1.3.2. Sur la première hypothèse de recherche

Rappelons maintenant notre hypothèse de départ (1ère hypothèse) pour voir dans quelle mesure elle se vérifie : ce n’est pas exclusivement l’univers propre à l’enfermement – subi ou volontaire – qui déshumanise ; cet enfermement finalement second réactiverait les traces d’un vécu primaire d’enfermement , d’étouffement et de non accès à une subjectivité humanisante.

Nous avons donc apporté une première réponse – réponse partielle certes – à notre interrogation concernant le sentiment de déshumanisation éprouvé par Proust et Kafka : si le sujet ne se sent plus tout à fait humain, c’est parce qu’il n’a pas pu accéder à une subjectivation suffisante du fait d’un enfermement, d’un étouffement primaire dans la relation à l’objet maternel. Ce traumatisme lié à un défaut d’introjection du pare-excitation de la mère, conduit le sujet à revivre compulsivement l’enfermement premier. Car si le sujet s’est coupé d’une partie de sa subjectivité – en clivant une partie du moi –, cela n’empêche pas pour autant le retour du clivé, comme nous l’avons vu ; le sujet est alors contraint de mettre en place une défense complémentaire : dans notre clinique, la partie clivée a été étouffée. Et, nous le verrons, c’est peut-être le travail d’écriture qui pourra réinsuffler la vie à cette partie clivée.

L’auto-enfermement constitue donc une défense contre le retour de l’état traumatique antérieur clivé de la psyché dans la mesure où il permet tout à la fois de se protéger des excitations exogènes (fonction de pare-excitation) et d’étouffer la partie clivée du moi (neutralisation énergétique). Double étouffement donc, restreignant considérablement la vie affective et relationnelle du sujet. Mais aussi défense paradoxale, comme l’a noté R. Roussillon, car pour se défendre du retour de l’état antérieur, le sujet va retourner à l’état antérieur (1999c, p. 47). Ce sera là le sujet de notre prochaine partie.

Pour l’avancée de notre réflexion, il nous faut déjà retenir qu’à partir de ce traumatisme primaire, le sujet a dû subir dans une nécessité historique, contingente, deux autres formes d’enfermement : un enfermement physique organisé sur un modèle défensif etun enfermement psychique sur le mode du clivage.