II.2.1.1.1. Qui ?

Ce trait, l’un des plus connus de la poétique sarrautienne, est évident dès les Tropismes : l’absence de noms propres, les situations à peine ébauchées des textes courts, bloquent la construction d’entités fermes et déterminées. Le premier texte du recueil est à cet égard exemplaire, et instaure d’emblée un mode de référenciation spécifique :

‘Ils semblaient sourdre de partout, éclos dans la tiédeur un peu moite de l’air, ils s’écoulaient doucement comme s’ils suintaient des murs, des squares grillagés, des bancs des trottoirs sales, des squares.’ ‘Ils s’étiraient en longues grappes sombres entre les façades mortes des maisons. De loin en loin, devant les devantures des magasins, ils formaient des noyaux plus compacts, immobiles, occasionnant quelques remous, comme de légers engorgements.’ ‘Une quiétude étrange, une sorte de satisfaction désespérée émanait d’eux. Ils regardaient attentivement les piles de linge de l’Exposition de Blanc, imitant habilement des montagnes de neige, ou bien une poupée dont les dents et les yeux, à intervalles réguliers, s’allumaient, s’éteignaient, s’allumaient, s’éteignaient, s’allumaient, s’éteignaient, s’allumaient de nouveau et de nouveau s’éteignaient.’ ‘Ils regardaient longtemps, sans bouger, ils restaient là, offerts, devant les vitrines, ils reportaient toujours à l’intervalle suivant le moment de s’éloigner. Et les petits enfants tranquilles qui leur donnaient la main, fatigués de regarder, distraits, patiemment, auprès d’eux, attendaient (Tr, 3).’

Jusqu’à « ils regardaient attentivement », au début du troisième paragraphe, il est bien difficile d’attribuer un référent humain à ces « ils » dont l’éclosion évoque plus celle de germes que l’afflux d’une foule. De plus, même lorsque ces « ils » sont sans ambiguïté possible référés à des êtres humains, ils n’en sont pas pour autant individués, et le texte dans son ensemble dessine au contraire la fascination collective, hypnotique et dépersonnalisante qu’exerce une image présentée dans une vitrine 213 . C’est donc d’emblée à une impossibilité de singulariser les êtres qu’est confronté le lecteur qui ouvre les Tropismes. Bien plus, la constitution de sujets aux traits définis, que figure la poupée 214 , n’apparaît ici que dans un second temps, par identification mortifère à une image commerciale, en un mouvement de masse créé artificiellement. Cette identification est par ailleurs elle-même contingente, puisqu’elle succède indifféremment à l’« [imitation habile] des montagnes de neige ». Sans référent préalable, sans caractérisation précise dans la suite du texte, ces « ils » se manifestent d’emblée comme une construction textuelle, suintant de l’œuvre comme « ils semblaient sourdre » de l’air ambiant.

Cette indétermination des êtres qui peuplent les fictions, pour évidente qu’elle paraisse dans Tropismes, caractérisés par leur discontinuité, semble plus problématique pour Portrait d’un inconnu et Martereau, où des figures récurrentes (« la Fille », « le Vieux », l’oncle, la tante, Martereau) parcourent l’ensemble de chacun des livres, en des récits assumés en première personne par une voix unique faute d’être univoque. Nous ne détaillerons pas ici l’ensemble des procédés bien connus qui tendent à défaire l’entité du personnage chez Sarraute 215 . Il s’agit simplement de noter en quoi ils bloquent des réflexes de lecture acquis antérieurement, et empêchent les lecteurs d’appréhender le texte selon des préconstruits idéologiques et culturels.

