Introduction

‘ Je porte ma plume à l’encrier, et jouissant de la sécurité de mon emprisonnement, intérieur, aquatique, tel qu’un insecte dans le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème.’ ‘P. Claudel’

Pourquoi associer écriture et enfermement ?

C’est à partir de mon intérêt pour la création littéraire, objet de multiples questionnements que j’en suis arrivée au thème de l’enfermement. Pourquoi écrit-on ? Pourquoi le besoin d’écrire s’impose-t-il parfois comme une nécessité vitale, mais parfois aussi comme une exigence mortifère, contre laquelle il faut se défendre pour se préserver et survivre ? Comment l’écriture peut-elle être ainsi l’enjeu d’une question de vie ou de mort et relever dès lors d’une expérience conflictuelle pour le sujet qui s’y livre, même si c’est finalement une certaine expansion de l’être qui est recherchée ?

Ces quelques interrogations contiennent déjà un début de réponse, dans la mesure où il s’avère que le créateur littéraire se sent très souvent enfermé dans un véritable dilemme dont l’expression se trouve déclinée selon diverses formulations.

« L’écriture ou la vie », titre d’un roman autobiographique de J. Semprun en est certainement la forme la plus lapidaire ; ce thème principal est développé comme autant de variations tout au long de l’œuvre et ce n’est qu’à mi parcours que l’auteur confie plus longuement ce qu’il ressent comme une sentence de mort : «Je ne possède rien d’autre que ma mort, mon expérience de la mort, pour dire ma vie, l’exprimer, la porter en avant. Il faut que je fabrique de la vie avec toute cette mort. Et la meilleure façon d’y parvenir, c’est l’écriture. Or celle-ci me ramène à la mort, m’y enferme, m’y asphyxie. Voilà où j’en suis : je ne puis vivre qu’en assumant cette mort par l’écriture, mais l’écriture m’interdit littéralement de vivre » (1994, p. 174).

C. Lucas, en choisissant d’intituler son roman « Suerte », se montre a priori plus optimiste, il se souhaite « bonne chance » ; mais son sous-titre « L’exclusion volontaire » vient aussitôt infirmer les vœux d’espoir et dire combien il se sent déchiré par une contradiction interne : « Tisser, tisser la trame et la chaîne de la journée carcérale : comment y échapper » Comment ne pas se soumettre à la syntaxe réglementaire, ne pas subir les conséquences, ne pas dire je pense donc je suis les lignes de la page qui m’encage ? En somme, puisque mot dire est le refus de tourner en rond sur la page blanche dans le cliquètement des phrases qui m’enchaînent en s’enchaînant, comment écrire « je suis « sans me condamner au présent de l’indicatif à perpétuité ? « (1995, p. 450).

C’est dans son Journal (lettre du 6 août 1914) que F. Kafka confiera les tourments que lui inflige le choix qu’il ne saurait faire entre son attirance pour une vie parmi ses semblables et l’exigence de solitude que lui impose l’écriture : «  Vu du point de vue de la littérature, mon destin est très simple. Le sens qui me porte à représenter ma vie rêveuse intérieure a repoussé tout le reste dans l’accessoire, et tout cela c’est terriblement rabougri, ne cesse de se rabougrir. Rien d’autre ne pourra jamais me satisfaire. […] C’est ainsi que je vacille, m’élance sans cesse vers le sommet de la montagne où je puis à peine me retenir un instant. […] Mais, moi, c’est là haut que je vacille ; ce n’est malheureusement pas la mort, mais les éternels tourments du Mourir ». (1945, p. 385). Le critique M. Blanchot résume ainsi cette terrible contradiction à laquelle F. Kafka se trouve confronté : « Ecrire pour pouvoir mourir – Mourir pour pouvoir écrire » (1955, p. 115).

