Première séance

Les participants arrivent les uns après les autres, appelés par le surveillant du secteur. Je leur serre la main en me présentant, ils font de même entre eux. D’emblée, ils s’étonnent du désordre et de la saleté des lieux, ils n’osent même pas s’asseoir. Je leur donne des mouchoirs en papier et nous nettoyons un peu les meubles avant de nous installer. Nous formons un carré de tables, ce qui nous permet de tous nous voir une fois assis. Nous attendons. Mis à part Jean, qui doit avoir près de la soixantaine, les autres détenus sont très jeunes, entre vingt et trente ans au plus. Ils ont l’air tranquille, mais je sens pourtant une gêne due à une certaine angoisse de l’inconnu, que l’attente accentue encore.

Un participant rompt le silence pour me demander ce que nous allons faire dans cet atelier. Et tous les autres de poser la même question. Je m’étonne qu’ils n’aient pas reçu d’information à ce sujet « Si, si », me répondent certains, « on vous a même vu à la télé, mais on a pas compris grand chose ! ». C’est alors à mon tour de ne pas comprendre : « à la télé ? » « Ben oui, sur la chaîne de la Talau, y z’ont fait passer une info, c’est comme ça qu’on a su qu’y avait un atelier pour écrire, mais c’est tout ce qu’y disaient ». Quelques secondes, j’imagine qu’on a pu capter mon image sans rien m’en dire, puis je comprends qu’il ne s’agissait que d’un message écrit ; c’est la formulation imprécise de mon interlocuteur qui m’a fait douter un instant.

Comme les premiers arrivants patientent depuis déjà une bonne demi-heure, j’invite les six personnes présentes à faire un tour de table : ils me diront comment ils se représentent cet atelier et exprimeront ce qu’ils en attendent.

« C’est pour apprendre à bien écrire », lance Birak. « A avoir un meilleur style, à apprendre un style, pour mieux savoir écrire »,  enchérit Solam. Les autres, plus réservés, reconnaissent pourtant ne pas avoir bien compris, ils sont venus par curiosité et pour se distraire : « pour voir », « pour se changer les idées ». Malik avoue alors qu’il n’aime pas écrire, qu’il est venu « pour sortir de la cellule ».

Un peu déçue que l’annonce rédigée avec l’infirmière cadre, n’ait pas été mieux comprise (je m’interroge sur la pertinence des termes choisis, sur la circulation de cette information, sur la forme même sous laquelle elle a été véhiculée, mais mis à part sa diffusion sur la chaîne locale de télévision, je n’en apprendrai pas plus), j’explique l’objectif de l’atelier ainsi que le déroulement des séances. Je leur rappelle que ce dispositif est mis en place dans le cadre d’une recherche universitaire sur l’écriture en lien avec l’enfermement et qu’il sera suivi d’entretiens individuels (pour ceux qui accepteront d’y participer).

Quelques remarques fusent ci et là, certains manifestent leur inquiétude, prétendant qu’ils ne savent pas écrire, d’autres, se disent gênés par leur mauvais français et les fautes d’orthographe… Je sais par habitude que les ateliers d’écriture font resurgir chez nombre de participants des souvenirs d’anciennes inhibitions scolaires, mais j’entends aussi leur appréhension comme la crainte que je ne voie leurs « fautes », c’est-à-dire leur délit ou crime.

Je prends encore un temps pour leur dire que nous sommes ensemble, simplement pour inventer et écrire des histoires, et non pour juger de la qualité littéraire des écrits, de l’expression et des fautes de français. Et comme je constate que les participants sont venus sans papiers et sans stylo (à quoi s’attendaient ils donc ?), je leur distribue les feuilles blanches que j’ai pensé à apporter ainsi que des feutres de plusieurs couleurs.

