Quelques mois après la réédition de Portrait d’un inconnu, en mars 1957, reparaît Tropismes, aux Editions de Minuit, où Robbe-Grillet est membre du comité de lecture. Ce lieu de publication joue un rôle déterminant dans la réception de l’œuvre, Robbe-Grillet s’attachant, dans son travail éditorial, à donner une cohérence aux publications de la maison, et à en faire le lieu de « l’avenir du roman » que, par ailleurs, il théorise 1057 . Paradoxalement, c’est à propos de ce livre, le seul parmi les ouvrages de fiction à ne pas porter la mention « roman », que se cristallise l’idée d’un renouveau du roman, et que l’expression pour le désigner (« Nouveau Roman ») s’impose 1058 . Les mêmes critiques qui, quelques mois auparavant, avaient consacré un article à Portrait d’un inconnu, reprennent la plume pour faire un compte-rendu de Tropismes, mais souvent dans une perspective plus générale et théorique, l’intégrant dans une réflexion plus globale sur la « révolution », ou le « renouveau » (selon les auteurs), du roman. Si l’expression « Nouveau Roman » est attribuée généralement à Emile Henriot 1059 , qui l’emploie en mai 1957 dans un article traitant de La Jalousie et de Tropismes, on peut considérer avec Nelly Wolf que c’est le numéro de juillet 1958 de la revue Esprit, intitulé « Le Nouveau Roman », « qui consacre le Nouveau Roman et officialise l’expression » 1060 : alors que cette expression n’est pour Emile Henriot qu’un titre auquel il ne donne aucun contenu précis, elle désigne quelques mois plus tard un mouvement identifiable, et que ce numéro cherche à définir. Même si un flou terminologique a régné durant quelque temps, le terme s’impose d’ailleurs assez rapidement. Dès le 10 août, Pierre Descargues, se référant notamment à ce numéro d’Esprit, titre : « Une école littéraire est née » 1061 . Dans le numéro de L’Arc daté de l’automne 1958, René Micha intitule un de ses articles « Le nouveau roman », même s’il y précise que l’expression ne saurait désigner une école 1062 . Un mouvement est constitué autour d’un nom, on tente d’en préciser les membres et leurs points communs. Notre ambition n’est pas ici de proposer une nouvelle histoire de la naissance du « Nouveau Roman », histoire à présent connue même si elle fait l’objet d’interprétations divergentes 1063 , mais de comprendre quel rôle joue Nathalie Sarraute dans cette cristallisation en mouvement littéraire de « la crise du roman », et la signification du fait que Tropismes soit à cette occasion perçu comme un (nouveau) roman.
Ce n’est qu’après-coup que l’article d’Emile Henriot est apparu comme l’acte de naissance d’un mouvement, mais il n’en est pas moins révélateur de la perception de Sarraute au moment où sort Tropismes. A travers la critique de deux œuvres, La Jalousie et Tropismes, Henriot s’en prend à deux théoriciens, Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute. L’essentiel de l’article est d’ailleurs consacré à Robbe-Grillet, considéré comme le plus radical des deux. Henriot décrit dans un premier temps Tropismes tel qu’il le perçoit en tant que lecteur : « Ce sont des ils et des elles sans visage, comme le livre est sans anecdote, qui échangent des propos vulgaires ou regardent ensemble des spectacles quelconques, thèmes à lieux communs » 1064 . Mais il fait suivre immédiatement ses propos de déclarations de Sarraute, pour souligner le décalage entre les ambitions affichées et l’œuvre dérisoire qui n’apparaît plus que comme simple support : « Je transcris ici les indications données par Mme Sarraute elle-même sur ce qu’elle a voulu faire en nous présentant ses menus sketches » 1065 . La suite de l’article dénonce cette « littérature à système », qui « n’intéresse que les écrivains » 1066 .