Si ces quelques citations mettent en évidence un enfermement psychique qui relève d’un conflit interne au sujet, elles laissent aussi transparaître en filigrane, même si l’on n’est pas très familier de l’œuvre et de leurs auteurs, une forme d’enfermement physique qui s’avère suffisamment présente et explicite dans la suite de leurs écrits. C’est ainsi que j’en suis arrivée à m’interroger sur les liens que l’écriture entretiendrait avec la question de l’enfermement à partir d’un double constat que :

Ainsi, des sujets incarcérés, qui n’écrivaient pas lorsqu’ils étaient libres, entrent en écriture quand ils entrent en détention. J’en ai rencontrés certains sur mon terrain de recherche, en Maison d’Arrêt, qui rédigeaient toute leur vie en une dizaine de pages avec la certitude de connaître la gloire. Cette utilisation souvent défensive de l’écrit, très proche du passage à l’acte se trouvait, il est vrai, facilitée par l’institution carcérale qui comme toute institution totalitaire, exige que toute requête soit formulée par écrit, que tous faits et gestes soient consignés en une trace écrite. Mais n’oublions pas que l’écrit représente aussi le seul moyen pour le détenu, sous la forme de la correspondance, mis à part le parloir, de maintenir un lien vivant avec sa famille. C’est donc un fil qui permet de se relier aux autres et à soi dans le labyrinthe pénitentiaire, mais aussi aux autres, du dehors.

Pourtant, d’autres sujets vont entretenir un rapport privilégié, plus intime avec l’écriture et trouver une voie de libération dans la littérature comme le repris de justice J. Genet, devenu l’une des figures du nouveau théâtre du vingtième siècle. Est-ce le cadre contenant de la prison qui a favorisé l’ouverture d’un espace de retour sur soi, par l’écrit ? C’est aussi le cas d’A. Sarrazin qui disait avoir trouvé en prison les conditions idéales pour écrire. Une fois libérée, elle avait été jusqu’à faire construire une cellule dans sa maison des Cévennes pour être sûre de travailler sans être distraite.

Mais alors qu’est-ce qui distingue ceux qui parviennent à écrire et à être publiés de ceux qui échouent dans cette même entreprise ? Les premiers portaient-ils déjà en eux cette vocation qui a trouvé dans la solitude de la réclusion, à s’exprimer ? Et qu’en est-il de ces écrivains qui s’enferment volontairement ?

M. Proust ne vivra-t-il pas les dix dernières années de sa vie confiné dans sa chambre entièrement tapissée de liège pour l’isoler de tout bruit et ne sortant de son lit qu’une ou deux fois par mois ?

Quand à F. Kafka, il écrit dans une lettre à sa fiancée Felice Bauer : « J’ai souvent pensé que la meilleure façon de vivre pour moi serait de m’installer avec une lampe et ce qu’il faut pour écrire au cœur d’une vaste cave isolée. On m’apporterait mes repas, et on les déposerait toujours très loin de ma place, derrière la porte la plus extérieure de la cave. Aller chercher mon repas en robe de chambre en passant sous les voûtes serait mon unique promenade. Puis je retournerais à ma table, je mangerais avec ferveur et je me remettrais aussitôt à travailler. Que n’écrirais-je pas alors ! De quelles profondeurs ne saurais-je pas le tirer ! Sans effort ! » (1972, p. 282).

Entre ces deux groupes d’écrivains qui semblent avoir trouvé dans l’enfermement un moteur pour exprimer leurs capacités créatrices, se situe une autre famille de sujets ayant souffert d’un enfermement extrêmement traumatique, celui des camps de concentration et de déportation. Ces sujets n’ont commis ni délit ni crime susceptible de les exclure de toute vie sociale et ils n’ont pas non plus recherché délibérément à être enfermés. Ils ont fait l’objet d’une exclusion en raison de leur appartenance à une communauté culturelle spécifique et parfois de leur engagement politique. C’est le cas de J. Semprun, déjà cité, mais aussi de R. Antelme, de P. Levi… Parmi eux, on peut encore distinguer ceux qui se sont mis à écrire après leur « enfermement », pour témoigner de leur vécu comme c’est le cas de Primo Levi, et d'autres qui avaient déjà une vocation d’écrivain comme Jorge Semprun. Pourquoi ce besoin d’écrire ? Quelle fonction va avoir leur écriture ?

Si dans un second temps nous reconsidérons chaque catégorie d’écrivains et écrivants, d’autres questions se posent encore, nous permettant de dégager dans un troisième temps, un certain nombre de points communs entre tous.

Parmi ces écrivains qui ont choisi de vivre une certaine forme de réclusion, il semble intéressant de comparer et distinguer le simple « processus de retrait « que recherche semble-t-il par divers moyens tout artiste, d’un « désir d’enfermement » plus systématique.

