au coup-par-supériorité (PR, I, 182).’La leçon que Ponge tire de Mallarmé est avant tout une leçon pratique : ses textes sont une arme « [offerte] » à ses lecteurs 38 . Les paroles ainsi mises à disposition des lecteurs sont susceptibles de frapper, et présentées comme un moyen d’action. Bien plus tard, dans un passage en date du 31 décembre 1954, on peut lire dans Pour un Malherbe : « Faire ce que l’on dit. / Dire ce que l’on fait » (PM, II, 126). Ces affirmations, que séparent près de trente années, expriment clairement la proximité du dire et du faire ; la parole est (doit être) en même temps un acte. Cette coïncidence rêvée prend en 1954 l’allure d’un programme : la proximité de l’énonciation et du geste est l’une des préoccupations les plus constantes des premiers textes, qu’il s’agisse de dénoncer l’action des paroles coercitives ou de souhaiter une plus grande proximité du geste et de la parole.
Ce texte paraît pour la première fois dans un numéro d’hommage à Mallarmé de la NRF (n°158, novembre 1926).
« [Le propos de Ponge] n’est pas de donner [de Mallarmé] une lecture “scientifique” (la vérité sur Mallarmé) ou hédoniste (plaisir de Mallarmé) mais d’en faire une lecture pratique » (G. Farasse, « Mallarmé pratique », in Empreintes, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, « Objet », 1998, p. 54).