Pour commencer, je propose un exercice ludique pratiqué par les surréalistes, un « cadavre exquis ». Je commence donc par écrire « la première phrase qui vient à l’esprit » – c’est la consigne que j’exprime à haute voix – sur une feuille blanche, puis replie en partie cette dernière de manière à cacher l’inscription, j’invite tous les participants à procéder ainsi les uns après les autres. La feuille de papier circule de main en main, assez rapidement, ‘chacun’ écrivant sans beaucoup d’hésitation, et quand tout le groupe a terminé, je demande au dernier de déplier la feuille et de lire les différentes phrases. C’est Malik qui nous lit l’écrit suivant :

‘Printemps par-ci, printemps par-là. l’ecriture c’est le Rêve, c’est l’oubli. La France a beaucoup de chance de se qualifier pour les quarts de Finale. ce matin je suis sorti en sport. Les delices de la vie, n’existent pas ici ! ! ! Les matins de pluies, je n’aime pas sortir. je préfère le soleil. Je veut rentré cher moi pour me coucher.’

Un murmure de plaisir parcourt le groupe, ils sont tout à la fois surpris et rassurés par la simplicité du jeu que je leur ai proposé.

Une fois ces phrases lues, quand je leur propose de choisir ensemble un thème d’écriture, c’est immédiatement celui du temps qui surgit, proposé par Solam et qui est accepté pour tous comme un « bon sujet ». Suivent quelques commentaires entre les participants :

- « Oui, mais quel temps ? », demande Karim.

- « Ben, sur le temps qui passe… et puis aussi sur la pluie et le beau temps », explicite Solam.

Jean, précise : « Ca peut être le temps que tu vois… le temps que tu penses… ».

- « Ou encore le temps qui passe et qu’on rattrape jamais… », rajoute Cyril.

Jean propose encore : « Le temps passé, le souvenir… ». 

Et chacun de se pencher avec application sur la feuille blanche que je leur ai donnée ; les uns mordillent leur stylo, l’œil dans le vague, les autres alignent rapidement les mots les uns à la suite des autres comme possédés d’une fièvre soudaine… Jean, le plus âgé d’entre eux, qui se tient tout près de moi, tente bien de m’accaparer quelques instants, en sollicitant mon point de vue sur sa conception du temps, mais comme je souris silencieusement en lui désignant d’un mouvement de tête le reste du groupe, il obtempère.

Puis je m’interroge en regardant tous ces visages sérieux, ne devrais-je pas aussi écrire ? Je ne leur ai encore rien dit concernant mon éventuelle participation à l’écriture, par lâcheté un peu mais aussi par peur ; je me sentais débordée à l’avance à l’idée d’animer un atelier avec douze participants sans co-animation. Ma participation active à l’acte d’écrire faisait pourtant initialement partie de mon dispositif de mise en place de l’atelier d’écriture.

Je décide donc de faire une tentative et j’aligne non sans une certaine inhibition quelques mots qui me viennent à l’esprit : « Temps…, tempête… petit bout de temps… temps en miettes… temps fragmenté… qu’on aimerait couler en bouteilles… pour le boire comme un élixir… à petites gorgées… ». Puis, plus rien. J’ai l’impression que ma pensée s’éparpille, que les mots n’arrivent pas à s’unifier dans une quelconque idée, à se ramasser dans une logique de sens, seulement des mots épars, qui tournent en rond… quelque chose de l’ordre de la répétition qui finit par se déliter.

Je me sens troublée et décide de renoncer, je ne peux décidément pas lire ce texte devant d’autres, je serai ridicule, par ailleurs je vais certainement induire des effets négatifs, c’est trop risqué, laissons les se débrouiller. Après tout, je suis avant tout là pour animer l’atelier. Je ne peux pas tout faire ! Cette décision me laisse cependant un sentiment de malaise.

Je les regarde, étonnée de voir ces grands enfants sagement assis…, j’ai oublié que ce sont des délinquants… peut-être même dangereux… ils semblent si désireux de me faire plaisir, de me plaire, d’être de bons fils…

Je me surprends alors, à scruter chaque visage, cherchant derrière le masque à reconnaître le criminel : «  celui-ci, n’aurait-il pas tué ? Et celui-là ? » Mais aussitôt je me ravise, chasse ces pensées inopportunes.