Pour ce faire nous nous référerons à D. Anzieu qui a décrit et analysé cette première phase du travail créateur : « Le créateur suspend d’agir pour imaginer ; il se retire des sollicitations du monde, de la société, de la nature pour s’enfermer dans une chambre, une tour, une charmille, d’une façon homologue au désinvestissement de la réalité chez celui qui veut s’endormir et qui cherche une posture reposante, sur un support stable, sous un enveloppement de couvertures, à l’abri du bruit et de la lumière » (1981, p. 99).

C’est ce même besoin que M. Blanchot nomme « recueillement de l’artiste » : « [la solitude] qui dit-on, lui serait nécessaire pour exercer son art. Quand R. M. Rilke écrit : « Depuis des semaines, sauf deux courtes interruptions, je n’ai pas prononcé une seule parole ; ma solitude se ferme enfin et je suis dans le travail comme le noyau dans le fruit », la solitude dont il parle n’est pas essentiellement solitude : elle est recueillement » (1955, p. 13).

Au recueillement de l’artiste, M. Blanchot oppose ainsi la solitude : « il semble que nous apprenions quelque chose sur l’art, quand nous éprouvons ce que voudrait désigner le mot solitude ». Mais comment définit-il cette solitude ? « Ecrire, c’est se livrer à la fascination de l’absence de temps. Nous approchons sans doute ici de l’essence de la solitude. L’absence du temps n’est pas un mode purement négatif (comme il est souvent vécu en prison). C’est le temps où rien ne commence, où l’initiative n’est pas possible […] c’est sans fin, sans commencement. C’est sans avenir. Le temps de l’absence n’est pas dialectique… » (ibid., pp. 25-28).

M. Blanchot évoque le conflit auquel se heurte F. Kafka : celui-ci ressent un impérieux besoin d’écrire (« mon organisme s’est rendu compte qu’écrire était la direction la plus féconde de mon être », qui pourtant ne s’avère pas compatible avec une vie « normale » (professionnelle, familiale...) Il fait état dans son Journal de ce temps qui lui manque, mais aussi de l’absence suffisante de solitude, de silence. Pourtant, comme le remarque M. Blanchot, lorsque F. Kafka malade dispose enfin de toutes ces conditions pour écrire, le conflit s’aggrave encore. Car « il n’y a pas de circonstances favorables », nous dit M. Blanchot : « Même si l’on donne « tout son temps » à l’exigence de l’œuvre, « tout » n’est pas encore assez, car il ne s’agit pas de consacrer le temps au travail, de passer son temps à écrire, mais de passer dans un autre temps où il n’est plus de travail, de s’approcher de ce point où le temps est perdu, où l’on entre dans la fascination et la solitude de l’absence de temps » (ibid., p. 67).

Ainsi, il semblerait que pour certains écrivains, le « besoin d’enfermement » corresponde plus à une recherche de cette « solitude fondamentale » telle que décrite par M. Blanchot qu’à un besoin de « recueillement », même si cette solitude passe presque nécessairement par certaines conditions de tranquillité. C’est ici l’expression « passer dans un autre temps » qui nous intéresse. De quel temps s’agit-il ? Quelles en sont les caractéristiques particulières ? Cette « solitude essentielle », ce temps singulier nous semble constituer un élément propre à nous permettre de relier des écrivains comme M. Proust et F. Kafka qui recherchent l’enfermement, avec les autres écrivains et écrivants incarcérés contre leur gré, tels que nous les avons considérés précédemment. N’est-ce pas ce même temps que les détenus sont amenés à vivre, un temps qui est absence de temps ? Un temps devenu espace ? Le besoin d’écrire ne se trouverait-il pas exacerbé par une certaine solitude et confrontation à un vécu particulier du temps propre à l’espace clôturé, qu’il soit volontaire ou involontaire ?

L’analyse proposée par G. Pankow sur le rapport espace-temps nous paraît particulièrement pertinente pour éclairer notre propos. Dans L’homme à la recherche de son espace perdu, où l’auteur évoque d’ailleurs l’œuvre de M. Proust, elle interprète toute recherche du temps comme la quête d’un espace perdu : « L’homme sain qui vit dans sa peau n’a nul besoin de chercher le « temps perdu », il l’a avec lui à tout moment, comme il a son corps disponible à tout moment ; chez lui, il n’y a pas de clivage. Mais lorsque le temps vécu n’est plus accessible, il faut d’abord un corps qui puisse « l’engendrer «, et si ce corps ne vit plus, on part en quête d’une équivalence ; les murs. C’est l’espace qui fait renaître le temps perdu » (1986a, pp. 85-86).

