Nous l’avons indiqué, la proximité entre univers de la fiction et univers « réel » est en première approche évidente : pour s’en tenir à Tropismes, les éléments qui composent le répertoire entrent à bien des égards en résonance avec les normes connues des lecteurs. Le monde des Tropismes en effet est un monde où il ne faut pas traîner dans la salle de bains pour ne pas manquer le « tram ou le train », où il faut répondre au téléphone, (Tr, VI, 10-11), où l’on se promène dans les boutiques - pour l’Exposition de Blanc (Tr,I, 3), à la recherche du « petit tailleur bleu… [du] petit tailleur gris… » (Tr, XIII, p. 19), dans les salons de thé (Tr,X, p. 15) -, où, « les jours de fête », on va « se promener dans les bois de la banlieue » (Tr,XVII, p. 4). En bref, un monde dont les traits et les normes ressemblent fort à ceux que peut connaître un lecteur dans une grande ville française des années 1930, ou encore dans les années 1950. La relative continuité entre univers « réel » du lecteur et monde fictionnel est par ailleurs renforcée par les noms propres, qui, désignant un référent unique, ancrent de manière particulièrement efficace la fiction dans une réalité extra-textuelle. Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, ces noms propres sont nombreux dans Tropismes : il y est ainsi question du Collège de France (Tr,XII, 18), de Félix Faure, de l’impératrice Eugénie (Tr, XV, 21), de Michel Simon, de Jouvet (Tr,XXIII, p. 31), etc. Même les faits divers et l’actualité – y compris mondaine - ont droit de cité dans les textes : ainsi est-il question dans le texte XX des Windsor (en référence aux mésaventures d’Edouard VIII), du Président Lebrun et des quintuplées à qui furent consacrés de nombreux articles de presse à partir de 1934 224 . Tous ces détails, en particulier la profusion des noms propres, s’apparentent à des effets de réel, et posent finalement assez nettement un cadre : pour le lecteur contemporain de la parution des textes - et, à quelques références près 225 , pour le lecteur actuel, - le recoupement des répertoires est donc important.
Mais ces points d’ancrage référentiels sont contrebalancés par des stratégies systématiques d’indétermination. L’accumulation est le procédé qui, dans Tropismes au moins, est le plus couramment utilisé pour brouiller la référence, bloquer la construction d’une représentation trop stable de ce qui est désigné par le texte. Dans les passages déjà cités, remarquons déjà qu’il est question du « tram ou [du] train » (Tr,VI, 10, nous soulignons) ; au « petit tailleur bleu » se juxtapose le « petit tailleur gris » par de simples points de suspension. Ailleurs, les pluriels renforcent l’indétermination des référents, tandis que le caractère hétéroclite des objets énumérés suggère qu’ils ne valent effectivement dans le texte que par leur accumulation : ainsi en est-il, dans le texte XII, de « Rimbaud ou Proust » qui évitent « les boutiques pleines de jolis objets, les femmes qui trottinaient alertement, les garçons de café, les étudiants en médecine, les agents, les clercs de notaire » (Tr, XII, 19). Les dialogues sont aussi l’occasion de cette accumulation sans autre cohérence que celle du lieu commun. D’où par exemple, dans le texte XV, cette étrange énumération : « L’Angleterre ? Dickens ? Shakespeare ? Hein ? Hein ? Dover ? Shakespeare ? Dover ? » (Tr,XV, 22). La recherche d’une logique dans le propos est ici découragée : l’Angleterre est réduite, de plus en plus grossièrement, à un ensemble de poncifs qui s’accumulent finalement sans ordre. Alors que, dans un premier temps, les deux noms d’écrivain se suivent, Shakespeare se trouve finalement encadré par deux apparitions du nom du port. Comme souvent dans le reste du livre, ce qui est mis en scène est la compulsion à « parler sans arrêt, de n’importe qui, de n’importe quoi » (Tr, IX, 15). Mais pour que cette compulsion soit perçue comme telle, il est nécessaire que les propos tenus apparaissent indifférents au lecteur. D’où, précisément, ces stratégies d’accumulation, les pluriels, les énumérations incohérentes, les amalgames rendant tout indistinct – « les pères, les fils, les mères ! » (Tr, XXI, 28) - stratégies grâce auxquelles les propos deviennent presque incompréhensibles, en tout cas ne valent pas par ce qu’ils disent. 