III.3.2.2. La seconde réception de Portrait d’un inconnu

En 1948, lors de sa première édition, Portrait d’un inconnu n’avait suscité que trois recensions critiques. Cinq ans plus tard, les critiques de Martereau s’étaient attachées pour beaucoup d’entre elles à caractériser la psychologie du narrateur. La seconde réception de Portrait d’un inconnu, à la fin de l’année 1956, manifeste de façon spectaculaire le déplacement de l’intérêt critique qui s’opère à la suite de L’Ere du soupçon. Sans que les conceptions de Sarraute fassent l’unanimité dans la critique, il est cependant frappant de constater que les commentateurs se situent presque tous par rapport à ces conceptions, qui se sont donc imposées dans la lecture de l’œuvre fictionnelle.

Il est à noter que le prière d’insérer que Gallimard joint au livre dans ses envois à la presse est cette fois rédigé par Nathalie Sarraute elle-même, qui s’attache à la fois à se distancier par rapport à la qualification sartrienne d’anti-roman et à détourner l’intérêt de l’intrigue en elle-même :

‘« Un anti-roman », a écrit J.-P. Sartre. Et certainement c’en est un, dans la mesure où la matière encore mal connue qu’il explore a conduit son auteur à trouver une technique qui remet à chaque instant en question celle du roman traditionnel. Il n’en constitue pas moins une œuvre essentiellement « romanesque », puisqu’il aboutit à sa manière à montrer au lecteur des personnages aussi bien que le lui permettent les techniques romanesques habituellement employées 1030 .’

Ce premier paragraphe embarrassé dit bien la difficulté de Sarraute à se situer à l’égard de la requalification générique de Sartre, qui postule une forme romanesque stabilisée, par rapport à laquelle son œuvre à elle se situerait négativement, et se trouverait par conséquent enfermée dans une forme stable 1031 . Or, toute la stratégie de Sarraute consiste à s’insérer dans un genre déjà constitué pour en contester de l’intérieur la définition et les délimitations. Il s’agit donc pour elle de montrer en quoi Portrait d’un inconnu est un roman quand même, et elle se trouve pour cela contrainte d’employer les catégories mêmes qu’elle s’est appliquée à récuser dans L’Ere du soupçon : si Portrait d’un inconnu est un roman, c’est parce qu’il « [montre] au lecteur des personnages » 1032 . La suite du prière d’insérer précise cependant le projet spécifique de Sarraute au sein du genre romanesque, projet qui en déplace notoirement l’intérêt :

‘Ce que cherche cependant, tout d’abord, celui qui raconte cette histoire, c’est d’arriver à capter chez les personnages qui le fascinent - un vieux père et sa fille - sous leurs attitudes et leurs paroles, par-delà leur monologue intérieur, ces mouvements secrets, inavoués, à peine conscients, ces sentiments à l’état naissant, qui ne portent aucun nom, et qui forment la trame invisible de nos rapports avec autrui et de chacun de nos instants (ibid., nous soulignons).’

L’intérêt de l’œuvre est ainsi déplacé des personnages aux « mouvements », que Sarraute décrit longuement, et qui font étroitement écho aux termes qu’elle utilise dans L’Ere du soupçon. La référence au « monologue intérieur » notamment, introduit à un questionnement sur les techniques romanesques qui renvoie directement à « Conversation et sous-conversation ». Ce second paragraphe vise également à légitimer la quête du narrateur, dont l’objet correspond à une réalité universelle, que Sarraute décrit ici, en recourant au nous, dans des termes très voisins de ceux qui définissent, dans L’Ere du soupçon, la « parcelle de réalité » que cherche à mettre au jour le véritable romancier. Ce prière d’insérer place d’emblée le narrateur en chercheur d’une certaine forme de vérité, qui correspond à une vision du monde de l’auteur, et décourage ainsi les interprétations qui en feraient un simple malade.

