Chapitre 1: Clinique de l’auto-enfermement

1. L’enfermement intra muros

1.1. Problématique de l’auto-enfermement

Dans notre problématique, nous avons posé la question de savoir pourquoi des écrivains comme M. Proust et F. Kafka s’enfermaient volontairement. Et nous nous interrogeons d’autant plus que ces sujets ont le sentiment d’avoir perdu une part de leur humanité. Pourquoi ce vécu de déshumanisation ? Est-il consécutif à leur enfermement ? Mais alors pourquoi ces écrivains chercheraient-ils par un enfermement volontaire à vivre leur déshumanisation ? Faudrait-il mourir au monde et à soi-même pour donner vie à une œuvre ? Mais tous les écrivains n’ont pourtant pas recours à cette extrémité.

Et si nous retournions le problème, pour envisager que c’est parce qu’ils ne se sentaient pas tout à fait humains, que Proust et Kafka auraient éprouvé la nécessité de se couper des autres de leur communauté, de se replier sur eux-mêmes en érigeant des murs autour d’eux ?

Cette proposition ne nous apporte cependant pas de réponse pour expliquer ce vécu de déshumanisation. Comment le comprendre ? Est-il lié à l’histoire infantile du sujet ? Mais alors, dans quelle mesure peut-on mettre en lien cette contrainte d’enfermement avec l’histoire de ces sujets ?

Ces interrogations nous ont conduit à formuler l’hypothèse suivante : ce n’est pas l’univers propre à l’enfermement – volontaire ou subi – qui déshumanise ; cet enfermement second réactiverait les traces d’un vécu primaire d’enfermement , d’étouffement et de non accès à une subjectivité humanisante.

Nous donnons ici, une réponse possible à la question de la déshumanisation, qu’il nous faudra approfondir, mais il nous faut d’abord vérifier la validité d’un tel énoncé auprès des sujets qui nous ont permis de le construire : Proust et Kafka. Pourtant, étant donné la complexité de notre thème et des différents niveaux qui y sont intriqués, il ne nous sera pas possible de vérifier la validité de cette hypothèse en une seule fois ; il nous faudra avancer progressivement, en posant un certain nombre d’hypothèses intermédiaires qui nous permettront petit à petit d’examiner cette hypothèse principale.

Dans un premier temps, la clinique de l’enfermement volontaire peut nous apporter un éclairage déterminant pour comprendre la fonction de l’enfermement. Que représente donc l’enfermement pour des sujets comme M. Proust et F. Kafka ? Et quelle fonction a-t-il dans l’économie psychique de ces sujets ?