Lorsque, en 1967, il retrace son parcours d’écrivain, Francis Ponge revient sur ses premières publications importantes, à la NRF, pour distinguer les « Trois satires » publiées en 1923, des « Fables logiques », qu’il propose en 1924 64 . Des premières il dit : « C’étaient des textes très axés vers l’action, une action satirique » (EPS, 62), tandis qu’il précise à propos des secondes :
‘C’était un groupe de textes, très brefs et qui auraient pu être imprimés en italique, comme des poèmes, mais qui étaient axés sur les problèmes du langage à proprement parler. Il y en avait un qui s’appelait : « Du logoscope », c’est-à-dire « regardez le logos », « regardez les mots » (EPS, 65-66). ’Cette reconstruction a posteriori marque bien le recentrage progressif de la poétique de Ponge sur les questions proprement langagières, mais elle oppose de façon tranchée les textes « axés vers l’action » et les textes « axés sur les problèmes du langage », opposition qui ne rend pas complètement compte du continuum entre ces deux « axes », et de la pluralité des pratiques d’écriture de Ponge durant cette période. Il n’est que de rappeler que la veine satirique est exploitée au moins jusqu’en 1934, année de composition du « Ministre » 65 c’est-à-dire bien après le « Logoscope ». En outre, ce souci du langage ne se substitue pas pour autant à la question des implications socio-politiques de la prise de parole. Certes, les trois textes qui composent « Du logoscope » relèvent d’un logocentrisme 66 : « Souvenir » est centré sur le mot lui-même, « sac grossier » contenant un « mort » et des « pierres », les voyelles « O, U, E, I » qui se trouvent dans le mot « souvenir » (M, 614). Dans « Voici ce qui l’a tué », le deuxième texte de ce groupe, ce « cadavre » est « dressé entre deux plaques », où il est observé, et apparaît comme un « fantôme vitreux » (ibid., 615).
‘« Mais plusieurs noyaux inégalement’ ‘Répartis apparurent en noir.’ ‘Aussitôt on s’écria : Voici ce qui l’a tué » (ibid.).’Bien que le texte soit assez obscur, il est possible d’interpréter les « noyaux noirs » comme la figuration écrite du mot, la transformation du souvenir vivant, qui assassine la chose qu’il désigne. « Multicolore », dernier texte du « Logoscope », est d’une tonalité toute différente :
‘« Dans cette grise nuit ces contours’ ‘inconnus du paysage : hors du’ ‘monde !’ ‘A l’aurore je l’ai sur le bout de’ ‘la langue.’ ‘Ô couleurs du soleil, chacune à son carré !’ ‘Parbleu : multicolores ! » (ibid.)’On peut voir dans ce dernier texte la confirmation de notre hypothèse : c’est au moment où le mot échappe, qu’il est « sur le bout de la langue » mais ne peut être prononcé, que les couleurs réapparaissent. Gérard Farasse propose une lecture contraire, voyant dans ce dernier texte une « glorification du logos » : le mot, pris en lui-même, peut se déployer et produire le paysage sur un mode euphorique 67 . Quelle que soit la signification privilégiée, l’extériorité des choses à l’égard des signifiants est en cause, que le réel s’impose hors des mots, incapables d’en rendre compte, ou qu’inversement ils soient considérés comme aptes à produire eux-mêmes ce réel.
Le désir, qui se lit dans ce groupe de textes, de considérer les mots « en eux-mêmes », hors de tout contexte, pour souligner leur hétérogénéité radicale à l’égard des choses 68 , s’inscrit cependant dans une conscience plus générale que les mots sont avant tout des objets d’échange entre les hommes. Dès 1928 69 , Ponge complète ainsi les premières « Fables logiques » par « 1. Un employé » et « 2. Un vicieux », qui précèdent le « Logoscope » dans l’édition préoriginale de 1953 comme dans la reprise en recueil dans Méthodes. Ces ajouts postérieurs modifient sensiblement le sens des « Fables » de 1924. Le premier imagine un dialogue entre un « je » écrivain et son « employé », le mot « SOUVENIR », et c’est bien des « emplois » successifs du mot dont il est question, et dont l’écrivain veut d’abord tirer profit : « Il vous faudra remplir à la fois tous les offices que vous occupâtes au cours de votre longue carrière » (M, I, 612). Mais bientôt cette vassalité du mot, autrement dit sa transitivité, lui est reprochée : « Je le sais, sous prétexte de zèle, vous meniez parfois vos patrons par le bout du nez. […] Ne bougez pas… vous ne voulez rien dire, vous n’avez rien à signifier… le point sur l’i est-il naturel ? etc. etc. » (ibid, 613).