De fait, très peu d’articles s’attachent au caractère du narrateur, et, lorsqu’ils le font, c’est explicitement contre les intentions de l’auteur et souvent avec une certaine mauvaise conscience. Dans un article très ironique, le critique du Bulletin des Lettres s’essaie à résumer le livre en soulignant l’ineptie des situations et la recherche de types psychologiques précis, tout en proclamant son incompréhension, et le fait que, d’après la préface de Sartre, l’œuvre serait porteuse de significations profondes :

‘Pour vous dire la vérité vraie j’avais cru comprendre qu’il s’agissait d’une particulière qui était en train de tourner à la vieille fille. […] Celle-ci, et non sans mal, finissait par se trouver un Jules et le père, pour montrer qu’il se résignait et qu’il avait pardonné à sa fille de lui voler du savon, c’est très important cette histoire de savon dit Sartre, leur offrait un repas de noces tout ce qu’il y a de gentil. Mais cela me paraît trop simple pour que ce soit ça 1033 .’

S’il s’agit, en creux, de dénoncer une littérature absconse et dénuée d’intrigue solide, ce reproche ne semble plus pouvoir se faire en 1956 sans qu’il soit tenu compte d’une vision du monde particulière à l’auteur, au nom de critères indiscutables de définition du roman. Dans un registre moins dérisoire, et dans une réflexion plus approfondie, les remarques qu’André Rousseaux fait à propos de Portrait d’un inconnu vont également dans ce sens : il voit dans l’œuvre une tentative dont l’aboutissement est peut-être l’« assassinat » du roman. Rousseaux reprend donc à son compte la catégorie d’« anti-roman », et, tout en désapprouvant cette tentative, affirme néanmoins que Sarraute se situe « à la pointe des recherches littéraires » 1034 . Ses réserves ne portent donc pas sur l’intrigue ou la construction des personnages, mais sur la vision de la réalité qui sous-tend l’œuvre : le narrateur n’est pas un malade, mais « le délégué de l’auteur à l’observation psycho-larvaire », qui donne accès « au rien d’une vie protozoaire sous le rien d’une vie sclérosée » 1035 . Georges Anex envisage Portrait d’un inconnu à travers les catégories critiques de Sarraute, relevant un certain nombre de points communs entre les visions du narrateur et les points de vue défendus dans L’Ere du soupçon. Mais c’est au nom d’une divergence de points de vue sur le roman, dont découle une vision du monde différente, qu’il émet un jugement en demi-teinte sur le livre. En effet, Georges Anex lie les conventions acceptées dans la lecture à la « réalité » transmise ou non par un roman : dans Portrait d’un inconnu, « à aucun moment nous n’avons le loisir de nous prendre au jeu, je veux dire au jeu romanesque dont nous avons l’habitude et dont nous attendons, de page en page, qu’il renaisse. C’est dans ce jeu, dans cette convention que, lisant un roman, nous recherchons une réalité et une vérité » 1036 . Refuser la rupture imposée par Sarraute à l’égard de « cette convention », c’est en même temps rejeter (au moins en partie) la « réalité » qu’elle tente de transmettre : « Qui nous prouve que cette vie aveuglée et inquiète soit plus significative que celle que nous voyons et montrons, celle que nos gestes et nos paroles découpent à la surface du monde ? » 1037 .