226 Ces procédés, s’ils sont particulièrement frappants dans le traitement du dialogue et des propos rapportés, sont utilisés plus généralement, comme on l’a vu, pour indéterminer la référence, de sorte que, dans l’univers de Tropismes, tous les objets tendent à ressembler à la casquette de Charles Bovary. Si les éléments qui composent le répertoire de Tropismes sont peu porteurs d’étrangeté, leur assemblage, leur non permanence, leur absence de figurabilité en font des objets intrigants et résistants à la représentation mentale. Pour reprendre la terminologie d’Iser, on peut dire que le texte multiplie les « disjonctions », les « blancs ». Cette relative incompatibilité entre des segments du texte contraint le lecteur à modifier son point de vue, à faire retour sur les représentations (visuelles, affectives, etc.) qu’il avait dans un premier temps produites pour les adapter aux nouvelles représentations que suscite le texte : ainsi que le note Iser, les disjonctions entre les éléments du répertoire permettent de les faire apparaître sous un jour nouveau, à savoir de relativiser les codes et les normes convoqués par l’œuvre 227 . Une telle poétique amène donc le lecteur à questionner les représentations préexistantes : Tropismes crée du jeu dans le tissu des codes et normes qui régissent la vie quotidienne – échanges sociaux, relations familiales, représentations des genres, etc. A la sélection des conventions, qui caractérisent structurellement l’établissement d’une situation en régime fictionnel et suppose que certaines conventions soient exclues de l’univers fictionnel, s’ajoutent donc des négations secondaires, qui accentuent et, surtout, rendent le lecteur conscient de la dépragmatisation inhérente à la communication littéraire 228 .
Par le travail des négations, les référents du texte, malgré une apparente familiarité, apparaissent donc problématiques : ils doivent faire l’objet d’une construction dans la lecture. Le titre même du livre indique d’emblée la difficulté à faire référer les textes qui le composent. S’il y a aujourd’hui une évidence à relier le nom de Sarraute au mot tropisme, il convient de revenir sur le caractère énigmatique de ce terme pour le lecteur de 1939. Un détour par une édition encore récente du dictionnaire nous donnera paradoxalement l’occasion d’en cerner les contours :
‘Tropisme : n.m., (début XX° ; de l’élément –tropisme, [V. –Trope] de mots antérieurs, héliotropisme, géotropisme, phototropisme, etc.). Biol. Réaction d’orientation ou de locomotion orientée (mouvement), causée par des agents physiques ou chimiques. Spécialt. Réaction d’orientation des organismes végétaux ou animaux fixés, sous l’effet d’agents physiques ou chimiques (distinct de tactisme* ou taxie*). _ Fig. et littér. (1957) Réaction élémentaire à une cause extérieure ; acte réflexe très simple. Tropismes (œuvre de Nathalie Sarraute). 229 ’On mesure bien le coup de force référentiel que Nathalie Sarraute a réussi : elle a fait entrer dans la langue un second sens du mot tropisme, sens qui lui est explicitement attribué. 1957, la date donnée pour l’apparition de cette seconde acception, est en effet l’année de réédition de Tropismes aux éditions de Minuit. Le titre du livre est d’ailleurs le seul exemple de cette acception 230 .
Si une entrée du dictionnaire nous apprend aujourd’hui ce que signifie le titre de Nathalie Sarraute, c’est bien que cette acception n’était pas contenue dans le sens préexistant en langue. Tropisme, le mot existe déjà plus ou moins lorsque Sarraute s’en empare ; mais l’œuvre lui invente un nouveau référent, ou plus exactement tente d’amener le lecteur à le déduire de sa lecture.
