5.2.3. Discussion de l’extrait 2

Dans cet extrait, nous avons relevé différents éléments que nous voulons réexaminer maintenant.

Nous avons analysé un retour ascenseur. Cette mobilisation « explicite » d’expérience nous a inspiré plusieurs choses. Il nous a semblé qu’elle marquait une médiation épistémique de l’activité d’une des participantes, en ce sens qu’elle participait à la connaissance du dispositif en tant que « mine d’expériences ». L’extrait un montrait déjà une utilisation consultatoire de traces propres. Mais dans ce deuxième extrait, elle est selon nous plus marquée, de par l’opération de retour ascenseur. Cette utilisation consultatoire va-t-elle encore s’observer dans la suite des analyses ? Nous le verrons.

Ce retour ascenseur nous a montré autre chose. En effet, il a « débouché » sur l’utilisation, par la participante qui l’a opéré, d’une de ses productions passées. Elle a selon nous utilisé une expérience pour en faire une nouvelle, lors d’une migration fonctionnelle des traces.

Nous avons avancé que la propriété d’ « appartenance » des traces, c’est-à-dire le fait que l’on ait des traces propres versus des traces alter, pouvait être liée à des utilisations différentes. Nous avons en effet formulé la supposition que les traces propres entraînaient une utilisation « propriétaires », contrairement aux traces alter. Par utilisation « propriétaire », nous entendons le fait qu’elles sont modifiées ou effacées seulement par la participante qui en est à l’origine. Nous verrons dans la suite des analyses si cette observation se confirme ou non.

Concernant la propriété d’adressage des traces, en lien avec leur utilisation, nous avons montré dans cet extrait que le mode de réutilisation (réécriture ou copiage-collage) était en rapport avec l’adressage de la trace. Dans le cas de traces adressées au tiers, la réécriture semble être adaptée, possiblement pour mettre en forme la production de manière adaptée.

Nous avons supposé que les propriétés des traces de l’éditeur de textes, et en particulier l’adressage, pouvait entraîner chez les participantes qu’elles y laissent des traces qu’elles jugent plus « importantes ».

Nous avons observé l’inscription d’une trace dans l’éditeur, alors qu’elle n’a pas été « proposée » à l’autre participante. Ceci nous a semblé marquer une ponctuation temporelle de l’activité, une conjecture dans le mode opératoire de l’activité. Il nous a semblé que cette trace était un intermédiaire temporel entre l’avant et l’après stabilisation de l’activité, un objet intermédiaire à l’activité dans le registre de la représentation.

Enfin, nous avons observé l’utilisation d’une trace du chat privé, nécessairement propre et auto-adressée, montrant selon nous un contact social de la participante avec elle-même, ce qui est bien sûr tout à fait impossible dans une conversation orale, et lié à cet espace si particulier du chat privé.

Ce deuxième extrait vient, de par nos interprétations sur l’utilisation des traces d’expérience et l’appropriation du dispositif technique comme « mine d’expériences » nous apporter quelques éléments de réponse concernant la compréhension du rôle et du statut de la trace dans les interactions entre un utilisateur et un dispositif numérique. Il vient aussi selon nous rendre compte du caractère située et opportuniste de l’activité de co-rédaction étudiée.