La question du caractère maladif du narrateur est donc d’emblée reléguée au second plan, et de nombreux commentateurs le considèrent au contraire comme le porte-parole de Sarraute elle-même : l’œuvre est donc discutée sur le plan de la « réalité » qu’elle propose et des techniques romanesques mises en œuvre à cette fin. C’est donc, comme on l’a dit, à partir des catégories de Sarraute, et des effets de lecture qu’elle veut induire (la reconnaissance d’une certaine « réalité ») qu’est envisagée l’œuvre, que ces techniques et cette réalité soient acceptées ou non. Il est à cet égard remarquable que la préface de Sartre soit très peu invoquée par les critiques comme élément d’interprétation. Même si la catégorie d’anti-roman est parfois reprise, - souvent de la part des commentateurs les plus réservés - elle est discutée à partir de la pensée critique de Sarraute. C’est le cas, on l’a vu, d’André Rousseaux. De même, Alain Bosquet qualifie bien Portrait d’un inconnu d’anti-roman, mais sans se référer à Sartre, et compare l’œuvre au Dernier homme, de Blanchot. C’est à partir des « grouillements », et du malaise qu’il provoque chez le lecteur de Sarraute, que la catégorie est envisagée : « la conception de l’anti-roman [de Sarraute] suppose la lente et insidieuse décomposition du lecteur » 1038 . L’usage que Bosquet fait du terme renvoie donc précisément à un effet de lecture, par lequel l’unité du lecteur subit la même pulvérisation que celle que l’œuvre opère sur les sujets fictionnels. « Antiroman », sous la plume de Bosquet, signale donc que la fiction “déborde” du livre, dans un processus de repragmatisation. Le compte-rendu de Luc Estang est lui aussi significatif du fait que l’œuvre de Sarraute est à présent envisagée indépendamment de la pensée de Sartre. Lors de la première parution du livre, Estang voyait dans l’hostilité des personnages entre eux un reflet de la pensée existentialiste, qui n’empêchait pas les personnages de conserver « une épaisseur romanesque » 1039 . Dans l’article qu’il consacre à Portrait d’un inconnu en 1956, il reprend certes à son compte la catégorie d’« anti-roman », mais pour désigner une entreprise systématique de destruction du genre : dès lors que sont contestés tous les éléments constitutifs du roman, « pourquoi garder la désignation ? Pourquoi appeler “roman” ce qui, avec une foule de bonnes raisons, […] ne veut pas en être un ? » 1040 . Si Luc Estang rattache Portrait d’un inconnu à l’anti-roman, c’est donc qu’il y distingue une entreprise avant-gardiste et radicale, et non une œuvre existentialiste. Cette catégorisation générique s’opère d’ailleurs explicitement contre la généricité auctoriale.

Mais, le plus souvent, la préface de Sartre est jugée incongrue, et la catégorie d’anti-roman écartée comme non pertinente. Jean Cathelin trouve ainsi la préface d’un intérêt médiocre, et privilégie d’autres rapprochements : « On préfère penser que ce livre, comme ceux de Robbe-Grillet, Butor, Pinget, traduit simplement une recherche désespérée de maintenir le roman, malgré la dissolution des formules connues » 1041 . Maurice Nadeau se montre lui aussi réticent et hésitant, se demandant si « Nathalie Sarraute [avaliserait] » la définition que Sartre donne de l’anti-roman, et ajoutant : « C’est tout de même bien un roman qu’elle a voulu écrire ». Il précise que la catégorie ne fonctionne que si l’on se réfère à une définition du roman devenue obsolète : « Si le roman est toujours plus ou moins l’histoire dans le temps de certains individus, en ce sens on peut parler d’“anti-roman” » 1042 . L’intention de Sarraute est ici le critère déterminant pour décider de l’appartenance générique ; en outre, il ne paraît pas absurde qu’une œuvre sans individus, sans intrigue se déployant dans le temps puisse être qualifiée de roman. Jacques Howlett, réclamant pour le roman le régime de l’exception, récuse franchement l’étiquette d’anti-roman : « N’est-ce pas le sort du roman vivant de se contester lui-même, du moins en tant qu’il s’interroge sur des procédés impuissants à exprimer la réalité humaine d’aujourd’hui ? » 1043 . Howlett fait même de la désignation générique un clivage critique qui recouvre deux manières d’envisager la réalité, deux types de repragmatisation de la lecture. La position de Rousseaux qui, dans Le Figaro, qualifie l’œuvre de Sarraute d’anti-roman, est à ce titre caractéristique : « La position de ce critique est claire : il n’y a pour lui de roman que de la personne humaine » 1044 . C’est par là même un pan de la réalité qui est nié, réalité que Howlett affirme pourtant comme un universel, réalisant en cela le programme pragmatique de l’œuvre : « Nathalie Sarraute instaure le tragique terrible de l’existence innommable, celle du “cela”, du “on” ; qui peut nier qu’elle ne soit aussi la nôtre ? » 1045 .