Les murs comme équivalence d’un corps qui ne se sentirait pas pleinement vivant ? Nous trouvons, en effet, exprimée à maintes reprises en prison par le détenu, la nécessité de se créer une carapace protectrice, pour ne pas se montrer tel qu’il est, fragile, vulnérable. Car même s’il est reconnu que l’espace carcéral constitue un cadre externe de contention, il lui faut encore se doubler d’une peau plus solide destinée à renforcer le système pare-excitation défaillant. Voilà un élément qui nous permet de saisir quelque chose de la problématique propre aux « écrivains de l’extrême ». Pourquoi ces derniers ressentent-ils ainsi la nécessité d’ériger des murs entre soi et les autres ? Serait-ce pour assurer artificiellement du dehors cette protection du moi que le psychisme échoue à assurer du dedans ?

Nous avons encore pu constater chez la plupart de ces reclus, l’inquiétude manifestée à propos du sentiment de ne plus s’éprouver tout à fait dans un corps vivant, élément qui viendrait corroborer le lien étroit entre espace carcéral, perception particulière du temps, et perception défaillante, distordue du corps propre. Les catégories du temps et de l’espace subverties par l’enfermement, les limites du corps se modifient, le sujet devient étranger à lui-même, l’identité de l’être bascule. Ainsi, M. Proust, dans une lettre à un ami, dit-il de lui-même qu’il est un « mort vivant ».

Dans La clé à molette, P. Levi définit son écriture comme un « étrange don d’expression » comparable au don de prophétie de Tirésias, don qui proviendrait selon lui « d’une expérience de mutation corporelle » (1978, p. 67).

Dans son roman à tonalité autobiographique, C. Lucas s’interroge : « A cette époque-là, n’étais-je pas déjà mort ? « Et l’incipit se poursuit ainsi : « Et si oui, depuis quand errais-je ainsi dans cet univers parallèle si semblable à l’autre, celui des humains d’à côté, mais où l’existence se perpétue à l’infini, jalonnée seulement de fausses morts chroniques qui sont comme autant de clins d’œil chaque fois plus sarcastiques adressés au voyageur pour l’égarer davantage ?» (1995, p.1)

Quand à J. Semprun, il rapporte cet instant terrible où sorti du camp de la mort il va se voir dans l’œil horrifié des hommes « venus de la vie » comme un « revenant » : « Je croyais m’en être sorti vivant. Revenu dans la vie du moins. Ce n’est pas évident. A deviner mon regard dans le miroir du leur, il ne semble pas que je sois au-delà de tant de mort. Une idée m’est venue soudain […] la sensation, en tout cas, soudaine, très forte, de ne pas avoir échappé à la mort, mais de l’avoir traversée. D’avoir été, plutôt traversé par elle. De l’avoir vécue, en quelque sorte. D’en être revenu comme on revient d’un voyage qui vous a transformé : transfiguré, peut-être » (1994, p.24).

Et F. Kafka, outre le fait qu’il dise vivre les « éternels tourments du mourir », n’a-t-il pas dans une grande partie de son œuvre, mis en scène des êtres qui pensent et éprouvent des sentiments humains, alors que leur corps se transforme en celui d’un rongeur ou d’un coléoptère, comme dans La Métamorphose, où le héros Grégoire Samsa, représenterait d’après R. Robin, « le paradigme de tous les exclus, les bannis, les rejetés, ceux que l’on ne peut accepter, une altérité qu’on ne peut regarder en face » ?

Ces sujets qui se décrivent comme morts-vivants, fantômes, bannis du monde… semblent ne plus se reconnaître, avoir perdu figure humaine ; ils se vivent comme étrangers à l’humanité. N’est-ce pas du moins ce que leur renvoie le regard de l’autre, qui ne les reconnaît plus comme semblable ?

Ainsi, outre un vécu d’enfermement et un certain rapport à l’écriture, il y aurait encore un élément commun à tous ces sujets, à savoir le sentiment d’avoir perdu une part de son humanité.

Pourquoi ce vécu de déshumanisation  ? Nous pouvons déjà pressentir les liens existant entre ce sentiment de ne plus appartenir à l’espèce humaine et l’espace-temps propre à l’enfermement.

