3.1.3. Enfermement et confusion entre rêve et réalité

Alors que M. Proust voyage dans des mondes désorbités, F. Kafka erre dans un entre-deux-règnes.

3.1.3.1. M. Proust : voyager dans des mondes désorbités

Que la réalité puisse se confondre avec le rêve n’est pas étonnant chez un M.Proust qui comme nous l’avons montré précédemment, recherche avant tout à fuir la réalité en retrouvant le paradis perdu du narcissisme primaire.

Dormir, représente un « bouleversement complet », car le sommeil fait voyager l’être humain « dans des mondes désorbités » : « le fauteuil magique le fera voyager à toute vitesse dans le temps et l’espace, et au moment d’ouvrir les paupières, il se croira couché quelques mois plus tôt dans une autre contrée » (1954a, p. 5).

Le dormeur est d’ailleurs la figure centrale du début de La Recherche ; un dormeur qui s’endort et s’éveille, voyage dans le temps et l’espace, et revisite les différentes chambres de son passé qui représentent dans le meilleur des cas autant de cocons protecteurs : « [...] chambres d’hiver où quand on est couché, on se blottit la tête dans un nid qu’on se tresse avec les choses les plus disparates, un coin de l’oreiller, le haut des couvertures, un bout de châle, le bord du lit et un numéro des Débats roses, qu’on finit par cimenter ensemble selon la technique des oiseaux en s’y appuyant indéfiniment ; où par un temps glacial, le plaisir qu’on goûte est de se sentir séparé du dehors (comme l’hirondelle de mer qui a son nid au fond d’un souterrain dans la chaleur de la terre) et où, le feu étant entretenu toute la nuit dans la cheminée, on dort dans un grand manteau d’air chaud et fumeux, traversé des lueurs des tisons qui se rallument, sorte d’impalpable alcôve, de chaude caverne creusée au sein de la chambre même... » (1954a, p. 7).

« [...] En dormant j’avais rejoint sans effort un âge à jamais révolu de ma vie primitive », explique encore le narrateur, au début de La Recherche (ibid., p. 4).

Dans Le temps retrouvé, M. Proust relève encore « les signes de l’irréalité des autres », « dans leur impossibilité à nous satisfaire, comme par exemple les plaisirs mondains qui causent tout au plus le malaise provoquée par l’ingestion d’une nourriture abjecte [...] (1954c, p. 875).