2. Apprendre pour se développer

L’apprentissage et le développement humain sont deux concepts liés. Nous allons les définir et les situer l’un par rapport à l’autre, en rappelant les postures de deux chercheurs qui ont marqué la compréhension de ces concepts, Piaget et Vygotski.

Pour Piaget qui s’est beaucoup intéressé aux enfants selon une approche constructiviste logique, il y a des étapes dans la maturation de l’organisme humain, c'est-à-dire des stades dans le développement, en lien avec l’âge des individus. Selon son point de vue déterministe, le rôle du langage dans la construction de la connaissance, en tant que système de signes permettant la communication, est secondaire. Piaget, d’approche mentaliste, considère que le développement précède l'apprentissage. Pour Vygotski, le rôle du langage dans le développement de l’individu est crucial. Vygotski définit le développement comme une transformation, une histoire qui n'est pas définie d'avance, et dans laquelle « le dernier mot n'est jamais dit » (Clot, 2005, p. 2). Selon lui l'apprentissage précède le développement. Il distingue les situations où un sujet peut apprendre et accomplir « seul » certaines activités de celles où le sujet peut apprendre et réaliser une activité avec le soutien d'une (ou plusieurs) autre(s) personne(s). Ce second type de situations détermine sa « capacité potentielle de développement ». Entre ces deux situations se situe la « zone proximale de développement » (ZPD) dans laquelle l'individu peut progresser grâce au soutien de l'autre. Ce sont les apprentissages qui fondent ce que Vygotski appelle la ZPD.

Le constructivisme piagétien montre selon nous son insuffisance en ce qu’il considère le développement comme une « maturation » de ce qui existe d’emblée chez le sujet, selon une conception épigénétique. Nous pensons que le développement ne peut être envisagé comme indépendant de l'apprentissage, et que l'apprentissage ne peut être uniquement une relation « privée » entre une personne et un objet d’apprentissage. Ainsi, nous envisageons le développement selon une perspective vygotskienne. Le point de vue développemental que nous adoptons est historique, et s'intéresse au processus via lequel les humains se modifient au cours d’une activité. La prise en compte de cette historicité donne une dimension « processus » à notre recherche, qui mobilise une approche clinique de l'activité.

Dans la partie suivante, nous lions les notions d’expérience et de développement en montrant d’une part en quoi l’expérience peut être à un substrat pour ce processus, et d’autre part comment lorsqu’elle est « inscrite », elle peut être un moyen d’appréhender le développement.