L’absence de noms, par exemple, tend à remettre en cause la stabilité de la notion de « sujet » telle que l’entend la tradition philosophique classique, relayée en cela par la tradition romanesque. Portrait d’un inconnu et Martereau, comme on l’a souvent remarqué, présentent à cet égard des constructions symétriques : alors que l’éradication des personnages, au sens traditionnel où l’on entend ce terme, est première dans Portrait, et que Dumontet, au regard de méduse qui pétrifie tout, au physique surdéterminé et signifiant, restaure in extremis un ordre idéologique et romanesque, la figure de Martereau en impose d’abord au narrateur avant que cette belle enveloppe se délite, mettant en cause du même coup cette entité dont le caractère construit et artificiel apparaît de manière évidente. La caducité de l’entité du personnage, entité à laquelle s’attend un lecteur ouvrant un roman, se trouve ainsi thématisée, ce qui participe de la formation d’un lecteur spécifique. Plus généralement, l’absence de descriptions physiques, de caractérisation psychologique stable, bloque la construction d’une représentation, en ne fournissant que des données trop lacunaires pour que puisse se construire une image stable des personnages à partir des données du texte. Cette plasticité psychologique et physique permet même le déploiement des « drames » qui constituent les deux livres : c’est parce que « le Vieux » n’est pas qu’un « grippe-sou », un « vieil avare », qu’il donne lieu à une investigation de la part du narrateur ; c’est parce que Martereau ne saurait coïncider avec les images de son album de famille que l’on peut s’acharner à voir ce qui brouille ses contours. De même, la tante, dans Martereau, apparaît avant tout comme construction discursive, dans la première scène du livre où elle discute avec le narrateur : se présentant tantôt comme « princesse lointaine, Dame à la licorne » (M, 182), muse entretenue, ou femme de tête indépendante et entreprenante, elle apparaît d’emblée comme un noyau de contradictions qu’aucun point de vue surplombant ne permet de fixer. Au plan de la construction de la lecture, la narration ne peut donc se justifier que par cette indétermination préalable des êtres de fiction, qui restent innommés, ou dont le nom apparaît comme une désignation arbitraire.

Portrait d’un inconnu et Martereau, écrits tous deux à la première personne, pourraient néanmoins offrir, par le biais des narrateurs, un foyer de stabilité, avec une voix organisatrice du récit. Mais ces narrateurs apparaissent eux aussi très lacunaires en tant que personnages : ils ne sont pas nommés, et si celui de Portrait d’un inconnu esquisse une description de son physique, elle n’apparaît que vers la fin du livre. Les traits qui lui sont alors attribués sont peu caractéristiques. Au moment où il croise son reflet dans une vitrine aux côtés de « la Fille », il se décrit ainsi :

‘J’évite de regarder, trottinant à côté d’elle, ce bonhomme « sur le retour », à la mise négligée, court sur pattes, un peu chauve, légèrement bedonnant. Parfois je ne peux l’éviter. Il surgit d’une glace juste en face de moi, au croisement d’une rue. Jamais mes paupières fatiguées, mes yeux ternes, mes joues affaissées, ne m’étaient apparus aussi impitoyablement que maintenant, près de son image à elle, dans cette lumière crue (PI, 159).’

Le physique délibérément « moyen » du narrateur enlève d’emblée tout caractère de dévoilement à cette description : aucun secret n’est révélé dans ce portrait partiel et bien tardif. Certes, les traits attribués au narrateur sont signifiants à certains égards, pouvant même avoir valeur d’indices psychologiques : les paupières sont « fatiguées », les yeux « ternes », les joues « affaissées », et semblent refléter sa lassitude. Cette caractérisation psychologique du physique est néanmoins ambiguë : outre le fait qu’elle sera parodiée quelques pages après par la description physiognomonique de Dumontet, dont chaque trait physique se fait trait de caractère, elle est ici problématique dans la mesure où l’image que le narrateur donne de lui semble elle-même médiatisée par le regard de « la Fille ». Il se perçoit en effet « près de son image à elle ». On comprend même, peu après le passage que nous venons de citer, que cette caractérisation est en fait le jugement qu’elle porte sur le narrateur, et qu’il a intériorisé : « Cette image colle si exactement sur celle qu’elle a gardée de moi qu’elle n’éprouve aucune surprise. […] C’est ainsi qu’elle me voit depuis longtemps. Elle me connaît » (ibid.). A ce stade de sa lecture, le lecteur empirique est censé avoir renoncé à se construire une image du narrateur. Au moment où cette image est enfin esquissée, il est cependant amené à l’interpréter dans l’après-coup comme processus intersubjectif de construction d’une image. L’absence de certaines données de la communication courante, inhérente à l’écriture fictionnelle, est donc exploitée par Sarraute, qui, loin de chercher à combler cette lacune, la redouble par ce qu’Iser appelle une « négation secondaire » : au moment où l’œuvre semble admettre dans son répertoire la convention selon laquelle une personne est dotée d’une apparence propre, et d’un physique identifiable, elle ménage un renversement de la perspective qui amène le lecteur à remettre en question les configurations sémantiques qu’il avait lui-même élaborées 216 . Déçu dans son attente de précisions référentielles, le lecteur est donc conduit à s’interroger sur sa propre pratique de lecture : alors que, thématiquement, la déconstruction de l’image est un préalable à la découverte d’une « autre réalité », il est lui-même amené à s’interroger sur sa propre tendance à produire de telles images.