Le point de vue d’Henriot est hostile, et la mise en avant de l’activité théorique des écrivains a pour but de disqualifier leurs œuvres. Mais il est remarquable que des critiques plus favorables procèdent de même, et n’envisagent l’œuvre qu’à partir de la catégorie qu’ils tentent de créer, en la rapprochant d’autres romans. Yvon Belaval, tout en soulignant la qualité de « ces poèmes en prose » 1067 , n’en commence pas moins par inscrire sa réflexion dans le cadre d’un questionnement sur le genre du roman : « Que retenir de la technique traditionnelle du roman ? » 1068 . Jacques Howlett tient également compte du fait que l’œuvre est antérieure aux « romans » de Sarraute, et y discerne, indépendamment de sa classification générique, « l’expression d’une expérience humaine à bien des égards fondamentale » 1069 . Mais c’est aussi dans la préfiguration des romans à venir que réside l’intérêt du livre : « [les Trospismes] forment en fait la meilleur introduction à l’œuvre de la romancière » 1070 . La lecture de Maurice Nadeau est quant à elle conduite par le désir de définir de « Nouvelles formules pour le roman », dans un article qui rend également compte de La Jalousie, de Robbe-Grillet, de La Modification, de Butor, et des Vainqueurs du jaloux de Jean Lagrolet. L’article a une visée autant théorique que critique, et reprend à son compte la catégorie du « roman balzacien » que Sarraute, avec Barthes et Robbe-Grillet, a contribué à créer. Selon Maurice Nadeau, les « romanciers d’aujourd’hui » ne doivent rien à Balzac, Zola ou Paul Bourget, pas plus qu’« au dernier Américain à la mode » 1071 . La posture de Sarraute, opposant « le vieux roman » représenté par Balzac, à de nouvelles pratiques, elles-mêmes distinctes des tentatives du behaviorisme américain, est devenue un constat objectif qui sert de cadre à une réflexion générale. Les trois œuvres dont Nadeau rend compte sont du reste replacées dans un ensemble plus vaste, qui comprend les romans de Samuel Beckett, Jean Reverzy, Jean Cayrol, Robert Pinget, et Jacques Coussot. Maurice Nadeau revient ensuite longuement sur le différend qui oppose Sarraute et Robbe-Grillet quant au rôle de la subjectivité dans le roman, et aborde Tropismes dans cette perspective : « Nathalie Sarraute ne formera vraisemblablement pas de disciples ; elle propose toutefois un exemple qui, s’il était suivi, entraînerait de profondes modifications du genre tout entier » 1072 .
C’est également dans le cadre d’un effort de théorisation des métamorphoses du genre romanesque que Gaëtan Picon aborde l’œuvre. Il s’agit de fonder une catégorie, « le roman expérimental », contre celle d’anti-roman proposée par Sartre :
‘L’anti-roman reprend les formes traditionnelles pour les contester, les détruire. […] Le roman expérimental, lui, dépasse ce premier mouvement parodique, et purement négatif : refusant tout de la tradition, opérant presque dans le vide, il cherche cependant ce qui peut échapper à sa table rase, et il est d’autant plus engagé dans les formes et les techniques naissantes que la destruction à laquelle elles ont survécu a été plus radicale 1073 .’Le primat accordé à la théorie en vue de constituer une nouvelle avant-garde est ici poussé à son comble, puisque ce lecteur si attentif qu’est Picon en vient à négliger la date de rédaction des Tropismes, et y voit le prolongement de L’Ere du soupçon. L’absence de mention générique est même interprétée comme le comble d’une révolution romanesque :
‘Tropismes porte jusqu’à ses dernières conséquences la critique du roman traditionnel esquissée par l’auteur dans L’Ere du soupçon. […] Ici, le roman conserve son contenu essentiel : la coexistence humaine. Mais tous les fils conducteurs sont abandonnés, le cadrage traditionnel a complètement disparu. Si bien que le livre ne porte même plus « roman » comme sous-titre, et se réduit à une succession de brefs tableaux qui [...] pourraient apparaître comme autant de poèmes en prose. Entre poésie et roman, le temps que l’une refuse et que l’autre accepte forme un barrage naturel. Ici, ce barrage cède : mais l’accent est mis sur les mouvements du psychisme et non sur les images du monde. Autant dire que Nathalie Sarraute maintient la matière première, fondamentale, du roman 1074 .’Selon une rhétorique compliquée, Picon voit dans l’abolition de toute distinction entre poésie et roman, qui caractérise selon lui Tropismes, l’aboutissement de la réflexion de Sarraute sur le roman, et conclut étrangement sur le fait que l’auteur, par là même, se maintient dans le roman. D’une certaine manière, Picon pousse à l’extrême l’usage que Sarraute fait elle-même de la catégorie générique : elle la prend pour objet, mais en nie toutes caractéristiques discriminantes et en fait une « grande forme vague », un « genre indéfini » 1075 . Mais, alors que, dans le déploiement de l’œuvre, il s’agit de produire une lecture non spécifiquement romanesque pour les « romans », le mouvement est ici inversé, puisque le texte non génériquement défini est in fine érigé en canon du genre. La lecture de Picon témoigne du plein succès de l’entreprise menée par Sarraute pour redéfinir le genre roman à partir de son œuvre particulière. Mais elle marque aussi la limite de cette stratégie, qui à terme aboutit à la création d’une catégorie - « roman expérimental » et, bientôt, « Nouveau Roman » - à partir de laquelle les textes sont interprétés, indépendamment de leurs traits singuliers.