Je me raccroche à du concret ; mes yeux se fixent sur le carton que m’a apporté le bibliothécaire, et pendant que les participants continuent à écrire, j’en inventorie rapidement le contenu : une pile de vieux journaux La Vie et tout au-dessus, une paire de gros ciseaux à bout rond : La Mort ? Je me souviens maintenant de la recommandation qui m’a été faite : « attention !… les ciseaux… ça a fait un vrai scandale que vous demandiez ça, … alors surveillez les bien ! ». Je regarde l’instrument évocateur de mort, dont la présence me semble être toute symbolique : impossible de couper même une feuille de papier avec, et que ferions nous d’une seule paire pour tout un groupe ! Bien sûr, un homme pourrait la subtiliser et tenter de l’avaler (dans un geste automutilateur).

Maintenant, chacun a terminé d’écrire. Je leur propose de lire à haute voix leur texte. Le premier texte, lu comme un poème par Jean, vient se tisser avec le « M » majuscule de Maman, dans le fil des mes associations :

‘le temps d’aimer, commence avec sa Maman,continue avec ses copines,ensuite avec sa femme,et très souvent finit avec sa compagne, C’est le temps de vivre.’

Chacun a écouté dans un silence respectueux. Quand je leur demande ce qu’évoque pour eux cette lecture, je déclenche dans le groupe une suite de murmures prudents et polis : « c’est bien…, c’est bien… ». Personne ne se risque à en dire davantage. Je n’insiste pas pour le moment.

Solam propose spontanément de continuer :

‘Le temps passe et repasse, il n’y a que les souvenirs qui restent en place, Le temps est un espace limité, car le temps a une fin ,Le temps peut être rapide, lent. Rapide quand on l’apprécie Lent quand on s’ennuie Rapide quand on est libre Lent, quand on est enfermé.’

Solam se rengorge, très fier de sa production ; il attend, assis très raide sur son siège, les commentaires des autres… A nouveau, on entend fuser des « c’est bien…, c’est bien… ».

Les derniers mots du texte font réagir Karim qui fait ce commentaire, comme pour lui seul : « Le temps il est long ! ». Karim a annoncé presque d’emblée qu’il n’aimait pas écrire, qu’il était venu « pour voir », pour « sortir de la cellule ». Solam, reprend la parole pour nous lire deux définitions du temps, l’une plus objective que celle qu’il nous a déjà donnée, l’autre se rapportant au temps climatique ; temps contraignant toujours et que le sujet doit subir passivement :

‘Le temps est déchiffré par un calendrier grâce à des jours, des mois, des années. C’est par le calendrier qu’on peut définir le temps. on dépend du temps dans la mesure où il nous force à nous habiller plus ou moins chaudement.’

C’est maintenant au tour de Cyril de lire :

‘Le temps est passé le temps d’un coup de feu, d’une balle perdue il s’est arrêté hier ! Que c’est il passé ? la vie, le temps est allé trop vite. Pas le temps de vivre libre, la liberté à un prix, et ce prix est le temps, le temps c’est soi-disant de l’argent, en fait le temps ne rapporte rien ! si on est las de l’attendre, à force de l’attendre, il nous pousse à allér plus vite que lui et en mauvais perdant, il ne le supporte pas, il nous rattrape et nous fait payer, alors, chaque chose en son temps ! sinon, nous sommes perdant tout le temps.’

A partir de cette lecture, j’aurai du mal à chasser cette pensée que Cyril a peut être tué. Si le début du texte est quelque peu dramatique (je m’interrogerai sur la réalité du meurtre commis), la suite s’avère déconcertante ; Cyril semble vouloir exprimer un vécu personnel, mais la formulation reste très stéréotypée et redondante.

Après un temps d’arrêt, il explique : « Je n’écrivais pas avant. Ici, plus de famille, plus de plaisir… il faut trouver autre chose… ça sort des tripes » :

Nourid après s’être plaint de son manque d’inspiration, nous lit les quelques mots suivants :

‘le temp c’est le passé et le présent ’

La pauvreté de sa représentation bipartite du temps me laisse sans voix, je n’ai même pas la présence d’esprit de l’interroger sur un avenir possible.

