2.1.2. Selon l’espace à l’origine des traces

Selon l’espace numérique (chat privé, chat publié, éditeur de textes) dans lequel l’utilisateur laisse et peut percevoir les traces, nous identifions des propriétés différentes.

Premièrement, nous proposons de considérer le chat privé et l’éditeur de textes comme étant des aires de « manipulation » et de potentielle « inscription » des énoncés, car les traces des productions y apparaissent dès que les productions sont saisies, et elles peuvent aussi être modifiées, voire disparaître (c’est systématiquement le cas des traces du chat privé, et cela peut l’être pour les traces de l’éditeur de textes). À l’opposé, nous considérons le chat publié comme étant « strictement » une aire d’inscription car dans cet espace les traces ne sont pas immédiates vis-à-vis des productions, ce sont des évènements et non des opérations c’est-à-dire qu’il s’agit de résultat d’opérations faites dans un autre espace. Ainsi ces espaces ne présentent pas la même labilité des traces qu’ils offrent. En effet, nous pouvons qualifier les traces du chat privé de « traces éphémères », car elles ne « durent » que le temps de la saisie de l’énoncé, avant publication ou effacement. Les traces de l’éditeur de textes sont quant à elles des « traces labiles », car elles sont sujettes à se transformer. En effet, l’éditeur de textes est un espace de manipulation et d’inscription, c’est-à-dire que les traces qu’il offre ne sont pas éphémères, elles peuvent durer, mais on peut aussi les modifier. Lorsqu’elles sont produites, elles ne sont pas inscrites « dans le dur » de l’espace. Enfin, les traces du chat publié sont quant à elles des « traces persistantes » car elles restent inscrites dans cet espace, sans aucune possibilité d’être modifiées.

Deuxièmement, les traces des différents espaces ne sont pas toujours perceptibles de tous les utilisateurs. Nous abordons ici la propriété d’adressage de la trace, qui rend compte de la (ou des) participante(s) pouvant la percevoir. Nous parlons bien ici de l’adressage des traces et non de l’adressage des énoncés produits. Il s’agit donc ici non pas d’un adressage intentionné des participantes, mais de la visibilité de facto des traces, pour l’une, l’autre ou les deux participantes. Nous avons identifié deux types d’adressage des traces. Premièrement, dans le chat privé, les traces sont adressées à la participante qui est en train d’écrire une production. En effet, elle est la seule à pouvoir percevoir la trace de ce qu’elle est en train de produire. Nous dirons qu’il s’agit de « traces auto-adressées ». Deuxièmement, nous avons un adressage similaires pour les traces du chat publié et celles de l’éditeur de textes. Dans le chat publié, la trace est principalement adressée à l’autre participante (l’autre rédactrice), mais la productrice de cette trace est elle-même une adressée. Dans ce cas nous avons donc un adressage « double », et nous dirons qu’il s’agit de « traces hétéro-adressées ». Enfin dans l’éditeur de textes, la trace est destinée au binôme, c’est-à-dire adressée aux deux participantes. Nous dirons dans ce cas aussi qu’il s’agit de « traces hétéro-adressées ».