Le numéro de la revue Esprit confirme le rôle de théoricienne d’un mouvement qui est maintenant conféré à Sarraute. Si ce mouvement est perçu comme problématique 1076 par ses présupposés philosophiques et moraux, il s’agit néanmoins d’en dessiner les contours, et Sarraute est dans cette perspective une référence récurrente. Récusant, à son tour, la catégorie de l’anti-roman, Olivier de Magny dresse un « Panorama d’une nouvelle littérature romanesque », qui comprend Sarraute, Robbe-Grillet, Cayrol, Becket, Blanchot, des Forêts ; Kateb Yacine, Claude Simon, Pinget, Duras, Genet, sont également cités. Olivier de Magny précise que le « Nouveau Roman » ne forme pas une école, et que ces écrivains se regroupent autour d’un certain nombre de refus. Il s’attache d’ailleurs à préciser les caractéristiques propres des principaux d’entre eux, dont Nathalie Sarraute. Au moment de définir quels sont ces refus communs, ce sont ses mots à elle qu’il emploie, mots devenus emblématiques d’une entreprise collective : « Nos romanciers actuels [sont] entrés dans l’ère du soupçon, dans l’ère où tout est soupçonné faux, […] où l’engagement n’a plus de place, où l’Histoire s’éclipse » 1077 . Sarraute est ainsi citée dans tous les articles, et s’impose, avec Robbe-Grillet, comme une référence dans la définition des caractéristiques du « Nouveau Roman », qui apparaît comme un sous-genre constitué, avec des traits stylistiques 1078 et thématiques repérables 1079 . Alors que, dans l’ensemble du numéro, la liste des écrivains rattachés au mouvement connaît certaines variations 1080 , le nom de Sarraute ne fait presque jamais défaut 1081 .
L’ensemble du numéro s’attache également à dégager la philosophie qui sous-tend ce nouveau mouvement romanesque, et, la « réalité » que Sarraute invoque dans ses essais critiques est en général présentée comme une caractéristique d’une certaine condition humaine, non comme l’invention d’une créatrice, même si cette présentation reprend souvent le discours de Sarraute elle-même. Olivier de Magny écrit ainsi : « Ce que Nathalie Sarraute veut saisir, précède le sentiment ou la passion, l’état ou l’attitude. Cela existe mais cela n’a pas encore de nom » 1082 . C’est comme mise en cause de la personne humaine que Jacques Howlett appréhende l’œuvre : « l’analyse micropsychologique dissout les phénomènes de conscience et les conduites. [...] Dans ces profondeurs où s’abolissent les différences, une sorte de commune mesure infrahumaine s’établit » 1083 . Le refus de l’engagement et une remise en cause de l’humanisme sont d’ailleurs des traits communs aux œuvres du « Nouveau Roman » tel qu’il se constitue ici, et que plusieurs critiques relèvent. Si la plupart des contributeurs ont déjà écrit des articles favorables sur les auteurs concernés, et produiront à leur propos d’autres études par la suite, notons que plusieurs contributions sont, sinon hostiles, du moins franchement réservées. Dina Dreyfus voit ainsi dans « le roman contemporain » une technicité excessive et totalisante, dans la mesure où la « nouvelle dimension romanesque [est] purifiée de toute ingérence étrangère à sa visée propre » 1084 . Se présentant comme une entreprise de démystification, le mouvement produit d’autres mythes, comme l’« objectivisme » et « le formalisme de la technique » 1085 . Dans sa « Lettre à un jeune romancier », Luc Estang met en garde son destinataire fictif contre ce que pourraient avoir de stérilisantes de trop fortes préoccupations techniques et la trop grande conscience « de cette “ère du soupçon” où Nathalie Sarraute [l’] a persuadé [qu’il était] entré » 1086 . Il récuse également le partage entre « roman nouveau » et « roman traditionnel », qui crée artificiellement deux blocs monolithiques, alors même que Robbe-Grillet et Sarraute défendent des positions incompatibles. Il reprend enfin l’argumentation développée à partir de Portrait d’un inconnu, selon laquelle ses œuvres qui refusent les caractéristiques définitoires du roman devraient renoncer à cette étiquette générique. Selon lui, l’attention réclamée par ces écrivains sur le matériau verbal est le propre de la poésie, catégorie plus propre à accueillir leurs productions, cette recatégorisation permettant de maintenir des partitions génériques que Luc Estang juge nécessaires :