Pour les premiers lecteurs en effet, le titre ne peut que susciter des interrogations. Le terme est cependant relativement technique 231 ; pour un certain nombre de lecteurs, le mot fonctionne donc comme un signifiant vide de sens a priori. Ce sens est à inventer dans la lecture, à attribuer dans l’après-coup de la découverte des textes. Pour les plus informés, la lecture des textes brefs qui composent cette œuvre inaugurale ne peut que confirmer ce décalage sémantique entre le sens de tropisme en langue et l’usage qu’en fait Sarraute. Ce qui pourrait rattacher l’œuvre au sens préexistant n’apparaît que de manière incidente dans l’œuvre elle-même, à travers les métaphores animales et végétales récurrentes. Dans le texte XIV par exemple, l’image de la plante sous-marine et de la lampe évoque, même lointainement, une forme d’héliotropisme :
‘Ils la voyaient qui se tenait silencieuse sous la lampe, semblable à une fragile et douce plante sous-marine toute tapissée de ventouses mouvantes (Tr, 20-21).’Toutefois, dans cet exemple précis, ce qui rattache le texte au titre de l’œuvre n’est qu’incident et somme toute secondaire par rapport au « propos » principal – il semble y être principalement question de la conversation difficile entre des « ils » et un « elle ». La lecture de l’œuvre en est brouillée : chercher dans les textes ce qui justifie le titre revient en l’occurrence à inverser la hiérarchie sémantique entre comparant et comparé. La signification principale, au regard du titre, résiderait dans le sens métaphorique, tandis que, du point de vue de la logique narrative, la référence à cet héliotropisme est annexe. Loin d’offrir un cadre référentiel préalable, le titre fonctionne donc à l’inverse comme un déstabilisateur propre à délinéariser la lecture, puisque deux séries sémantiques (au moins) entrent en concurrence.
Le texte V convoque lui aussi une image qui semble correspondre à la définition première du tropisme :
‘La moindre action, comme d’aller dans la salle de bains se laver les mains, faire couler l’eau du robinet, paraissait une provocation, un saut brusque dans le vide, un acte plein d’audace. Ce bruit soudain de l’eau dans ce silence suspendu, ce serait comme un signal, comme un appel vers eux, ce serait comme un contact horrible, comme de toucher avec la pointe d’une baguette une méduse et puis d’attendre avec dégoût qu’elle tressaille tout à coup, se soulève et se replie (Tr, 9, nous soulignons).’Comme dans l’exemple précédent, la comparaison permet de relier ce qui se passe dans la diégèse - en l’occurrence, ce qui ne se passe pas, l’absence complète d’action – avec le sens du mot titre. Mais ce lien se fait explicitement sur le mode de la comparaison : la distance entre la situation décrite et ce que le mot tropisme désigne couramment est marquée par la présence de mots de comparaison, comme dans l’extrait du texte XIV précédemment cité. Pour passer de l’un à l’autre, une invention sémantique est donc nécessaire.
La tension instaurée entre le titre énigmatique et les textes composant le livre appelle ainsi une activité herméneutique du lecteur, puisqu’il s’agit pour lui de construire le sens « figuré et littéraire » que viendra sanctionner, des décennies plus tard, le dictionnaire. A part quelques comparaisons déjà mentionnées, le lien qui peut être fait entre le sens scientifique préexistant et la seconde acception s’appuie essentiellement sur deux sèmes. Le premier est l’idée d’échange, d’interaction entre deux agents (les « agents physiques ou chimiques » dont parle le dictionnaire), de pression extérieure provoquant un mouvement. On pourrait désigner le second par l’« élémentaire » : la notion « d’agent chimique », dans l’acception scientifique, évoque des formes de vie peu développées. De même, les organismes « végétaux ou animaux » explicitement concernés situent le tropisme du côté du non humain.
De fait, dans la plupart des textes, l’accent est mis sur les échanges entre des êtres exerçant les uns sur les autres une pression muette et déformante, de sorte que, déjà, les personnages esquissés sont moins des entités fermes et closes que des substances plastiques en perpétuelle mutation, ne se définissant que par les échanges – souvent brutaux – avec d’autres actants. Ainsi, on a déjà vu comment les ils du premier texte, qui « semblaient sourdre de partout », s’apparentaient à des « agents chimiques ».
