2.1.2. Le versant étouffant du fantasme

Chez M. Proust comme chez F. Kafka, nous découvrons une angoisse de mourir étouffé dans un ventre-prison.

2.1.2.1. Chez Marcel Proust : se retrouver prisonnier et enterré vivant

L’univers confiné de la chambre peut aussi devenir une prison dans laquelle il étouffe et le lit devenir un tombeau où il meurt, comme en témoigne une citation extraite de son roman Jean Santeuil et citée déjà plus haut.

Au début de La Recherche, le narrateur enfant, qui est dans l’obligation de monter se coucher sans avoir reçu le dernier baiser maternel décrit sa chambre comme le lieu de sa sépulture : « Une fois dans ma chambre, il fallut boucher toutes les issues, fermer les volets, creuser mon propre tombeau, en défaisant mes couvertures, revêtir le suaire de ma chemise de nuit » (1954a, p. 28).

Enfin, dans un courrier adressé à un ami, M. Proust se plaindra de vivre « privé de tout, de la lumière du jour, de l’air, de tout travail, en un mot, de toute vie », alors qu’il a choisi lui-même ce mode d’existence. Souvenons-nous comment il se félicitait d’être tombé malade ! Mais la contradiction n’est qu’apparente, car s’il s’agit bien d’un choix explicitement revendiqué, il nous semble qu’il est motivé par une contrainte interne, inconsciente du sujet, du côté de la compulsion de répétition.

Se pose alors la question de savoir ce qui a pu se passer – ou ne pas se passer – dans la relation primaire à l’objet, que le sujet se voit contraint de revivre encore et encore. A mettre en acte – comme nous serons amenés à le constater – aussi bien dans la réalité externe que dans l’écriture ?

S’agit-il de retrouver le paradis perdu, la quiétude d’un ventre maternel, un sein connu ? Certes, mais pas seulement, car ce paradis peut très vite devenir un cloaque dangereux, effrayant ; c’est alors un tombeau dans lequel on étouffe.