III.1.2. Sarraute selon Sartre et la requalification générique

Comme pour Ponge, les pages que Sartre consacre à Sarraute jouent un rôle à la fois inaugural et structurant, dans la mesure où elles constituent également un premier discours critique substantiel, et qu’elles polariseront, quoique dans une moindre mesure, les premiers discours critiques sur l’œuvre. Le statut de l’intervention de Sartre n’est pourtant pas le même : alors que Ponge apprend par Camus que l’auteur de L’Etre et le néant prépare une étude sur son œuvre, et accueille cette nouvelle avec méfiance, c’est Sarraute elle-même qui sollicite un article. La parole de Sartre, dans son cas, ne revêt donc pas le même caractère d’extériorité que pour Ponge : Sarraute en est à l’origine, et durant les années de guerre elle fréquente régulièrement Sartre et son entourage. Il avait du reste manifesté son intérêt pour son travail dès la parution de Tropismes, lui envoyant à cette occasion une lettre louangeuse et encourageante. Ce premier livre, on l’a souvent dit, n’a pour ainsi dire pas connu de réception publique ; un détour par les quelques mots suscités par l’œuvre permettra cependant de mieux situer les enjeux de la préface de Sartre.