3.4. Systèmes présentant une visualisation de l’histoire interactionnelle pour l’utilisateur et proposant la possibilité d’agir dessus

Le quatrième groupe de systèmes que nous identifions concerne les systèmes qui présentent une visualisation de l’histoire interactionnelle à l’utilisateur et qui lui offrent la possibilité d’agir dessus. Ces systèmes utilisent l’histoire interactionnelle comme un outil pour les utilisateurs, pour entrer des données ou des commandes. Nous allons rapidement décrire trois de ces systèmes, Histview, Collagen et Sherlock.

Dans le système Histview de Terveen, McMackin, Amento et Hill (2002), l’histoire interactionnelle n’est pas seulement visualisée et navigable, mais elle permet aussi à l’utilisateur d’informer le système de ce qui correspond le plus à ses préférences parmi les propositions du système. L’exemple exposé dans l’article s’intéresse à un système gérant des playlists musicales. L’utilisateur est invité à définir ses préférences en fonction de son histoire personnelle ou de celle des autres. Un histogramme de styles musicaux lui sont proposés, dans lequel deux barres représentent chaque style ou chaque artiste : une barre de ce qui a été joué par le passé et une barre pour le choix en cours. L’utilisateur peut agir sur la deuxième barre, en l’augmentant ou en la diminuant, ce qui a pour conséquence de demander plus ou moins de musiques de ce type. La modification d’une barre entraîne la modification des autres barres des choix, pour que le nombre de musiques à jouer reste contant. Ces auteurs ont mené des expériences pour tester empiriquement deux types d’interfaces pour leur système, en réalisant des implémentations sur ordinateur et sur téléphone portable. Ils ont également testé le rôle de l’ « historicité » de la situation selon trois conditions : les participants avaient à sélectionner des morceaux de musique à jouer. Un tiers avait accès à leur historique d’utilisation du système, c’est-à-dire les morceaux déjà écoutés ainsi que les séquences jouées. Un autre tiers avait accès à l’historique du groupe, c’est-à-dire les morceaux écoutés par tous les utilisateurs. Et le dernier groupe de sujets n’avait accès à aucune information de nature historique. Un résultat de cette recherche est que l’accès à l’histoire personnelle a facilité la sélection par les sujets des titres qu’ils voulaient programmer, qui s’est fait plus rapidement que dans la condition sans accès à l’histoire, elle-même plus courte que dans la condition avec un accès à l’histoire du groupe.

Dans un certain nombre de systèmes que nous classons dans le quatrième groupe, l’histoire interactionnelle est utilisée pour re-jouer ou dé-jouer des séquences de commandes, avec des variations possibles entre l’ancienne séquence et la nouvelle. Par exemple, l’interface du système Collagen décrite dans (Rich et Sidner, 1997) permet de sélectionner un élément de l’histoire interactionnelle appelé segment. Ceci rend possible de nouvelles commandes d’un menu, concernant l’accomplissement d’un but. Le fait de présenter à l’utilisateur une histoire interactionnelle explicite et manipulable, et le fait que celle-ci soit structurée selon les préférences de l’utilisateur, offrent la possibilité de transformer le format du problème à résoudre dans l’application. Trois catégories d’actions peuvent être envisagées : l’arrêt d’une série d’actions en cours, le retour arrière (fonctionnalités ré-essayer, re-visiter et dé-faire) qui permet de revenir à un niveau précédent dans le processus de résolution de problème et le rejouage qui permet de réutiliser un travail précédent dans un nouveau contexte.

Dans l’interface de test développée pour le système Sherlock (Lesgold et al., 1992) qui est un environnement d’entraînement pour les techniciens en avionique, Lemaire et Moore (1994) se basent sur l’idée que les dialogues homme-machine passés sont sources de connaissances. Dans ce système tutorant, l’histoire interactionnelle est utilisée pour améliorer les explications pour l’utilisateur apprenant. L’apprenant peut sélectionner une explication passée, fournie par le système, et demander au système de la comparer à l’explication en cours. Le système génère alors automatiquement un texte comparant les deux situations pour soutenir la compréhension de l’apprenant. De manière très simplifiée, l’interface fonctionne de la manière suivante : lorsque le système fait référence à une explication précédente, il fait défiler l’histoire des dialogues jusqu’à l’endroit approprié et montre à l’utilisateur la portion de dialogue en question. Lorsqu’un utilisateur veut référer à une partie du dialogue et poser une question à son propos, il lui permet de pointer la zone de dialogue et de poser une question à partir de question-type. Dans ce système, l’histoire des dialogues homme-machine peut donc être montrée à l’utilisateur mais aussi manipulée par lui car sa représentation à l’écran peut être modifiée en fonction de ses préférences.

L’ensemble des travaux que nous venons de présenter s’appuie sur le rôle joué par les traces informatiques dans l’activité des utilisateurs. Parmi ces recherches, les chercheurs qui développent des systèmes présentant une visualisation de l’histoire interactionnelle pour les utilisateurs font l’hypothèse que cette présentation va permettre aux utilisateurs de prendre de la distance sur leur activité et susciter ainsi une activité sur l’activité. Ceci les conduit à mobiliser le concept de métacognition que nous allons maintenant aborder.