En ce qui concerne la présence de « l’élémentaire » dans l’œuvre, l’essentiel passe là encore par les réseaux de comparaisons et les métaphores : le bestiaire convoqué par Sarraute (boa, serpent, méduse, cloporte, limaces, etc.) fait ainsi la part belle aux formes de vie les plus méprisées et les plus inquiétantes – invertébrés, animaux rampants, bavants. Dans le contexte d’un livre intitulé Tropismes, de telles images ont pour effet de réactiver le sens biologique du terme ; l’animalité des protagonistes et le caractère réflexe de leurs actes sont par ailleurs thématisés dans les textes. Il y est question d’« instinct de défense », de « vitalité facile », d’« indicible répulsion », etc. ; l’usage des pronoms tend à situer également les personnages esquissés dans un état présocial. Le texte XI actualise cela de façon manifeste :
‘Ils étaient ainsi un grand nombre comme elle, parasites assoiffés et sans merci, sangsues fixées sur les articles qui paraissaient, limaces collées partout et répandant leur suc sur des coins de Rimbaud, suçant du Mallarmé, se passant les uns aux autres et engluant de leur ignoble compréhension le dernier livre de Virginia Woolf ou les Cahiers de Malte Laurids Brigge (Tr, 17).’Fondus en un « ils » nivelant les singularités, les personnages sont ramenés à une animalité dégradée : la connotation dévalorisante attachée aux différents comparants convoqués est la seule chose qui en assure la cohérence. Ce qui est visé ici, c’est donc une strate irrationnelle et comme désocialisée des êtres, alors même qu’il y est question d’auteurs qui représentent la modernité littéraire, voire, pour Virginia Woolf et Rilke, une forme d’avant-garde ; le texte fait donc s’entrechoquer ce qu’il y a de plus viscéral et d’irréfléchi avec les formes considérées comme les plus raffinées de la culture.
Présent dans l’œuvre à travers des comparaisons éparses et en partie énigmatiques, ou, de façon plus lointaine encore, par l’exploitation de connotations liées au terme - interaction créatrice de mouvements, animalité, présence de l’élémentaire - le signifié original de tropisme n’apparaît que de manière indirecte et problématique au lecteur qui aborde le texte de Nathalie Sarraute lors de sa première parution, en 1939. Si les textes de Sarraute présentent bien des éléments de décor facilement reconnaissables, le référent présenté comme central par le titre est à construire dans la lecture.
Le lecteur qui pénètre dans l’œuvre de Sarraute se trouve donc plongé à la fois dans un univers familier, renvoyant à du connu, mais où tout est rendu méconnaissable, par le jeu des nombreux blancs, négations, disjonctions. La distance qui sépare l’espace de la lecture de la réalité connue d’avance ne saurait se combler par une activité imageante colmatant ces blancs : la poétique de Sarraute bloque cette tendance à créer une continuité entre l’univers de la fiction et ce qui est reconnu comme la réalité, en amenant son lecteur à reconnaître la non-coïncidence entre ses représentations et ce qui tente de se figurer dans le texte.
Ce soulignement de la césure entre monde textuel et « réalité » extratextuelle amène donc à envisager la référenciation du texte de façon problématique. Décrivant la relation du texte de fiction à son lecteur comme une structure « quasi-pragmatique » de communication, Karlheinz Stierle souligne que l’effet d’illusion est d’autant plus fort que le « quasi » est faible, et que la fiction tente de se faire oublier comme telle. A l’inverse, les textes insistant sur la médiation du langage empêchent la projection d’une référence préconstruite sur l’univers fictionnel 232 . Sarraute se situe nettement du côté du « quasi », en soulignant la discontinuité entre le texte et son dehors.
Nous avons jusqu’à présent insisté sur l’indétermination des actes de langage représentés (« Qui parle de quoi dans le texte ? ») au cours de la lecture. Mais, pour que cette déstabilisation soit véritablement efficiente, il apparaît également nécessaire que les cadres mêmes de la lecture soient déstabilisés, notamment que le « macro-acte de langage » 233 que constitue un livre soit lui-même relativement indéterminé : c’est au prix de cette perte des repères que le lecteur peut acquérir la mobilité idéologique et herméneutique qui lui permettra de percevoir les « mouvements » que le texte cherche à susciter en lui.
