2.3.3. Retour in utero, les deux versants : Traumatisme et renaissance

Il nous faut maintenant approfondir le sens de ce double mouvement apparemment contradictoire que nous retrouvons chez Kafka et Proust, cette nécessité de retrouver le paradis maternel protecteur et tout à la fois le sentiment d’y manquer d’air jusqu’à risquer d’en mourir parce qu’il peut se transmuer en un réduit infernal étouffant.

A propos de l’écriture comme de l’enfermement, le fantasme de retour in utero est apparu sous différentes formes que nous avons déjà pu commencer à répertorier.

Ainsi, quand M.Proust affirme que « l’œuvre d’art [est] le seul moyen de retrouver le Temps perdu... « (1954c, p. 899), c’est le versant premier du fantasme qui apparaît : retour au narcissisme perdu, au sein protecteur, sécurisant.

Quant ce même écrivain explique que le travail de l’artiste, c’est « la marche en sens contraire, le retour aux profondeurs où ce qui a existé réellement gît inconnu de nous... « (ibid. p.896) , ne fait-il pas allusion au retour régressif dans un sein inconnu ou insuffisamment connu ? Sein qu’il lui faut réintégrer pour tenter de le connaître enfin ? C’est là un autre sens que prend le fantasme de retour in utero.

Et quand il confie qu’» écrire, c’est retrouver quelque chose... qui très tôt dans notre vie s’est produit et qui est la clé à partir de laquelle tout peut se dérouler » (1954c, p. 899), ne nous fait-il pas l’aveu d’un désir de retrouver le sein maternel pour tenter d’y renaître et de trouver enfin une issue ? Issue à son exil, à son errance psychique ? Car faute d’avoir pu advenir comme être suffisamment différencié, n’est-il pas condamné soit à s’enfermer dans le Claustrum – enfer qui peut prendre l’apparence du paradis – soit à tomber dans le trou noir du néant ?

Se pose bien sûr la question de savoir pourquoi le sujet souhaite retourner dans un lieu qui en définitive apparaît si dangereux. C’est que ce retour mortifère vers les origines peut être pour le sujet l’occasion d’une renaissance, pour que puisse se rejouer et se cicatriser le traumatisme de l’origine.