La narration à la première personne est également susceptible d’amener le lecteur à construire une autre image, et un autre type de référenciation, en rapportant le je du texte à la personne de l’auteur. Cet auteur est certes inconnu, mais il a une particularité qui apparaît dès la couverture de ses livres : c’est une femme, comme son prénom l’indique. Le choix de narrateurs masculins est dans ce cadre propre à décourager une identification directe entre les narrateurs et l’auteur. Plus généralement, il tend à écarter la particularisation des visions des narrateurs en termes de genres 217 , et s’inscrit dans la tentative plus générale de Sarraute de faire de l’écriture un lieu neutralisé. Rapporter l’univers fictionnelle à une vision féminine, ce serait la particulariser, et donc mettre à mal le caractère universel de « l’autre réalité », dont Sarraute cherche à persuader son lecteur : comme le montre Christine Planté, la catégorie du féminin est donc rejetée « comme obstacle à la neutralité de l’humain et à l’universalité d’un projet esthétique » 218 . Les fictions exhibent de manière récurrente « le caractère socialement et culturellement construit du sexe » 219  : à plusieurs reprises, les narrateurs sont confrontés à des hommes (« le Vieux », l’oncle, etc.) qui incarnent la virilité, au regard de laquelle leurs préoccupations (attention au détail, goût pour la décoration, etc.) semblent déviantes 220 . La construction d’une image stéréotypée de la féminité est également présente dans Portrait d’un inconnu et Martereau, qui prolongent en cela certaines pièces de Tropismes : « le Vieux » ne manque pas de souligner le manque de coquetterie de sa fille, qui risque de ne jamais pouvoir trouver de mari ; à l’inverse, la tante se complait à incarner divers clichés attachés à la féminité (muse, femme de tête, être léger et dépensier, etc.). Mais il importe pour Sarraute que ces représentations soient bien perçues comme des constructions artificielles recouvrant une « réalité » où ces partitions de genre n’ont pas cours. Le choix de narrateurs masculins, bien que peu virils en regard des canons dominants, vise à décourager le lecteur tenté d’interpréter ce qu’il lit en fonction du sexe biologique de l’auteur, et à amener ce lecteur au contraire à y être indifférent 221 .

Pour le lecteur de Sarraute, la question portant sur le « qui » fait donc l’objet d’une reformulation : alors que « de qui parle-t-on ? » apparaît comme une question sans réponse possible, « qui parle ? » s’impose comme la seule interrogation pertinente, même si elle ne peut être tranchée que de façon indécise et provisoire. L’énonciation des Tropismes n’est pas prise en charge en première personne, et les textes qui composent ce premier livre multiplient les brouillages énonciatifs, de sorte qu’une indécision demeure quant à l’origine de la voix qui énonce. Chaque ligne de ce livre pourrait illustrer cette idée, tant le procédé apparaît matriciel dans l’écriture de l’œuvre. On se contentera ici d’évoquer quelques exemples : outre le « Quoi donc ? Qu’était-ce ? » du texte IX que nous venons de voir, de nombreux textes opèrent une confusion énonciative plus importante. Le texte XIII où, armées de « leur petit bibi réglementaire », « elles courent d’un magasin à l’autre, à la recherche du « petit tailleur bleu… [du] petit tailleur gris » (Tr, 19), rend indiscernables et difficilement attribuables certains passages : le fragment de phrase « bien vaillamment, car elles étaient très résistantes », par exemple, est-il à attribuer au « elles » qui se le répètent, à « leur mère », qui les a « bien dressées » (ibid., 20) et leur a inculqué cette norme de comportement, ou à une voix narratrice anonyme et flottante se situant au croisement des consciences et construisant la scène à partir des discours qui traversent ces consciences ?Alors que, dans la fiction, les paroles et les attitudes corporelles sont surdéterminées par les situations de parole dans lesquelles les personnages se trouvent, au plan de la réception du texte, tout est fait pour que ces mêmes paroles soient difficilement assignables à une origine précise.

