3. Expérience et développement 

Pour étudier l’activité selon une approche historico-développementale, il est fréquent de la « tracer», en enregistrant les interactions langagières et gestuelles, par l’audio ou la vidéo. L’enregistrement des interactions entre personnes et/ou avec des dispositifs a comme horizon le développement de l'expérience individuelle et collective. Ce traçage des interactions, cette « inscription » de l’expérience, et la confrontation des apprenants à ces enregistrements, en multipliant les contextes d’ « apparition » et de perception des expériences sont source de développement potentiel 3 . Le développement au sens vygotskien permet le changement de statut du vécu, de l’expérience. Au cours du développement, le vécu, traversé par une histoire, peut être à l’origine de nouvelles expériences, de nouveaux vécus. Pour favoriser le développement, selon une posture historico-développementale, il faut que l'expérience vécue puisse devenir une manière de vivre une nouvelle expérience. Selon Vygotski (1978), la prise de conscience de l’expérience naît et « renaît » plusieurs fois, d’abord dans la situation sociale et matérielle où elle se produit, sur un plan interpersonnel, puis chez les sujets eux-mêmes, sur un plan intrapersonnel. Ensuite, sur un plan social transformé, l’expérience peut de nouveau être mobilisée, comme constitutive de la nouvelle situation et comme instrument pour agir dessus, lui apportant une épaisseur supplémentaire. Ainsi, cette prise de conscience de l’activité, ou « expérience vécue de l’expérience vécue » est une sorte de « collaboration privée avec soi-même » où, singulièrement, le collectif est présent pour l'individu. L’enregistrement des interactions et la présentation de ces traces aux apprenants visent précisément à transformer la surface des actions réalisées, pour les rendre « sources » de nouvelles actions, et ainsi (re)donner du volume à l'activité.

Notes
3.

Apportons une précision de vocabulaire au sujet de ce que nous désignons ici : Nous parlons d’enregistrements d’informations que nous nommons différemment selon qu’il sont perçus du point de vue de l’analyste de la situation ou de celui du sujet agissant dans la situation. En effet, du point de vue du système ou de l’analyste, nous pouvons parler d’ « enregistrement des interactions ». En revanche, du point de vue de l’utilisateur et de ce qui lui est offert de percevoir par le biais d’un dispositif technique, nous pouvons dire qu’il s’agit de « traces » ou d’ « historique » de son expérience.