Sans se référer explicitement à Sartre, mais en rapprochant Sarraute de Robbe-Grillet et de Beckett, Blanchot définit également le véritable roman comme la négation du romanesque, et récuse donc implicitement la catégorie de l’anti-roman :

‘S’il est vrai que Joyce brise le genre romanesque en le rendant aberrant, il faut pressentir que ce genre ne vit peut-être que de ses altérations. […] Le roman, ainsi entendu, s’affirme solitairement et silencieusement à l’écart de cette énorme masse de livres romanesques écrits avec talent et générosité, dans lesquels le lecteur est appelé à reconnaître la vitalité d’un genre inépuisable 1046 .’

Le « roman entendu comme l’exception même », celui qui permet à un véritable écrivain de s’affirmer, consiste bien - et Blanchot cite à ce propos L’Ere du soupçon - à mettre au jour « une parcelle de réalité ». L’« élément romanesque » tel que le définit Blanchot et qui consiste à « toucher une limite » - celle du roman aussi bien que celle du réel - est donc en tout point opposé au « romanesque » tel qu’il était habituellement entendu, puisqu’il est « sans imitation, ni représentation » 1047 . Mais il s’oppose aussi, et en cela Blanchot lit Sarraute à rebours du discours auctorial, à « l’élément psychologique ». En effet, la « parcelle de réalité » de Sarraute, qui abolit le sujet, ne saurait être appréhendée selon lui en des termes psychologiques : il distingue en effet chez Sarraute une « puissance impersonnelle », « une intimité toute subjective et pourtant comme privée de sujet, intérieure et toujours en dehors d’elle-même, toujours extérieure à la réflexion qui la saisit » 1048 .

Jaccottet voit lui aussi dans la catégorie d’anti-roman une étiquette dangereuse, mais se refuse également à comparer Portraits d’un inconnu de Beckett, Robbe-Grillet ou Butor, ce qui serait selon lui succomber à « l’espèce de groupage que l’esprit simplificateur du journalisme impose à ces divers romanciers », même s’il note que « le commencement d’efficacité publique qu’il leur donne, a peut-être encouragé l’éditeur à attirer l’attention sur Mme Nathalie Sarraute » 1049 . C’est ainsi hors de la problématique romanesque que Jaccottet cherche à appréhender « l’expérience » du livre :

‘Ne parlons ni de roman, ni d’anti-roman. Je vois dans ce livre de Mme Sarraute beaucoup plus que ce qu’on appelle « une nouvelle tentative romanesque », un « effort de renouvellement », une « œuvre d’avant-garde » : formules de cuistres. […] Ce qui nous touche, c’est que le livre est une sorte de journal d’un combat, de confidence indirecte, prononcée d’une voix sans éclat, mais pressante, tenace, [...] un effort pour cerner au plus près une expérience assez particulière, assez profonde, pour la cerner sans la figer en formules 1050 .’

L’opposition qui selon Jaccottet structure le livre, entre « poupées » et « larves », permet de formuler le questionnement qui se trouve au cœur de l’écriture de Sarraute : « Peut-on échapper à ce dilemme ? Peut-on, en échappant au monde conventionnel, inauthentique, trouver autre chose que le vertige et la chute ? » 1051 . La réponse de Jaccottet à cette question est différente de celle qu’il suppose à Sarraute, puisqu’il évoque « le jour » qui parfois fait disparaître « les spectres » omniprésents dans Portrait d’un inconnu. Mais c’est bien, dans les « poèmes ébauchés » 1052 qui forment le livre, une expérience du monde partageable que distingue Jaccottet, expérience qu’il rapproche de L’Infini turbulent de Michaux, qui paraît au même moment 1053 .