Le déplacement qui s’opère dans l’échange va donc bien dans le sens d’un logocentrisme : le propre de l’écrivain est de rompre avec les usages habituels du mot - où c’est le mot qui finit par abuser celui qui l’utilise - pour en dresser le portrait, hors des significations courantes. Mais si un tel logocentrisme désigne en creux la spécificité d’un usage littéraire de la langue, l’absolu d’un rapport « désintéressé », « gratuit », aux mots, est également raillé. L’économie même du texte, dialogique, va à l’encontre de cet idéal. La portée parodique d’« Un employé » est confirmée par la seconde « Fable logique » ajoutée en 1928, qui infléchit plus directement encore le sens des textes de 1924 : les mots du « Logoscope » sont ainsi attribués à un « écrivain [présentant] une grave déformation professionnelle », qui « percevait les mots hors leur signification, tout simplement comme des matériaux » (« 2. Un vicieux », Ibid, 613). Par ce dispositif, les premiers textes (dans la chronologie) sont insérés dans une trame qui les relativise, et, d’une certaine manière, en sape le sérieux, par la distance énonciative qu’elle instaure : attribués à un personnage, malade qui plus est, ces « études » ne sauraient être considérées de façon absolue. Une note finale relatant les péripéties éditoriales du « Logoscope » confère aux textes qui le composent le statut de documents d’une époque révolue : « Il s’agit de trois études, très courtes, que j’avais remises à Jacques Rivière, qui avaient été retenues par lui pour être publiées dans La Nouvelle Revue Française », publication qui n’eut finalement pas lieu. Ponge ajoute : « Il ne me souvient rien d’aucun d’entre eux et je ne saurais donc les récrire » (ibid., 614). Dès 1928 donc, le dispositif énonciatif de la fable, le contexte éditorial - l’énonciation « effective » du texte - viennent relativiser l’ambition de considérer les mots seuls, en dehors des significations et des usages. Dans cette dernière note, Ponge souligne en outre l’ironie de ces textes consacrés au mot « souvenir » et qui, précisément, ne lui en ont laissé aucun. Avant même ces ajouts, « L’examen des “Fables logiques” », daté de l’hiver 1925-1926 insistait sur l’exemplification, qui coïncide ici avec une mise en situation des mots, en s’appuyant sur la démarche de La Fontaine :
‘Si [La Fontaine] donne [des règles morales], c’est en suite de ses histoires, de ses fables. L’essentiel pour un tel écrivain c’est de montrer comment parlent et comment agissent tels personnages animés de tels sentiments (défauts ou qualités). L’essentiel c’est d’attraper le ton de tel ou tel sentiment » (PE, II, 1028-1029).’Si les textes du « Logoscope » semblent présenter un rapport contemplatif et à certains égards tragique aux mots, ils visent bien en dernière instance à comprendre le fonctionnement du langage en situation.
Mais, pour s’en tenir aux textes de l’année 1924, l’attention quasi exclusive portée aux questions de langue n’exclut pas la prise en compte d’une situation de communication. « L’Imparfait ou les poissons volants » 70 , comme les textes qui composent les « Fables logiques » dans Méthodes, questionne la possibilité d’accéder à une reviviscence du passé dans la langue. « L’Imparfait » emprunte significativement aux codes de l’écriture théâtrale 71 : didascalie décrivant le décor, énumération des personnages, distribution des dialogues, précédés du nom du personnage qui les dit, tout contribue à faire de ce court texte une pièce de théâtre. La situation scénique et les « personnages » que sont les poissons volants figurent la difficulté de transmettre dans l’air l’expérience vécue sous les eaux. A l’inverse de l’Albatros, c’est en altitude, durant leurs sauts hors de l’eau, que se manifeste la maladresse des poissons - leur difficulté à respirer, et partant à s’exprimer - tandis qu’ils font preuve dans l’eau d’une « vivacité singulière » et d’« aisance ». L’étanchéité de l’expérience et des mots qui en rendent compte, au passé, et imparfaitement, fait peser une menace sur la possibilité de parler elle-même : « A cet étage les paroles regrettent les espaces du silence sans en avoir l’air » (PR, I, 181). La dispersion des voix que donne à lire la disposition théâtrale recoupe l’impossibilité de traduire en mots la « vivacité singulière » qui se trouve sous l’eau, et c’est toujours sous des identités d’emprunt, en une multiplicité de voix, et de manière fragmentée, que la parole s’articule : les poissons volants renvoient tous plus ou moins à un seul, comme l’indiquent la présentation des personnages, et leurs noms, anagrammes de Piscavio. Mais ce personnage, qui est peut-être censé s’exprimer dans cette pièce, ne prend jamais la parole en son nom, et il n’est désigné finalement qu’en troisième personne. Doù la question qui surgit vers la fin du texte : « Qui signera ? »
Par rapport aux premières satires, les textes de 1924 font des questions proprement langagières leur sujet spécifique. « L’infidélité des moyens d’expression » à l’égard de l’expérience sensible est ainsi mise au premier plan. Mais la crise du langage ainsi désignée est avant tout crise de la parole, du fait que la langue n’existe que sous la forme du discours. Qu’il s’agisse des premières satires ou des textes plus énigmatiques de la période du « drame de l’expression », la parole est mise en cause en tant qu’elle est relation à autrui, plus largement à la communauté de ceux qui parlent. La présence insistante des dialogues, les ébauches de fiction, qui caractérisent les premiers textes, soulignent la conscience précoce que les mots supposent toujours déjà un interlocuteur, qui agit sur le discours tenu.
