3.2.2. Méthodologie d’écoute et de lecture

3.2.2.1. Sur mon postulat méthodologique

. En arrière plan de cette démarche, ce sont les hypothèses de R. Roussillon et de J. Guillaumin qui m’ont servi d’appui méthodologique.

Selon R. Roussillon, quand l’objet maternel a échoué à accueillir et à transformer suffisamment, la matière psychique première projetée et externalisée par son bébé, cette part d’insaisissable du sujet qui lui fait retour, va ensuite se voir dérivée par un nouveau mouvement de projection, en direction cette fois-ci d’ » objeux » : « ce qui va être externalisé dans l’objeu, c’est ce qui a été externalisé dans l’objet, y compris l’insaisissable de soi transformé par le premier temps, par le premier transit » (1998a, p. 70). Puis, c’est sur une troisième scène, celle du rêve, que les restes non intégrés des premiers temps seront à nouveau transférés : « quelque chose de l’insaisissable de soi, quelque chose du désir qui habite l’être va pouvoir tenter ainsi de se mettre en forme, de se représenter grâce aux traces mnésiques d’objets qui héritent, qui ont hérité des objets pour la symbolisation » (ibid., p. 72). Mais cet « insaisissable de soi » peut aussi se voir transféré sur une autre scène de la symbolisation, qui est celle de la symbolisation artistique, comme le note encore l’auteur dans son article « Désir de créer, besoin de créer, contrainte à créer, capacité de créer »(1998b) : « la contrainte à créer apparaît alors comme l’effort du sujet pour tenter de mettre, à travers l’expérience créatrice, au « présent de son moi » l’expérience en souffrance d’appropriation subjective et de symbolisation, une manière de se rattacher secondairement à ce qu’il lui avait fallu historiquement couper de lui-même pour continuer à survivre ». (1998b, p. 163).

Quant à J. Guillaumin, il soutient dans Le Moi sublimé (1998) que «  le statut psychanalytique de l’œuvre d’art, singulièrement littéraire […] s’éclaire notablement si l’on accorde à cette œuvre une valeur topique » qu’il définit comme « correspondant à une position d’exterritorialité et d’extension périphérique d’une partie de l’appareil psychique du créateur ». Selon lui « l’œuvre fonctionne non seulement comme un double du Moi, mais comme un double que le Moi lui-même se donne, se construit consciemment par technique réaliste, pour y déposer et y travailler ce qui demeure encore inconsciemment inopérable ou intraitable en lui. Mieux même, pour y mettre en travail, indéfiniment, à la recherche d’une tierce validation chez les autres (dans l’appareil psychique des membres du « public »), ce qu’il y a ainsi déposé d’obscur et de clair à la fois, après s’en être séparé assez pour pouvoir le leur soumettre en cet état » (ibid., p. 2) Et cet auteur de noter lui-même que ces hypothèses s’accordent à la majorité des recherches psychanalytiques sur l’art.

A partir de là, nous sommes autorisés à partir du postulat que ce qui s’est joué dans le rapport à l’objet primaire va se transférer sur la scène de l’écriture. Que l’écriture va rendre saisissable ce qui a échoué à se transformer dans la relation première à la mère et à l’environnement.