3.4. Enfermement, écriture et confusion entre rêve et réalité

3.4.1. Chez C. Lucas

« Rien ni personne n’était vrai ? Peut-être, mais tout était réel », écrit C. Lucas (ibid., p. 83).

« Je ne sais pas, je ne sais plus... L’angoisse me paralyse. Elle me vide aussi. Cette prison est si vraie que mon personnage de prisonnier acquiert une densité, un poids que je n’avais pas prévus. Il me semble que mon corps coule à pic et rejoint vertigineusement son reflet imaginaire, là-bas, sur la surface grise et grenue du mur du bâtiment d’en face où il va s’écraser. Ce n’est plus un simple dédoublement ou une espèce de projection comme il y a huit ans, lors de ma garde à vue après le hold-up manqué de la Feller SA. C’est une réalité de cauchemar et je crois bien que j’ai peur un peu » (1995, p. 85).

Plus tard, à propos de son roman Suerte, il déclarera à Y. Mécif : « C’est très tôt, comme lecteur invétéré et comme écrivain amateur (j’écris depuis mon adolescence), que je me suis représenté l’existence comme un roman (ou un anti-roman, parti pris qui n’est qu’une ruse d’auteur) à vivre. [...] Il se pourrait bien que le réel me paraisse d’une oppressante et insoutenable horizontalité, et que l’écriture – l’art en général – soit le moyen de lui affecter du sens en terme de verticalité, c’est-à-dire de profondeur » (Mécif, 1998)

L’écriture permettrait-elle d’accéder à une réalité qui soit soutenable, qui ne l’oblige pas à se perdre dans un ailleurs ? Il semblerait qu’elle l’introduise dans une perspective tridimensionnelle, permettant d’éprouver une intériorité et aussi de penser sans ressentir trop d’angoisses claustrophobiques.