Jaccottet et Blanchot, dans des directions différentes, formulent le projet plus ou moins en dehors des termes employés par l’auteur, et distinguent tous deux dans l’œuvre une expérience du réel. Dans l’ensemble, il est bien question, lors de cette seconde réception de Portrait d’un inconnu, de la vision de la « réalité » dont est porteuse le livre, mais cette question est étroitement liée à la catégorisation générique et à la définition du roman. Les oppositions selon lesquelles Sarraute développe ses réflexions dans L’Ere du soupçon sont celles-là même qui s’imposent dans la réception de son œuvre : le choix de la catégorisation générique résulte d’une réflexion que mènent l’ensemble des critiques, et engage leur acceptation ou leur refus de la « réalité » que l’œuvre cherche à transmettre. Si Georges Anex est réticent à considérer ce livre comme un roman, c’est parce qu’il se refuse à considérer la réalité qu’il y trouve plus « vraie » que celle que lui offre le « jeu traditionnel ». Jacques Howlett insiste en revanche pour inclure Portrait d’un inconnu dans le genre romanesque car l’œuvre donne à lire « la réalité humaine d’aujourd’hui » 1054 .

Si les conceptions de Sarraute font l’objet de débats, elles s’imposent néanmoins comme cadre de la lecture, et ses propres termes sont souvent utilisés pour engager la réflexion, en début d’article 1055 . L’autorité que confère à Sarraute son statut d’écrivain d’avant-garde exerce même une certaine intimidation, sensible par exemple dans l’article d’André Rousseaux, rappelant que l’auteur est « à la pointe des recherches littéraires », ou dans l’interrogation de Maurice Nadeau se demandant si Sarraute « [avaliserait] » la catégorisation de son livre en anti-roman. Avec la réédition de Tropismes, et la désignation d’un groupe incarnant de façon visible le renouvellement du roman,l’intimidation de la posture avant-gardiste va en s’accentuant. Claude Mauriac recommande ainsi Tropismes en ces termes : « Lisez Nathalie Sarraute, vous vous trouverez à l’extrême pointe de la véritable avant-garde » 1056 .

Notes
1030.

Ce prière d’insérer est reproduit dans les Œuvres complètes de Nathalie Sarraute, à la p. 1761.

1031.

Nathalie Sarraute s’est souvent expliquée sur sa gêne à l’égard de la catégorie d’« anti-roman ». En 1992 encore, Danièle Sallenave l’interroge sur ce point. La réponse de Sarraute exprime clairement le risque de stabilisation formelle que revêt selon elle la formule de Sartre : « Quand on dit “anti-roman”, c’est qu’on a une idée nette de ce qu’est le vrai roman. Moi, je n’ai pas d’idée là-dessus » (« A voix nue : Nathalie Sarraute », entretiens avec Danièle Sallenave, diffusés du 23 au 27 mars 1992 sur France Culture. La retranscription de ces entretiens se trouve aux archives Gallimard).

1032.

Dans la réédition de l’œuvre en édition de poche, en 1964, le discours de Sartre sera relativisé davantage encore, n’apparaissant presque plus qu’à titre de document, puisque l’œuvre est également accompagnée d’une postface d’Olivier de Magny, « Nathalie Sarraute ou l’astronomie intérieure », très marquée par le discours de Sarraute elle-même. Olivier de Magny reprend dans son commentaire les métaphores mêmes de Sarraute et, par l’usage du nous, renforce l’idée que la « parcelle de réalité » que constitue le tropisme renvoie bien à une réalité universelle : « Si ductile, hésitante et fuyante soit-elle, notre histoire quotidienne ne cesse, à chacune de ses étapes, à chacun de ses “moments”, à chacune de ces “scènes”, de figer les tourbillons obscurs de notre préhistoire en émotions et sentiments, en démarches et paroles, en actions et réactions dont le tissu compose notre apparence, notre comportement et notre caractère qui sont prêtés et se prêtent à l’étude d’innombrables romanciers » (« Nathalie Sarraute ou l’astronomie intérieure », postface à Portrait d’un inconnu, Paris, Union Générale des Editeurs, « 10/18 », 1964, p. 229).

1033.