‘Je ne ferai pas difficulté pour reconnaître que La Jalousie est construite comme un poème. Il n’empêche que ce « langage » qu’on nomme littérature s’est particularisé en différents modes d’expression et que nous avons à distinguer l’objet d’art que peuvent être un poème, un conte, un essai, une pièce de théâtre, de cet autre objet d’art que nous appellerons roman 1087 .’Malgré ces réserves, et les variations dans la délimitation du corpus concerné, ce numéro d’Esprit a bien pour effet de donner une consistance théorique, philosophique et esthétique à la catégorie « Nouveau Roman » qu’il contribue à créer. Nathalie Sarraute y fait figure de chef de file, et ses théories sont même, aux côtés de celles de Robbe-Grillet, une référence centrale, le titre de l’essai de 1956 apparaissant parfois comme un slogan rassemblant les écrivains dont il est ici question. En cela, les articles d’Esprit prolongent les comptes-rendus de Tropismes précédemment évoqués, où les particularités du texte étaient occultées par une réflexion générique plus globale dont Sarraute apparaît comme la figure de proue. Pourtant, si les conceptions de Sarraute sont à présent envisagées dans un processus créatif collectif, il est à noter que la singularité de son entreprise est malgré tout reconnue. Le terme de « tropismes » est ainsi employé à plusieurs reprises pour désigner l’entreprise propre de Sarraute. Luc Estang l’emploie ainsi ponctuellement pour désigner la matière des livres de Sarraute. Plus significativement, Jacques Howlett consacre une note explicative exclusivement consacrée à l’explication de ce que sont les « tropismes », ce qui marque bien le fait qu’au sein de l’ensemble « Nouveau Roman », un objet singulier est distingué, indépendamment de l’interprétation anti-humaniste proposée 1088 . Tropismes agit donc à deux niveaux : faisant directement écho à L’Ere du soupçon, il est absorbé rétrospectivement dans le genre roman, à partir de la réflexion sur le genre amorcée à partir de la parution de l’essai. Et, au sein de la nouvelle catégorie créée, « Nouveau Roman », le titre s’impose comme la marque singulière de l’auteur. Mais cette reconnaissance suprême est à double tranchant : le processus de lexicalisation d’un sens sarrautien de tropismes est enclenché, ce que confirmera la réception du Planétarium, et, par conséquent, « ce qui n’a pas de nom » reçoit une désignation relativement stable. D’où, pour Sarraute, la nécessité, que nous avons rencontrée plus haut dans Le Planétarium, de remettre en cause sa propre autorité, qui menace « la parcelle de réalité » dont elle cherche à persuader son lecteur, cette réalité étant incompatible avec les désignations stables et les paroles d’autorité.
Voir R.-M. Allemand, « Débuts et fins du “Nouveau Roman” », op. cit., p. 20-22.
Le contexte éditorial confirme la montée en puissance des écrivains qui seront bientôt regroupés sous ce label : Robbe-Grillet publie La Jalousie, et Butor obtient le prix Renaudot pour La Modification, qui est un succès public, le livre se vendant à cent mille exemplaires la première année.
Roger-Michel Allemand rappelle cependant que l’expression apparaît une première fois sous la plume de Bernard Dort en 1955 (« Avant propos », in Allemand, R.-M. (dir.), Le Nouveau Roman en questions 4 (« Situation diachronique »), op. cit., n.1 p. 7).
N. Wolf, Une Littérature sans histoire, essai sur le Nouveau Roman, Genève, Droz, 1995, p. 15.
P. Descargues, « Une école littéraire est née », Tribune de Lausanne, 10 août 1958, p. 17.
R. Micha, « Le nouveau roman », L’Arc, n° 4, automne 1958, p. 45.
Voir notamment, dans des perspectives différentes, Claudette Oriol-Boyer, Nouveau Roman et discours critique, op.cit., p. 10-58, Pierre Verdrager, Le Sens critique - La Réception de Nathalie Sarraute par la presse, Paris, L’Harmattan, « Logiques sociales », 2001, p. 23-30, et Nelly Wolf, Une littérature sans histoire, essai sur le Nouveau Roman, op. cit.