Les travaux de E. Goffman ont d’ailleurs montré comment toute institution totalitaire se devait de chosifier le sujet pour perdurer. R. Castel, présentant l’étude de E. Goffman, s’avère catégorique sur ce point : « La vocation profonde des établissements de ce type est de réaliser les conditions de la « mort au monde », c’est-à-dire la contre-organisation concertée et systématique qui nie l’organisation d’une vie sociale humaine. Sous la diversité des rationalisations profanes ou religieuses subsiste une commune volonté de détruire la vie […] L’institution totalitaire représente toujours la figure monstrueuse de l’inhumanité ». (Castel R., in Goffman E., 1961, p. 30).

Mais comment comprendre alors dans ce contexte la recherche délibérée d’enfermement de la part d’un Kafka ou d’un Proust ? Ne serait-ce pas fallacieux de penser que le sentiment de déshumanisation puisse jouer comme moteur de l’écriture pour certains sujets ? Maurice Blanchot nous propose un éclairage sur cette force interne qui contraindrait l’écrivain à souhaiter l’enfermement en nous rapportant l’histoire de ce peintre que son mécène devait enfermer pour l’empêcher de se dissiper hors de ses dons, et encore parvint-il à s’échapper par la fenêtre. Mais l’artiste, en lui, a son « mécène » qui « l’enferme là où il ne veut pas demeurer, et cette fois nulle issue, qui de plus ne le nourrit pas, mais l’affame, l’asservit sans honneur, le brise sans raison, fait de lui un être débile et misérable sans autre soutien que son propre tourment incompréhensible, et pourquoi ? en vue d’une œuvre grandiose ? en vue d’une œuvre nulle ? lui-même n’en sait rien et personne ne le sait » (1955, p. 61).

Faudrait-il nécessairement se sentir « enfermé », « asservi », « affamé », « brisé », pour pouvoir donner vie à une œuvre ?

Mais si certains sujets font délibérément ce choix d’être « réduit » à un être débile et misérable », on impose à d’autres cet état sans leur laisser d’autre échappatoire que la mort.

Alors écriraient-ils parce que l’enfermement quel qu’il soit, – volontaire ou involontaire – confronte l’être humain à des situations limites qui le mettent face à son humaine condition, thème qui serait, selon A. Camus « le lieu commun de toutes les littératures » ?

Après avoir introduit ce travail et posé les jalons nécessaires pour l’aborder, nous exposerons les différentes étapes de son développement.

Une première partie sera le lieu de la présentation générale de cette recherche, le premier chapitre proposant quelques références théoriques premières, le deuxième chapitre exposant la problématisation, à savoir la problématique et les hypothèses, le troisième chapitre présentant notre méthodologie de travail.

La seconde partie fera une très large place à la clinique, puisqu’elle sera consacrée à l’analyse théorico-clinique de notre matériel.

Un chapitre préliminaire concernera l’approche théorico-clinique de trois fantasmes – fantasme de retour in utero, fantasme de toute-puissance et d’immortalité, fantasme de scène primitive – selon lesquels nous avons organisé l’ensemble de notre matériel clinique, cela pour permettre au lecteur d’appréhender d’emblée la logique interne qui anime notre exposé.

Les trois autres chapitres porteront successivement sur nos trois grandes cliniques : la clinique de l’auto-enfermement, la clinique de l’enfermement concentrationnaire, la clinique de l’enfermement carcéral. Chacune des cliniques comprendra une partie consacrée spécifiquement au type d’enfermement qui la caractérise puis sera structurée selon les trois fantasmes.

Un chapitre conclusif, pendant du chapitre préliminaire, donnera l’occasion de récapituler les enjeux théorico-cliniques de ces trois fantasmes en lien avec l’enfermement et l’écriture

Enfin, nous avons rajouté une réflexion en après-coup, fruit du temps de latence qui s’est ouvert après la décision de mettre un point final à cette recherche. Nous y proposerons la notion d’enveloppe respiratoire.

Au terme de ce parcours d’écriture, il sera temps, dans notre conclusion, de ressaisir les principaux enjeux et apports de cette recherche dans le domaine de la psychopathologie et de la psychologie clinique, mais aussi de s’interroger sur l’outil de médiation que peut représenter l’écriture pour des sujets incarcérés. Dans le prolongement, nous réfléchirons sur la pertinence d’une pratique des ateliers d’écriture auprès de ce public, qui outre la médiation qu’ils proposent, suscitent un dispositif de jeu et de soin psychique. Enfin, d’autres questionnements ne manqueront pas de surgir, ouvrant sur de nouvelles perspectives et pistes de travail.