3.2.1. C. Lucas et l’écroulement du temps

: « ... Depuis que je suis ici, je perds la notion du temps, les angles ou les droites que forment les aiguilles sur le cadran de ma montre ne sont que des hiéroglyphes abstraits. Je sais seulement s’il fait jour ou s’il fait nuit, et que les secondes sont ces sourdes pulsations de ma vie qui bat à vide... », explique Ch. Lhorme dans Suerte (1995, p. 88).

Même lorsqu’il est libre, sa perception du temps reste chancelante, rendant bien compte de son enfermement intérieur : « Horaires et destinations se décomposent et se métamorphosent ainsi sans cesse, l’espace et le temps s’écroulent et se reconstituent sans fin, et tout cela, ce désordre, cette folie, cette magie, paradoxalement obéissent à des lois strictes et intransgressables. Des rouages infaillibles en effet meuvent imperturbablement ce monstrueux moulin des courants d’air, et cela ne fait que vous affoler davantage et vous précipiter dans l’urgence abstraite et impersonnelle de l’instant. L’instant roi, le seul qui soit. Le passé gît dans l’ombre des coulisses et l’avenir attend là-bas, où mènent ces rails impitoyablement parallèles...» (ibid., pp. 207-208).

Temps qui s’écroule plutôt qu’il ne s’écoule ! Seul existe l’instant et donc la perception des tensions et la compulsion à la décharge immédiate.

Dans la structure même du récit de C. Lucas, on retrouve une « volonté d’abolition du temps » comme il l’exprime à Yvan Mécif qui l’interroge sur une construction éclatée et une transcription de l’expérience temporelle qui s’apparente à la démarche proustienne : « Je n’ai souvenir, tandis que j’écrivais que d’un vrai refus, presque d’une répulsion de la linéarité narrative. Et en écrivant plus tard mes nouvelles, j’ai ressenti ce même besoin de retour en arrière, organisé de telle façon que l’histoire, en se développant, s’avale, se dissout, élimine ses traces », explique C. Lucas (Y. Mécif, 1998).

A la perception du temps qui s’écroule s’ajoute celle d’un temps circulaire

Qu’en est-il maintenant de la perception du temps pour les détenus de la Maison d’Arrêt ?