Entrent également dans cette catégorie, de façon d’ailleurs massive, les nombreux noms d’artistes, d’écrivains et d’œuvres qui parcourent les Tropismes. Ces noms ont bien sûr une valeur particulière, sur laquelle nous reviendrons plus loin.
Références du reste révélatrices d’un ancrage de l’œuvre dans son univers contemporain, y compris dans ce qu’il a de plus éphémère : les notes des Œuvres complètes sur le texte XX sont ainsi devenues nécessaires pour élucider les références à l’actualité médiatique.
Il s’agit donc d’amener le lecteur à considérer lui aussi les paroles en situation, en privilégiant les enjeux pragmatiques plutôt que les aspects sémantiques.
« Pour le lecteur, le répertoire n’éveille que l’apparence de la familiarité, car par la “déformation cohérente” (Merleau-Ponty) survenue dans le texte, les éléments qui y font retour perdent leur référence par laquelle leur signification était chaque fois stabilisée » (W. Iser, L’Acte de lecture, op. cit., p. 150).
La « sélection des conventions », on l’a vu, est une donnée structurelle de toute écriture fictionnelle, selon Iser : c’est à travers elle que se constitue le répertoire et que s’établit une situation. Elle entraîne une dépragmatisation : « Par sa sélection des conventions, [la fiction] dépragmatise celles qu’elle a retenues » (L’Acte de lecture, op. cit., p. 113).
Mais les codes et normes sélectionnés dans le répertoire peuvent, comme c’est le cas chez Sarraute, n’être pas homogènes sur l’ensemble d’une œuvre : ce qui est admis comme faisant partie du répertoire en un endroit peut être remis en cause en un autre passage. Ces renversements de perspective créent ce qu’Iser nomme des « blancs », qui mettent en jeu des stratégies de lecture : « Les blancs provoquent une disjonction entre les perspectives de présentation du texte, et c’est au lecteur de les relever […] Ces potentiels de négation évoquent chez le lecteur des éléments connus ou déterminés, puis aussitôt les contestent » (ibid., p. 299). La multiplication des disjonctions dans une œuvre amène le lecteur à opérer des « négations secondaires », à remettre en cause les représentations qu’il s’était formées à partir des conventions sélectionnées dans le répertoire, et à ainsi les prendre conscience de leur relativité, ainsi que de la dépragmatisation qui préside à la formation d’une situation de fiction. Par là même, il se trouve empêché de colmater les « blancs » du texte, qui, comme le note Iser, sont au contraire, dans les représentations de type réaliste, aussi discrets que possible.
Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, Paris, Dictionnaires le Robert, 1990.
C’est bien le titre à lui seul qui fait exemple puisqu’il n’apparaît jamais dans l’œuvre fictionnelle elle-même.
Dans un entretien accordé à Serge Fauchereau et Jean Ristat, Nathalie Sarraute se souvient que « à l’époque, “tropisme” était dans l’air » (Digraphe, n°32, mars 1984, p. 9). En contexte littéraire, le mot apparaît en 1914 dans son sens biologique sous la plume de Gide dans Les Caves du Vatican, où le docteur Anthime Armand-Dubois « prétendait simplement réduire en “tropismes”toute l’activité des animaux qu’il observait » (A. Gide, Les Caves du Vatican, Œuvres complètes (Romans), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1958, p. 683). On peut cependant douter que le terme soit largement connu. Au moment où Sarraute écrit, et publie, même l’acception technique est récente : « début XX° », d’après Le Robert. René Micha confirme : « Le mot “tropisme” ne se trouve pas dans Littré, ni dans le dictionnaire de l’Académie. Cependant l’Oxford English Dictionary relève l’existence de « tropism » depuis 1899 » (Nathalie Sarraute, Editions Universitaires, « Classiques du XX° siècle », 1966, p. 8).
K. Stierle, « Réception et fiction », Poétique, n°39, septembre 1979, p. 300-303.
D. Maingueneau, Pragmatique pour le discours littéraire, Paris, Bordas, 1990, p.12.