3.2.3. Organisation de la clinique

La logique de pensée du chercheur qui pose une problématique et organise un édifice d’hypothèses ne correspond pas nécessairement à la logique du clinicien que se doit de respecter les exigences propres à l’investigation de la réalité psychique.

Il se trouve en effet que j’ai organisé mes trois cliniques dans l’ordre inverse de celui de ma présentation, à savoir : clinique de l’auto-enfermement, clinique de l’enfermement concentrationnaire, clinique de l’enfermement carcéral.

Ensuite, pour chacune de ces cliniques, j’ai organisé le matériel à partir de trois fantasmes : fantasme de retour in utero, fantasme de toute-puissance et d’immortalité, fantasme de scène primitive.

D’une part, si j’ai fait le choix de commencer à travailler mes hypothèses à partir de la clinique de l’auto-enfermement, c’est que je suis partie du postulat que c’est dans cette catégorie d’enfermement qu’une clef existe quant à la fonction que revêt tout enfermement pour un sujet ; il me fallait donc aller observer du côté de sujets qui s’enferment eux-mêmes pour comprendre le bénéfice qu’ils y trouvent. Pour chaque clinique, je me suis donc attachée à comprendre quelle était la fonction – ou le statut – de cet enfermement.

D’autre part, c’est par le biais des représentations fantasmatiques telles qu’elles apparaissent dans l’imaginaire – du côté de processus intermédiaires – mobilisé par l’écriture, qu’il me semblait pouvoir saisir quelque chose de l’histoire primaire du sujet.

Se posait toutefois la question de savoir quel était l’intérêt de consacrer autant de place à des fantasmes que l’on retrouve chez tout être humain. Car il ne s’agissait en aucun cas de décrire ici une grande catégorie de la clinique et de la psyché avec ses variations.

Il se trouve que chez certaines personnes – en l’occurrence, les écrivains que nous étudions –, ces trois fantasmes vont prendre une valeur tout à fait singulière, d’abord séparément, puis dans l’articulation qui les lie les uns aux autres, enfin dans le rapport qu’ils entretiennent avec l’enfermement et l’écriture. Ils figurent chaque fois un cas particulier d’un fantasme général partagé communément.

Je propose donc de considérer que ces fantasmes revêtent un sens spécifique du point de vue de la problématique de l’enfermement et de l’écriture. Ce qui légitime l’organisation de ma clinique autour de ces trois fantasmes.

Ce postulat contient implicitement une autre question : quelle est la fonction particulière, dans ces économies psychiques, de ces différents fantasmes ?

Question à laquelle il serait prématuré de répondre dans le cadre de cette réflexion méthodologique, mais dont l’importance ne doit pas être perdue de vue. Je me propose donc, de commencer à interroger, dans un chapitre préliminaire à la partie consacrée à nos trois catégories d’enfermement, les enjeux théorico-cliniques de ces fantasmes. Interrogation qui sera prolongée dans une reprise ultérieure, nous permettrant d’avoir un point de vue plus large, puisqu’une grande partie des implications cliniques aura alors été dégagée.