E. Henriot, « Le nouveau roman : La Jalousie d’Alain Robbe-Grillet, Tropismes, de Nathalie Sarraute », Le Monde, 22 mai 1957, p. 9.
Ibid.
Ibid.
Y. Belaval, « Nathalie Sarraute : Tropismes », NRF, n° 62, février 1958, p. 337.
Ibid., p. 335.
J. Howlett, « Tropismes, de Nathalie Sarraute », Les Lettres nouvelles, n° 50, juin 1957, p. 918.
Ibid., p. 916.
M. Nadeau, « Nouvelles formules pour le roman », Critique, n° 123-124, p. 707.
Ibid., p. 717, nous soulignons.
G. Picon, « Du roman expérimental », CCCXXX, 1126, juin 1957, p. 301.
Ibid., p. 302.
F. Asso, « Une prose sans nom », op. cit.
Un certain malaise est ainsi perceptible dans la présentation de Camille Boutiquel qui, dans le refus des « formes périmées » du genre qui se manifeste dans le « Nouveau Roman », perçoit aussi une mise en cause d’« une certaine notion de l’homme, [de] l’intelligibilité du monde créé » (« Le Nouveau Roman », Esprit, n° 263-264, p. 2).
O. de Magny, « Panorama d’une nouvelle littérature romanesque », Esprit, n° 263-264, p. 12.
L’usage des différentes personnes grammaticales par les néo-romanciers fait ainsi l’objet d’une étude particulière de Bernard Pingaud (« Je, Vous, Il », ibid., p. 91-99).
Jacques Howlett propose ainsi ses « Notes sur l’objet dans le roman », tout en relevant que cette thématique est sans véritable pertinence pour Sarraute, puisque la dissolution du sujet qui s’y opère implique une symétrique disparition de l’objet : « Il ne peut y avoir de véritable altérité de l’objet que pour un sujet, il ne peut y avoir des choses que pour une personne » (« Notes sur l’objet dans le roman », p. 71).
Ainsi, les « Dix romanciers vus par la critique » ne sont pas tous les mêmes que ceux désignés d’abord par Olivier de Magny comme faisant partie de la « nouvelle littérature romanesque » : Butor y fait son apparition, alors que Genet, Blanchot et des Forêts n’y figurent pas.
Plus encore que Sarraute, Robbe-Grillet fait figure de référence absolue : Bernard Dort se consacre ainsi exclusivement à l’auteur du Voyeur et à Cayrol pour traiter de l’espace (« Sur l’espace », ibid., p. 77-82). Le même, s’interrogeant sur la portée politique du « Nouveau Roman », ne mentionne qu’Sarraute en passant, et centre ses analyses sur Robbe-Grillet (« Des romans innocents ? », ibid., p. 100-110).
O. de Magny, « Panorama d’une nouvelle littérature romanesque », op. cit., p. 6.
J. Howlett, « Distance et personne dans quelques romans d’aujourd’hui », ibid., p. 89. Notons que même les critiques favorables à Sarraute sont réticents à reprendre à leur compte la « psychologie », la spécification en « micropsychologie » semblant traduire cette gêne chez Jacques Howlett, gêne plus explicitement formulée par Blanchot. Avec l’avènement de la « Nouvelle Critique », le terme sera complètement déconsidéré, et Sarraute elle-même y renoncera. En 1990, elle répond ainsi à Arnaud Rykner, qui lui fait remarquer qu’elle n’emploie plus le mot « psychologique » mais lui préfère celui de « psychique » : « Oui. Parce que dès qu’on dit “psychologie”, on pense à l’analyse des sentiments. […] On met des étiquettes. Alors que la vie psychique n’est pas définissable, n’entre pas dans des catégories toutes faites. C’est pourquoi je ne dis plus “psychologique” » (in A. Rykner, Nathalie Sarraute, op. cit., p. 166).
D. Dreyfus, « De l’ascétisme dans le roman », Esprit, n° 263-264, p. 61.
Ibid., p. 66.
L. Estang, « Lettre à un jeune romancier », ibid., p. 115.
Ibid., p. 116.
« Ces rapports humains ne se situent pas sur le plan de la reconnaissance consciente des sujets libres, mais sur celui de la passivité et de l’aliénation ; les récits de Nathalie Sarraute dévoilent ce qu’on pourrait appeler des complexes de la Méduse et du Vampire » (J. Howlett, « Les Tropismes de Nathalie Sarraute », ibid., p. 72).