2.3.1. Retour in utero et recherche d’un contenant psychique

Pour D. Anzieu, « l’utérus maternel, qui est le contenant anatomique du fœtus, fournit l’ébauche d’un contenant psychique. Ce contenant anatomo-psychique indifférencié est le contenant originaire. L’utérus est vécu comme le sac qui maintient ensemble des fragments de conscience. Le pare-excitation est constitué par le corps de la mère, plus spécialement par son ventre. Un champ de sensibilité commun au fœtus et à la mère se développe. D’où la nostalgie d’un retour au sein maternel, où l’on serait non seulement tenu, nourri, chauffé, dans un bien-être permanent, mais où l’on serait également conscient confusément de ce bien-être, condition pour en jouir » (1990, p. 96).

Ne s’agirait-il pas de retourner dans l’utérus maternel pour retrouver un contenant psychique qui fait défaut, un pare-excitation ?

Le fantasme de retour in utero jouerait alors un rôle similaire à celui de l’enfermement physique dont nous avons vu qu’il avait une fonction pare-excitante auxiliaire pour le sujet. Cela sur deux registres différents, l’un psychique – du côté du fantasme –, l’autre physique – du côté de la réalité externe.

Mais comment comprendre alors cette double protection qui a manifestement une fonction défensive ? Le besoin de se protéger derrière des murs et celui de fantasmer l’univers maternel sécurisant ? Il nous faut peut-être distinguer plusieurs niveaux de contenance.

A propos de cette fonction de contenance, D. Anzieu distingue en effet, à la suite de R. Kaës (1983) « le conteneur – dépositaire passif, mais non nocif, cuvette, sein-toilettes, simple récipient – et le contenant – réceptacle actif, sein-bouche nourricier, qui assimile le contenu, l’investit libidinalement, le restitue sous forme élaborée [...] » (1993, p. 27). L’auteur va même jusqu’à ajouter le contenir, autre fonction de l’activité de pensée qui s’étaie sur l’emprise active de la main sur les objets. Il différencie donc trois grandes catégories de contenance avec différentes fonctions qui sont le sac, la barrière et la limite. C’est cette distinction qu’il nous faut ici opérer pour comprendre le « double enfermement » derrière les murs et à l’intérieur de la mère, physique et psychique. Cela nous permettra également de faire le lien entre enfermement et écriture.

Ainsi, la première fonction, celle de sac, correspond à la « représentation d’un moi simple conteneur », alors que la deuxième fonction « métaphorisée par un réseau de barrières de contact » permet « la contenance des pensées » (1993, p. 28). C’est certes le même fantasme qui est actif dans notre clinique – nous pourrions cependant distinguer pour plus de précision entre « images de schème » et fantasme comme le propose S. Tisseron (1993, p. 67) –, mais alors que les murs de la chambre fonctionneraient comme conteneur, le fantasme de retour in utero aurait une fonction contenante.Quant à l’écriture, elle se situerait du côté du contenir .

Arrivés à ce point de notre réflexion, nous sommes en mesure d’affiner notre démonstration pour proposer que :

- les murs de l’enfermement – dans la réalité physique – fonctionneraient comme conteneur (le sac),

- le retour in utero – dans la réalité fantasmatique – aurait une fonction contenante (la barrière),

- l’écriture et le geste d’écrire – dans la réalité imaginaire – correspondraient à l’activité de contenir (la limite).

Se pose alors la question de savoir si l’on peut envisager ces trois éléments comme partie du dispositif permettant que s’enclenchent certains processus de symbolisation. Car si nous avons déjà montré que les murs en assurant une fonction de contenance extérieure prothétique, participaient du dispositif d’écriture, nous n’avons pas été plus loin dans la théorisation de ce dispositif symbolisant. Il nous faudra donc y revenir, mais voyons d’abord ce qu’il en est de ces trois grandes catégories de contenance.