M.-P.-L., « Nathalie Sarraute, Portrait d’un inconnu », Le Bulletin des Lettres, avril 1957, p. 15. Marcel Thiébaut s’attache au caractère du narrateur, « un hypernerveux, un malade tout frémissant de presciences, une pythie masculine, certes plus femme qu’homme ». Mais il note qu’une telle lecture est contraire à l’objectif visé par l’auteur : le narrateur « ne devait être qu’un intermédiaire et le voilà devenu personnage central, […] voué à l’investigation psychologique délirante » (« Portrait d’un inconnu, par Nathalie Sarraute », La Revue de Paris, n° 64, mai 1957, p. 162). De même, si Denise Bourdet signale que Martereau et Portrait d’un inconnu risquent de décevoir les amateurs de roman, elle précise qu’« on y trouve malgré tout des caractères et un milieu social » (« Nathalie Sarraute », Revue de Paris, op.cit., p. 130).

1034.

A. Rousseaux, « Nathalie Sarraute anti-romancière », Le Figaro littéraire, 9 février 1957, p. 2.

1035.

Ibid.

1036.

G. Anex, « Nathalie Sarraute : Portrait d’un inconnu », NRF, n° 54, juin 1957, p. 1114.

1037.

Ibid., p. 1116.

1038.

A. Bosquet, « Roman d’avant-garde et anti-roman », Preuves, n° 79, septembre 1957, p. 82-83.

1039.

L. Estang, « Les autres », op. cit., p. 3.

1040.

L. Estang, « Renouvellements du roman ? », La Pensée française, n° 7, 15 mai 1957, p. 60. Luc Estang commente lui-même l’évolution de son appréhension du roman, qui l’amène à reconnaître finalement la validité de la catégorie proposée par Sartre.

1041.

J. Cathelin, « Quelqu’un est-il passé ? », Demain, 7 février 1957, p. 9.

1042.

M. Nadeau, « Nathalie Sarraute, Portrait d’un inconnu », France Observateur, 7 mars 1957, p. 15.

1043.

J. Howlett, « Un roman d’aujourd’hui, Portrait d’un inconnu », Les Lettre nouvelles, n° 47, mars 1957, p. 436.

1044.

Ibid.

1045.

Ibid., p. 437, nous soulignons.

1046.

M. Blanchot, « D’un art sans avenir », NRF, n° 51, mars 1957, p. 489. Si Blanchot compare Sarraute à Robbe-Grillet pour l’en distinguer, le titre de son article prend le contre-pied de la posture messianique de l’auteur des Gommes.

1047.

Ibid., p. 491.

1048.

Ibid., p. 492. Dans cette perspective, le narrateur n’est pas même le « porte-parole » de Sarraute, mais répond à un « besoin de vraisemblance », qui amène Sarraute, pour le justifier, à maintenir certains traits de caractère (la sensibilité maladive par exemple), jugés regrettables par Blanchot.

1049.

P. Jaccottet, « Portrait d’un inconnu », Gazette de Lausanne, 16 février 1957, repris dans L’Arc, n° 95, 1984, p. 26.

1050.

Ibid., p. 27.

1051.

Ibid., p. 29.

1052.

Ibid.

1053.

Ce rapprochement de Sarraute avec l’écriture poétique n’est cependant pas uniquement dicté par l’actualité éditoriale. Jaccottet l’approfondira à propos du Planétarium (« Improvisation sur poésie et roman », La Gazette de Lausanne, 12 septembre 1959, p. 12-13).

1054.

Les oppositions roman/anti-roman et reconnaissance de la « réalité » de Sarraute/refus de cette réalité ne se recoupent pas de façon automatique : tout en qualifiant l’œuvre d’anti-roman, Alain Bosquet reconnaît néanmoins la portée « réelle » de l’univers fictionnel. Notre propos est ici de montrer la solidarité entre référenciation de l’œuvre et sa problématique catégorisation générique, solidarité souvent perçue et formulée par les critiques eux-mêmes.

1055.

Même si la terminologie de Sarraute reste dans l’ensemble réservée à son œuvre, Jean Pouillon utilise même la notion de « sous-conversation » à propos des Vainqueurs du jaloux, de Jean Lagrolet (« Les Règles du je », Les Temps modernes, n° 134, avril 1957, p. 1598).

1056.

C. Mauriac, « Nathalie Sarraute apporte du nouveau après Proust », Le Figaro, 10 avril 1957, p. 27.