Personne n’ose un commentaire.

Malik. n’a d’ailleurs pas été beaucoup plus inspiré sur ce sujet, semble-t-il ; le temps, lorsqu’il ne donne pas l’état de l’atmosphère (beau ou mauvais), est celui mesuré avec nos horloges ou avec un sablier :

‘le temps sont les minutes qui sécoulent, le jour, la nuit. le Beau temps et le mové temps.’

La référence à une unité physiologique du temps, à la durée du nycthémère ne vient-elle pas révéler combien l’existence est ici réduite à ses activités les plus élémentaires ?

Comparé aux deux précédents écrits, le texte de Birak est prolixe :

‘Le temps passe malgré quelques angoisses. C’est vrai que l’été le soleil se couche tard ; on a l’impression que le temps marque un temps d’arrêt C’est ce que l’on croît, Mais en faite, il faut pas se fiér au couché du Soleil, l’essentiel c’est de se mettre dans la tête que un jour c’est 24 H ; donc que le soleil se couche tard où tôt. C’est la même chose 24 H c’est un jour il faut pas se fier à la lumière du jour. C’est vrai que l’Hiver ont à L’impression que le temps passe vite. Mais en faite c’est pareille c’est juste que le soleil se couche tôt. en faite l’Hiver où l’été un jour c’est toujour 24 H. un jour c’est un jour et un jour égal 24 H. La saison que je préfère c’est Bien l’automne.’

Quand chaque participant a pu lire sa production, le climat apparaît plus détendu.

Birak prend la parole pour dire qu’il faut « du temps à perdre pour écrire », comme c’est le cas en prison.

- « Il y a des réserves d’écriture en prison. Ceux qui n’ont pas été en prison ne trouveront jamais les mots », remarque encore Cyril.

Une discussion sur  les « occupations » en prison s’engage alors entre les participants. Saïd dénonce la télévision comme « intox », Birak remarque que jouer sur la Playstation leur permet de » s’abrutir ».

Et comme je m’étonne qu’ils aient à leur disposition des Playstation, ils s’exclament presque d’une seule voix : « Oh, mais on peut tout avoir ici, même de la drogue ! ».

Quelques remarques fusent encore ci et là puis Karim fait remarquer : « y a aussi la lecture ici ».

La plupart des participants reconnaissent qu’ils se sont mis à lire depuis qu’ils sont incarcérés.

Jean revient sur le sujet de l’écrit en constatant : « L’écriture change, au début de la prison puis six mois après, c’est plus pareil ; les visions de chacun ne sont pas les mêmes sur le temps ». Et de conclure : » laissons le temps au temps ! »

Comme la séance n’est pas terminée, je propose au groupe de choisir un nouveau thème; après quelques échanges entre eux, les participants décident d’écrire sur un thème libre.

Jean a composé un aphorisme sur le thème du temps :

‘La méditation est une forme de temps qui nous refait voir notre vie à l’envers, en nous guidant pour l’avenir.’

Karim a juste noté quelques mots sur la feuille posée devant lui, il ne souhaite pas les faire partager au groupe, « j’arrive plus à dessiner qu’à écrire «, nous dit-il.

Birak a écrit un texte intitulé L’alcool qu’il nous lit de sa voix triste et monotone :

‘L’alcool.’ ‘C’est vrai que L’alcool nue à La santé, Mais non seulement la santé, Mais à un certain moment ont devient alcoolique si ont Boit tous les jours et en grande quantité ; Puis sa fait faire que des problèmes une fois soûl. qu’ont fasse des Bagarres, des Histoires, etc... c’est une fois Levé le matin qu’ont Regrette d’avoir fais des Bagarres où un accident. Oui tous les problèmes vienne dé l’alcool. C’est vrai qu’en Buvant on oubli Les souçis. mais en faite. C’est Là qu’arrive tous les problèmes. car après il faut tous les jours Boire pour oublié Mais c’est La que l’ont dépendera de L’alcool. il faut faire façe au problème. Sans Boire. Et Là tous s’arrange car c’est du font du cœur qu’ont parle une fois âjeun. Alors que ceux qui Boivent c’est L’alcool qui parle…’