La situation énonciative est là encore sensiblement différente pour les deux livres suivants, Portrait d’un inconnu et Martereau, et l’on retrouve à nouveau la question des narrateurs. Si, comme nous l’avons dit, ces je qui prennent en charge l’énonciation sont eux-mêmes trop indéterminés pour constituer des sujets aux contours fermes, ils n’en présentent pas moins certains traits - que les deux narrateurs ont d’ailleurs en commun - qui peuvent les caractériser plus précisément. Tous deux sont en effet plus ou moins marginaux, ou au moins considérés comme socialement inadaptés, tous deux apparaissent aux yeux de leur entourage comme malades : le narrateur de Portrait d’un inconnu inspire la méfiance des gardiennes d’immeuble qui se taisent sur son passage, et ses parents l’emmènent chez un « spécialiste », afin de restaurer un « contact avec le réel ». Dans Martereau, c’est le narrateur lui-même qui se déclare « malade » dès la première séquence, désignant dans cette maladie la cause de sa marginalité socio-économique. Alors que sa tante lui raconte la difficile conquête, par le travail créateur, de son indépendance économique, il s’imagine ainsi une juste répartie :

‘Je ne la gagne pas, moi, ma vie, et j’en souffre, ils le savent bien… incapable de me délivrer d’eux, de m’évader… englué par eux, coincé, malade, et ils en profitent… je suis malade, je lui crierais cela, je ne peux pas vivre dans un atelier sans feu et vous le savez très bien, je ne peux pas veiller la nuit… (M, 189).’

La nature de cette maladie reste relativement indéterminée, mais là encore il paraît bien s’agir d’une défaillance « nerveuse » : la faiblesse physique du narrateur semble certes confirmée par son hospitalisation, mais tout est fait pour qu’on l’apparente à une forme de neurasthénie, notamment lorsque Martereau la qualifie de « maladie des riches ».

Mais en d’autres endroits les narrateurs se désignent à l’inverse comme des enveloppes vides, de simples caisses de résonance qui permettent de faire entendre et voir autrement la réalité, indépendamment de caractéristiques subjectives stables : l’image du « corps conducteur, à travers lequel [passent] tous les courants dont l’atmosphère [est] chargée » (PI, 119) qu’emploie le narrateur de Portrait d’un inconnu pour se décrire, de même que celle, utilisée par le je de Martereau, du « pendule en [lui] qui aussitôt se met à trembler, à osciller à l’unisson » (M, 250) du moindre mouvement, accréditent toutes deux l’idée que le je narrateur est un milieu neutre qui répercute les mouvements et les rend perceptibles.

Cette ambiguïté quant à l’individualisation des narrateurs - malades aux visions singulières et aberrantes, ou êtres sans contours proposant un regard digne d’intérêt sur une réalité nouvelle - est maintenue tout au long des œuvres et engage la manière dont les lecteurs vont être amenés à répondre à la question « quoi ? ». Sarraute, en effet, s’attache à maintenir une relative indécision quant à la crédibilité de ses narrateurs 222 . L’image du « pendule », dans Martereau, apparaît ainsi juste après que l’oncle eut qualifié le narrateur de « sensitive », de « grand délicat », réactualisant la possibilité que l’ensemble de ses perceptions étranges soit à imputer à ses dérèglements « nerveux » (M, 249). De même, la première phrase de Portrait d’un inconnu instaure cette ambiguïté : « Une fois de plus je n’ai pas pu me retenir, ç’a été plus fort que moi, je me suis avancé un peu trop » (PI, 41). Cette impulsion première peut être rattachée au comportement pathologique d’un individu incapable de maîtriser une pulsion, ou considérée comme un mouvement transpersonnel dont la portée dépasse les limites d’un sujet particulier (« ç’a été plus fort que moi »).

Selon que l’on considère les narrateurs comme des personnages à part entière, caractérisés en premier lieu par une maladie nerveuse, ou comme de simples « porteurs d’état », selon les mots de Sarraute, le statut de « cela », qui trouble la vision de la réalité commune dans les œuvres, varie nettement : dans le premier cas, ces « mouvements », « flageolements » qui occupent les narrateurs apparaissent comme des objets fictifs sans équivalents dans le monde « réel », fruits de l’imagination d’un personnage dont les propos et les visions sont jugés pathologiques, tandis que dans le second cas le statut référentiel de tels objets est plus indécis, et ils se trouvent dans un rapport plus problématique avec la réalité extra-textuelle.