Avant même la tentative de « L’imparfait ou les poissons volants », l’un des premiers textes publiés par Ponge manifestait cette potentialité théâtrale de son écriture : le titre même, « Vif et décidé » 72 , évoque une didascalie ou une partition de musique, de même que l’exergue - « « Oui » (Racine) - et la disposition du texte en répliques réparties entre « A », « B » et « C », confèrent à cette « pièce » une théâtralité certaine. La possibilité de trouver un accord sur les conventions et le sujet de la conversation occupe une grande partie des échanges :
‘A : On peut causer d’art’ ‘B : Oui on peut’ ‘B : D’art à cause ?’ ‘A : Ou du communiqué’ ‘B : Oui pour la même cause’ ‘C : Je m’en fous’ ‘A : Tu es commun (THR, II, 1348)’Alors que ce lieu commun de l’échange peine à se dégager, B pose les questions qui parcourent les premiers textes de Ponge : « Qui juge ici ? », « Qui commande ici ? ». Le second paragraphe suggère qu’un terrain d’entente a été trouvé, à travers les résultats pratiques obtenus dans la conversation, dont l’écrit ne peut recueillir que des traces :
‘B : Tenez’ ‘A et C : Attention. Merci (ibid.).’Mais c’est finalement autour du récit de B - sa rencontre amoureuse avec la Vénus de Milo - que la communication peut solidement s’établir, et la fin du texte se conclut sur la célébration unanime de cette entente trouvée :
‘A : Tu parles !’ ‘C : Je t’écoute !’ ‘B : Comme vous dites !’ ‘Ensemble : Je pense bien ! (Ibid, 1349)’Les expressions lexicalisées sont ici à entendre en un sens fort, et affirment le lien indissoluble de la parole et de l’écoute qui la fait exister, même si l’unanimité finale n’est pas sans ambiguïté. C’est en outre dans le discours, dans l’écoute également, que s’élabore la pensée, et non dans un espace idéal et silencieux.
Cette leçon se donne également à lire dans la fin des « Fragments métatechniques » publiés la même année dans Le Mouton blanc : pressé par son public, présent à ses côtés, l’artiste finit par créer une œuvre qui obtient l’assentiment 73 . Toutefois, ce que « Vif et décidé » ou les « Fragments métatechniques » présentent sur un mode plutôt confiant apparaît souvent par la suite comme le signe même de l’impropriété du langage. Le dialogue est ainsi le signe de la chute de « L’aigle commun », chute qui l’entraîne à s’adresser à ceux qui l’entourent. Pourtant, au début du texte, la première parole de l’aigle reçoit une réponse immédiate qui confirme que la communication est établie :
‘_ Puisque je suis descendu parmi vous…’ ‘_ Salut ! Bravo ! Nous t’entendons.’ ‘_ Voilà l’effet de la première conjonction (PR, I, 179).’Mais par la suite, le dialogue n’est pas tant échange que dissolution du sujet parlant dans un ensemble indéterminé : « “Vous parlez tous. Qui parle ? C’est nous ! Ô confusion ! Je les vois tous. Je me vois tous. Partout des glaces” » (ibid.). Dans l’espace de la parole, la voix singulière de l’aigle se fond dans un nous où tous les êtres sont interchangeables. Cette problématique des « autres en nous » connaîtra un développement important chez Ponge, notamment vers 1929-1930, dans des textes tels que « Les Ecuries d’Augias » ou « Rhétorique ». Dans l’économie du recueil des Proêmes, les propos de l’aigle sont donc en quelque sorte légitimés après coup par d’autres textes, dont le propos semble directement attribuable à l’auteur lui-même, en l’absence de toute marque énonciative. Mais le texte pris isolément semble moins univoque : la clausule, - « Ainsi parle l’aigle commun » - rappelant l’origine particulière des propos tenus, marque une distance à l’égard de ce discours. De même, la déploration outrée et par moments ridicule à laquelle s’abandonne l’aigle va dans le sens d’une ironie possible à l’égard du personnage : « “Où es-tu, pur oiseau ? Je ne suis plus moi. Comme c’est mal” » (ibid.).
