4. Conclusion

Considérant le caractère opportuniste et improvisé de l’action, et plaçant son ancrage matériel et social au cœur de notre recherche, nous avons présenté dans ce chapitre un rapide état de l’art sur un certain nombre d’approches existantes en sciences de la cognition et en sciences humaines pour étudier les hommes, les artefacts et les activités. Révélant la nature et le rôle des médiations entre les sujets d’une activité cognitive, nous avons ensuite convoqué le concept d’instrument. Nous l’avons défini selon la théorie instrumentale de Rabardel. Puis avons montré en quoi le processus de genèse instrumentale est crucial lorsque l’on s’intéresse à l’appropriation d’un dispositif technique par des humains, qui soutient la négociation de sens qui s’opère de facto entre les composants de l’activité cognitive. Nous avons vu que le processus d’appropriation peut se définir, conformément à son étymologie, comme le fait de rendre sien l’objet de l’appropriation. Selon nous il s’agit d’un processus intermédiaire, qui aboutit à des conjectures du sujet vis-à-vis de l’objet de l’appropriation. Nous avons ensuite présenté le concept d’« objet intermédiaire » qui vise à rendre compte du statut transitionnel des objets dans l’activité. Cette notion vise à rendre opérationnelle la notion d'actant proposée par la théorie des acteurs-réseaux, et qui est définie par sa possibilité d’agir, d’avoir un poids, sur le déroulement de l'action. Il peut s'agir aussi bien d'acteurs que d'objets, et ainsi, les humains et les non-humains sont considérés de manière équivalente selon ce point de vue. Ce terme d’actant sera utilisé dans la partie expérimentale de cette thèse, les chapitres cinq et six.

Les objets intermédiaires sont des inscriptions matérielles de l’activité, des traces des processus en cours engagés dans l’activité. Ces traces peuvent être ancrées dans différents types de supports matériels (physiques ou numériques), signant la situation et la distribution de l’activité entre humains et dispositifs techniques. Nous nous intéressons à une situation où deux sujets agissent conjointement, via un dispositif technique. Ce dispositif est constitué de deux ordinateurs en réseau et de logiciels. Les traces que nous considérons dans cette recherche sont des traces informatiques des interactions entre les sujets et le dispositif numérique.

Dans le chapitre suivant, nous approfondissons plusieurs questions. Tout d’abord, qu’entendons-nous précisément par « traces informatiques » ? Deuxièmement, si ces traces sont liées à des dispositifs numériques, quels sont les types de systèmes qui les utilisent, pour quelles activités et sous quelle forme pour les utilisateurs ? Troisièmement, en quoi les traces d’expériences peuvent-elles être comprises comme l’histoire interactionnelle entre sujets et système informatique ? Enfin, dans quelle mesure sont-elles un support à la prise de conscience meta de l’activité ?

Pour répondre à ces questions, nous décrivons dans le prochain chapitre les enjeux et les principes de recherches en interaction homme-machine visant à développer des systèmes traçant les expériences d’interactions avec les utilisateurs.