Pas un mot n’est dit à propos de ce texte. C’est Solam qui nous lit maintenant le sien :

‘La trahison.’ ‘Peut on faire confiance à autrui, quand on sait que ce dernier nous a trahi. Personnellement, je continuerai à lui faire confiance même s’il continue à me trahir. Car je ne changerai pas ma personnalité. Bien au contraire, c’est à moi de l’aider pour qu’il puisse changer son comportement. Car s’il réagit comme cela, quelque part son cœur doit être submergé de tristesse et de haine. Donc il ne faut même pas lui en vouloir. Cela me conduit à me poser la question suivante. Peut on pardonner la Trahison ?’

Quelques « bien, bien » fusent ça et là. Puis Nourim lit les quelques phrases qu’il a rédigées sur la liberté :

‘la liberté faut la mériter et il faut l’apréssiér au bon moment quand on est déhord on ne l’apréssié pas. comme ont devraient et une fois qu’on est enfermer ont voudraient l’apressiées’

« Ca c’est vrai », commente Solam. Et les autres acquiescent d’un mouvement de tête, mais Cyril qui est impatient de lire sa production, coupe court à toute possibilité d’échange :

‘Liberté, égalité, fraternité, drapeau constitué d’un tissus de Mensonges, en quel lieu ou en quelle action avons nous étés égaux libre cela ne tiens qu’a vous, sauf si l’egalité se brouille au plus haut de son nom, et la fraternité parlons-en, quel frère enfermerais le sien ou quel frère le lasserais sur le trottoir crevant de faim et de froid ? non ! je vous le dit, ce drapeau est l’hypocrisie, la pauvreté, et l’exlusion ! Mais la plus vraie des armes ! celle qui ne s’enraye jamais et qui ne vous trahi pas est l’amour, celui de nos Mères, nos pères et nos femmes et nos enfants notre drapeau devrait être blanc, car ses couleurs le salissent’

Admiratifs, cette fois, les « c’est bien » fusent à nouveau dans le groupe qui semble impressionné par la verve de leur compagnon. Seul Jean reste un peu en retrait, un sourire bienveillant sur les lèvres.

Gonflé par cet enthousiasme quasi général, Cyril explique que selon lui, chacun a quelque chose à dire, donc à écrire en prison : « Ici tout le monde à son histoire ». Et Jean de compléter : « En prison, c’est le hold-up de la pensée… et c’est important de penser ! ».

C’est à ce moment là qu’un surveillant vient nous rappeler que l’heure de la séance est pratiquement écoulée ; je mets donc fin à l’atelier. Les participants après m’avoir chacun remis leurs textes me serrent chaleureusement la main ; je sens qu’ils ont du mal à se séparer, ils restent quelques minutes devant moi, se balançant d’un pied sur l’autre, se grattant la tête… Ils tentent d’attirer mon attention par des remarques sur les conditions de détention…

Comme je rapporte le carton de revues à la Bibliothèque qui se trouve presque en face de notre petite salle, ils me suivent et bavardent avec le bibliothécaire jusqu’à ce qu’un surveillant vienne les chercher pour qu’ils regagnent leur cellule.

Rentrée chez moi, je regarderai les différents manuscrits qui m’ont été confiés, la plupart ont été signés ; mais à côté du nom, je pourrai lire, non sans une certaine émotion, leur numéro d’écrou et leur matricule. Je découvrirai aussi avec étonnement une feuille blanche avec juste ces quelques mots : « ho le Beaut lapins ». Au-dessous, Karim a griffonné au stylo à bille le visage d’un homme barbu, ses traits sont fins et assez bien dessinés ; il ressemble à un Christ. Au jeune homme rencontré à la M.A se superposera alors l’image d’un petit garçon désemparé qui s’accroche à son jouet favori.