4 . Le Fantasme de scène primitive

Selon notre deuxième hypothèse l’état traumatique primaire et le clivage qui lui est consécutif généreraient un fantasme de retour in utero, un fantasme de toute-puissance et d’immortalité ainsi qu’un fantasme de scène primitive, chacun selon une forme très spécifique. Les deux premiers fantasmes participeraient du mode de fonctionnement post-traumatique courant dans ces conjonctures psychiques, alors que le troisième fantasme tel qu’il est organisé témoignerait précisément du traumatisme primaire.

Le fantasme de scène primitive échouant à s’organiser comme un fantasme, révèlerait une scène originaire mortifère, dans laquelle origine et mort se trouveraient confondues.

Nous avons pu découvrir dans l’œuvre des écrivains étudiés, des scénarii à travers lesquels nous pouvons appréhender leurs fantasmes originaires ; il semblerait en effet, que le dispositif d’écriture soit apte, par la régression qu’il opère, à réactualiser de tels fantasmes.

Ce fantasme, tel qu’il apparaît dans notre clinique, s’il a bien cette fonction de recréer sans cesse l’origine, véhicule aussi une charge « négative » mortifère où l’origine semble avoir trop « partie liée avec la mort ». Il semblerait que chez les sujets de notre recherche, une partie des pulsions destructrices présentes dès l’origine, n’a pu être liée par la fonction alpha de l’environnement maternant.

Par ailleurs, si nous suivons A. Eiguer, la logique dans laquelle s’inscrivent les trois fantasmes – de retour in utero, de toute-puissance et d’immortalité, enfin de scène primitive – qui organise notre matériel clinique, prend tout son sens. En effet pour cet auteur « le fantasme d’élation intra-utérine est générateur d’illusion, il contribue à l’illusion mère-enfant, ainsi qu’aux sentiments de félicité absolue et d’éternité. Et à ce titre, ce fantasme amène à croire à la réversibilité de la durée. Le temps du fantasme intra-utérin est le temps circulaire de l’éternel retour, ce qui l’oppose au travail du fantasme de scène primitive » (1991, p. 1207).

Jusqu’à présent, notre clinique confirme tout à fait ce raisonnement. Mais il nous reste encore à étudier le fantasme de scène primitive dont nous allons voir qu’il est porteur d’une certaine charge traumatique parce qu’origine et mort s’y télescopent. Plus précisément, en reprenant la formulation de D. Ribas, nous pourrions dire que la mort comme origine dénie la scène primitive (1991, p. 1237-1241).