1.1. Fantasme de retour in utero  : un sujet non-encore-vivant

A ce fantasme de retour in utero correspond le déni de la naissance.

Le fantasme de retour in utero proposerait une réponse en termes d’enfermement autistique : il s’agit alors pour le sujet de réintégrer ce sein maternel dont il a été séparé prématurément, de retrouver le contact peau à peau si rassurant, de vivre comme s’il était encore in utero. (Tout au moins pour la partie autistique du sujet, puisque nous avons bien précisé que les sujets de notre clinique étaient en prise avec une souffrance narcissique identitaire où l’on pouvait déceler des traits autistiques, conséquence d’un passage par une phase autistique pathologique).

Nous avons pu montrer en effet que le sujet n’avait pas pu naître à sa subjectivité ; ce bébé non né renvoyant à une mère « morte », en difficulté pour faire advenir son enfant à la vie psychique.

Ainsi s’explique que le sujet ne se sente pas humain, pas tout à fait vivant ; une partie de lui étant non-née, non encore advenue à la vie psychique. Si ces « sujets » semblent à demi-morts, n’est-ce pas parce qu’ils sont emprisonnés dans les limites « d’être » ou « ne pas être », comme l’exprime G. Haag à propos de l’article de F.Tustin intitulé dans sa version anglaise « To be or not to be » ? (Haag, 1994, p. 86) F. Tustin, explique encore que « si les projections du nourrisson ne sont pas attrapées, son sentiment d’existence se vaporise dans le néant ». Cette formulation nous semble bien rendre compte de l’impression d’être un « fantôme », « un revenant » décrite par les sujets. Problématique de la « revenance » qui renvoie d’ailleurs en miroir à la question de la survivance de l’objet, comme la clinique nous le donne à voir (Tustin, 1988, citée par G. Haag, 1994, p. 85).

Dans ce contexte, le retour in utero représente bien une solution alternative au clivage auto-soignant ; le sujet se trouvant dans la nécessité pour survivre de se cliver et de s’auto-soigner, et dans le même temps, animé de l’espoir d’un retour à une situation antérieure d’avant la séparation, d’avant le clivage pour se donner une nouvelle chance de renaître et d’accéder à une subjectivation humanisante.

Le retour dans le sein maternel ne contiendrait pas seulement un fantasme défensif régressif, un désir de retrouver le bien être du paradis perdu, d’autant plus que ce retour comporte un versant dangereux, étouffant. Il comporterait aussi un fantasme offensif, avec l’espoir de dépasser le clivage auto-soignant, de se réunifier, de se ré-originer. C’est là un enjeu essentiel du retour in utero, un enjeu de re-présentation.

Tout retour à l’état antérieur, nous l’avons vu, comporte un versant mortifère, d’autant plus lorsqu’il renvoie à une expérience de radicale impuissance. Si donc le premier mouvement est passif, le second mouvement contient, lui, l’amorce d’un retournement passif-actif, et d’un retournement en son contraire. Le sujet tente d’organiser lui-même un retour actif vers l’état antérieur, retour maîtrisé, plutôt que de subir le risque d’être confronté passivement au retour du clivé et de l’agonie primaire.

Au double versant du fantasme de retour in utero correspondent donc deux façons d’envisager l’enfermement : l’enfermement dans un ventre protecteur aconflictuel et l’enfermement dans le ventre de la procréation anale. (Ce qui nous conduira logiquement au deuxième fantasme de toute-puissance et d’immortalité.)

Et là il y a un enjeu d’écriture. L’écriture signe alors les retrouvailles à la mère première, elle permet de rejouer sur une autre scène ce qui n’a pas pu se jouer dans la relation à l’objet maternel pour tenter enfin de représenter la part insaisissable de soi. L’écriture permettant, dans certains cas, une cicatrisation des moments autistiques.