La diversité des dispositifs énonciatifs des premiers textes manifeste donc le désir de signifier, d’une part, que le langage étant ce qu’il est, inséré dans un ordre socio-politique inégalitaire, il est impossible d’échapper à des « poses », à des « rôles » que les circonstances de l’échange oral rendent nécessaires. D’autre part, rendre visibles ces poses, les exhiber, c’est encore un moyen de ne pas en être totalement « dupe », et d’instaurer une distance critique par rapport à ses propres énoncés. Le « Proême » à Bernard Groethuysen écrit vers 1924, fait état de ces apories de l’usage de la langue. Le sens des mots est oblitéré par les circonstances qui contraignent à parler, sans que soient engagés des actes ou la vérité :
‘Si j’écris ou si je parle, ne serait-ce par activité de dissimulation ? Comme Hamlet ne parle que par force, lorsqu’il n’est plus seul. […] Aucun rapport entre le discours des paroles et la cascade des meurtres (ou, pour parler plus généralement, des actions) (NR, II, 309-310). ’Les Douze petits écrits exhibent ainsi cette « fuite dans la parole » 74 , même si les « Trois poésies » proposent, au cœur du recueil, un autre régime de la parole, qui tente de se détacher de cet emprisonnement dans les rôles imposés, les « jeux avariés », au profit de « la rage courte / En torche » (DPE, I, 4-5), ou de la « sagesse hermétique » (ibid., 5). Mais la question de la « bouffonnerie » ne cesse d’être interrogée dans le reste du recueil comme dans les textes contemporains. La pose du bouffon, déjà rencontrée dans « Le sérieux défait », se retrouve dans le premier des Douze petits écrits 75 , où elle est la seule échappatoire à l’impossibilité de s’expliquer. Le refus du silence s’exprime ainsi avec force dans les « Trois petits écrits » livrés au Disque vert. La « réplique d’Hamlet » l’affirme : « Quelconque de ma part la parole me garde mieux que le silence. ». « L’Insignifiant » insiste : « J’aime mieux que le silence une théorie quelconque, et plus encore qu’une page blanche un écrit quand il passe pour insignifiant » (P, I, 695). La prise de parole est dans cette perspective avant tout refus du silence, du renoncement qu’il implique. Le mot « quelconque », qui se retrouve dans les deux textes, dit assez l’ambivalence d’une telle posture : n’importe quoi fera l’affaire, il s’y manifestera toujours quelque chose de vivant. Mais aussi : « quelconque », toute parole l’est puisqu’elle se situe dans le lieu commun de la parole, qu’elle relève d’un langage qui ne permet l’échange qu’à condition que, précisément, il soit commun. Il est à noter en outre que dans ces deux textes, le dispositif énonciatif est mis en avant, et la parole est souvent rapportée : le titre original du premier, « Une réplique d’Hamlet », soulignait son ancrage fictionnel, dont la version des Douze petits écrits garde la trace à travers les noms d’Horatio et de Yorick, mentionnés dans le corps du texte. Les guillemets qui entourent « L’Insignifiant » sont a priori plus énigmatiques, puisqu’aucune situation d’énonciation n’est posée. Semblant indiquer que tous les mots sont toujours rapportés, toujours déjà utilisés, toujours « quelconques », ces guillemets désignent implicitement la difficulté à inscrire le singulier dans la langue. Les mots sont les mots des autres, ils ne valent jamais par eux-mêmes : les « fragments de masque » auxquelles contraint l’usage de la parole sont aussi « fragment du commun », « fragment d’habitude » (PR, I, 189).
