III.2. Réponses auctoriales

Pour Ponge comme pour Sarraute, les paroles que Sartre pose sur leurs œuvres s’apparentent à une traduction en termes philosophiques, et plus exactement existentialistes, de leur projet d’écriture. L’approche de Sartre s’étaye en outre sur une conception ferme des partitions génériques, qui fonde plus ou moins explicitement ses analyses, et altère sensiblement le sens de leur démarche. Dans le cas de Ponge, cette démarche se trouve même plus ou moins disqualifiée, - malgré l’intérêt que manifeste la longue étude que Sartre consacre à son œuvre - puisqu’elle aboutit à un « échec ». Si ces interventions constituent bien une reconnaissance majeure, elles contestent plus ou moins explicitement la singularité des processus de lecture que l’un et l’autre écrivain entendent susciter. Etant donné l’autorité et l’influence dont jouit Sartre dans l’immédiat après-guerre, la nécessité se fait donc sentir pour l’un comme pour l’autre de répondre à ces premières lectures, pour faire exister la spécificité de leur œuvre. Ces réponses prennent souvent la forme de répliques, dans le sens dialogique comme tactique du terme : de l’extérieur comme de l’intérieur des œuvres, Ponge et Sarraute mettent ainsi en place un certain nombre de stratégies pour affirmer l’autonomie de leurs démarches, pour se situer eux-mêmes, et susciter d’autres discours sur leurs œuvres. Ce sont les enjeux de telles stratégies - leurs conséquences sur les poétiques des deux écrivains notamment, et les ambiguïtés dont elles sont porteuses en terme de luttes d’influence - qu’il s’agit à présent d’étudier de plus près.