On a vu précédemment que l’ambition de Sarraute était d’amener son lecteur à adopter le second cas, seul à même de pouvoir légitimer l’existence effective de l’« autre parcelle de réalité ». Mais pour que le lecteur en vienne à se poser la question de la référenciation, encore faut-il qu’il soit conduit à mesurer la distance qui sépare l’univers fictionnel de l’univers qu’il admet pour réel 223 . C’est en cela que la déstabilisation du « qui » rejoint l’indétermination du « quoi ». De même que les narrateurs tentent de persuader leurs interlocuteurs que la réalité, les « faits », ne se résument pas à ce qui est immédiatement perceptible, il faut, pour que le texte acquière une force persuasive, que le lecteur reconnaisse que ce qui est désigné par le texte n’entretient pas un rapport de simple spécularité avec ce qu’il croit connaître du monde réel.

Notes
213.

A cet égard, on pourrait voir dans ce texte un écho lointain (contrastant néanmoins avec l’esthétique naturaliste de Zola), de la scène finale de l’Exposition de Blanc d’Au Bonheur des dames : « Ce qui arrêtait ces dames, c’était le spectacle prodigieux de la grande exposition de blanc […] Les galeries s’enfonçaient dans une blancheur éclatante, une échappée bréale, toute une contrée de neige, déroulant l’infini des steppes tendues d’hermine, l’entassement des glaciers allumés sous le soleil ». Et plus loin : « Il n’y avait plus que cet aveuglement, un blanc de lumière où tous les blancs se fondaient, une poussière d’étoiles neigeant de la clarté blanche » (E. Zola, Au Bonheur des dames (1883), Paris, Le Livre de Poche, 1972, p.463 et 498).

214.

La poupée est, de façon durable, une figuration exemplaire du caractère factice et inquiétant du personnage. On la retrouve encore dans Enfance (1983). En introduisant ce motif, ce texte placé en tête des Tropismes joue de ce point de vue aussi un rôle emblématique.

215.

Voir notamment, sur ce point, B. Pingaud, « Le personnage dans l’œuvre de Sarraute », in L’Expérience romanesque, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1983, p. 214-264.

216.

W. Iser, L’Acte de lecture, op.cit., p. 373-382.

217.

Pour éviter les confusions, le terme de « genre » sera noté désormais en italiques lorsqu’il renvoie aux catégories du masculin et du féminin (dans un emploi proche de celui que les anglophones font du mot gender), et l’on continuera à noter « genre » en caractères romains pour désigner les catégories littéraires.

218.

C. Planté, « Le désir du neutre - Sur Enfance, de Nathalie Sarraute », Lieux littéraires, la revue, Montpellier, Presses Universitaires de l’Université Paul Valéry - Montpellier III, n° 7-8 (« Féminin/Masculin, écritures et différences »), 2003, p. 152.

219.

Ibid.

220.

Ainsi que le note Ann Jefferson, « les tropismes […] sont présents de façon plus palpable chez des hommes dont la masculinité est moins patente » [« The tropisms […] are most palpably present in men whose masculinity is least in evidence »] (A. Jefferson, Nathalie Sarraute, Fiction and Theory - Questions of Difference (2000), Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 111.

221.

Voir sur ce sujet, A. Jefferson, Nathalie Sarraute, Fiction and Theory, op. cit, chapitre 5 (« Sexual indifference »), p. 96-115.

Cette stratégie ne sera pas immédiatement efficace, et certains critiques verront dans les visions « féminines » des narrateurs un signe de leur « maladie » (voir supra, III.2.2.1. « Sarraute en 1954 »).

222.

De façon moins évidente, cette ambiguïté est déjà à l’œuvre dans Tropismes. Si, comme nous l’avons indiqué, le brouillage énonciatif maintient une incertitude quant à l’origine des paroles, les nombreuses modalisations (« Il lui semblait », « pour elle, il paraissait certain », etc.) ménagent la possibilité pour le lecteur de rattacher les « mouvements » à peine perceptibles qui lui sont donnés à lire à des impressions subjectives, à des perceptions idiosyncrasiques.

223.

Voir T. Pavel, Univers de la fiction (Fictional Worlds, 1986), Paris, Seuil, « Poétique », 1988, p. 109-114.