Face à un tel constat, et une fois récusée la tentation du silence, plusieurs attitudes possibles se dessinent. Nous l’avons vu, le logocentrisme de certaines des « Fables logiques » supposait l’inaptitude structurelle de la langue à porter un dire authentique et agissant : l’exploration des mots au logoscope concluait alors à leur mort et à leur coupure à l’égard du réel. Mais d’autres stratégies se font jour, que l’on peut, pour les commodités de l’analyse, situer sur deux versants 76 : l’acceptation de l’omniprésence « des paroles » suppose que le travail de l’art littéraire consiste en une redisposition de ce matériau commun, susceptible d’en désamorcer le pouvoir aliénant. La seconde attitude implique l’élaboration d’une parole autre, écrite essentiellement, qui, tout en s’appuyant sur le matériau commun, tente de briser les mécanismes des usages courants.
Ces textes ne paraîtront finalement qu’en 1953 dans Le Disque vert (n° 3, juillet 1953), dans un ensemble de textes plus vaste.
Voici le premier paragraphe de ce texte, où la veine satirique est déjà sensible : « Qu’une M, majestueuse porte cochère assise sur deux piliers à même le sol de la rue, à l’entrée de la tortueuse venelle SINISTRE décapitée d’abord de l’enseigne au serpent qui s’y dresse, modifie (en mugissement) le sifflement des souffles venant de gauche qui s’y engouffrent : de cette opération naît le ministre ». La fin du texte compare en outre « les signatures » du ministre à des « cafards » (L, I, 454).
Il s’agit de « Souvenir », « Voici ce qui l’a tué » et « Multicolore ». Ces trois textes forment « Du Logoscope », lui-même compris dans l’ensemble plus vaste des « Fables logiques » (M, I, 614-615).
Note 7 de la p. 615, in F. Ponge, Œuvres complètes, I, 1103.
Dans ses entretiens avec Philippe Sollers, Ponge cite Mallarmé à propos de ces textes. On n’est effectivement pas loin des problématiques de « l’abîme » du « Néant » (lettre à Cazalis d’avril 1866), et de la conscience corrélative d’une coupure ontologique entre mots et choses : de même que « fleur » est « absente de tout bouquet », « souvenir » ne provoque aucune reviviscence du passé.
Entre les deux intervient, entre autres, l’avertissement de Paulhan formulé dès 1925 : « Je redoute un peu l’absolu où tu veux porter son œuvre : ce langage hors de toi, se nourrissant lui-même, c’est trop de confiance dans un nuage. Je voudrais que tu te souvinsses mieux du chemin par où tu es entré » (Corr. I, l.46, p. 49). Paulhan invite ici Ponge à considérer à nouveau le langage en situation.
Ponge refusa de donner ce texte, finalement resté inédit jusqu’en 1948, à Franz Hellens pour Le Disque vert. Il est probable que cette réticence portait davantage sur les conditions de sa publication dans la revue - aux côtés de Breton notamment - que sur le texte lui-même, puisque Ponge le proposa ensuite, vainement, à la revue Commerce.
A la même époque, Ponge s’essaye à l’écriture d’une tragédie, Tigrane (voir Corr. I, l. 46 (début 1925), p. 49 : « Je suis en plein Tigrane »).
Publié, avec « Peut-être un peu trop vicieux » (repris dans Lyres) sous le titre « Deux petits exercices » dans Le Disque vert, Bruxelles, janvier 1923, n°3. Ce texte n’a jamais été repris en recueil.
« _ Fais un chef-d’œuvre. _ Ah ! laissez-moi le faire. Je peins, forcé. […] _ Il faut nous plaire. _ Ô double torture, élaboration enfin réussie ! Voici ; ceci est mon sang, qui jamais n’a coulé. Et c’est aussi le tien, critique intérieur, voix des hommes. _ Miracle : ô neuve image de moi-même : c’est beau ! » (NR, II, 307).
Le deuxième texte du livre commence ainsi par ces mots : « Forcé souvent de fuir par la parole » (DPE, I, 3).
Paru sous le titre « Une Réplique d’Hamlet » dans le Disque vert, 3° année, 4° série, n°2, 1925. Sous le titre générique de « Trois petits écrits », ce texte était suivi de L’Insignifiant et de « Sur un sujet d’ennui ».
De fait, nous le verrons, les différentes postures se recoupent et se trouvent même parfois réunies dans un même texte.