3.1.1. Théorie instrumentale de Rabardel - Médiations épistémiques et pragmatiques

Pour un individu donné, Rabardel définit un instrument comme une entité mixte constituée d’un artefact matériel ou symbolique, produit par l’individu ou par d’autres, et d’un (ou plusieurs) schème(s) d’utilisations associé(s), qui résulte(nt) d’une construction du sujet ou d’une réutilisation de schèmes sociaux. Par cette réutilisation, les instruments sont un moyen de capitalisation de l’expérience accumulée, cristallisée. L’artefact est « toute chose ayant subi une transformation d’origine humaine susceptible d’un usage, élaborée pour s’inscrire dans une situation » (Rabardel, 1995, p. 49). Les schèmes sont des organisateurs de l’action des sujets. Les schèmes sont ce qui est reproductible dans les actions, pour des classes de situations connues. Les instruments sont les fruits du développement par le sujet d’une relation instrumentale. La place de la culture est ici centrale, et la situation considérée, en rupture ou non avec la culture du sujet est le support pour la mobilisation des schèmes.

Rabardel et Vérillon (1985, cités dans Rabardel, 1999, p.175) proposent un modèle des situations d’activités instrumentées (modèle S.A.I.) sur lequel ils placent les différents types d’interactions qui peuvent exister : sujet-objet directe ou médiatisée par l’instrument, sujet-instrument et instrument-objet (figure 2). Rabardel utilise le participe passé « médiatisée » pour parler d’une relation qui résulte d’une médiation. Il nous semble cependant que ce participe, qui est celui du verbe « médiatiser » ne renvoie pas aux propriétés d’une relation « issue » d’une médiation. En effet, la médiatisation définit le fait de rendre « médiat » un objet, par l’introduction d’un intermédiaire (ou medium) auquel on n’attribue pas de rôle dans la relation. Alors que la médiation renvoie au fait de servir d'intermédiaire entre deux (ou plusieurs) choses. Dans le cas de la médiation, le medium a un rôle de médiateur, il n’est pas neutre. Lorsque nous citerons les travaux de Rabardel, nous utiliserons ses termes, c’est-à-dire que nous parlerons de « médiation » à l’origine de relations « médiatisées ». Et dans notre travail expérimental, nous utiliserons le terme de relations « médiées », bien que le verbe « médier » n’existe pas 5 .

Intégrant les autres sujets de la situation et complétant le modèle S.A.I., (Rabardel, 1995, p.62) propose dans le modèles S.A.C.I. de distinguer trois orientations de la médiation par les instruments : vers l’objet de l’activité, vers les autres sujets, et vers le sujet lui-même (figure 3).

Figure 2 : Modèle S.A.I.
Figure 2 : Modèle S.A.I.
Figure 3 : modèle S.A.C.I. des situations d’activités collectives instrumentées
Figure 3 : modèle S.A.C.I. des situations d’activités collectives instrumentées

Sur la figure 3, les flèches pointillées représentent les trois orientations de la médiation par les instruments. Les flèches pleines représentent les relations non médiatisées. Premièrement, la médiation « principale » est celle orientée vers l’objet de l’activité. Les auteurs en distinguent deux formes : des médiations épistémiques qui ont pour objectif la connaissance de l’objet et des médiations pragmatiques qui visent l’action sur l’objet. Deuxièmement, les médiations interpersonnelles concernent toutes les activités (mêmes « privées »), et désignent l’orientation vers les autres. Elles peuvent être épistémiques ou pragmatiques. Enfin, le sujet dans son activité, est en relation avec lui-même, se connaissant, il se transforme dans l’activité, via le rapport à l’instrument.

La théorie instrumentale caractérise les instruments qu’un sujet utilise pour réaliser une activité. Elle définit également l’activité en elle-même en lui attribuant deux directions selon qu’elle est orientée vers la tâche ou vers l’activité future.

Notes
5.

Il est cependant utilisé dans la communauté de chercheurs travaillant sur le rôle des outils et des instruments dans les activités humaines.