Les neurones miroir et l’inférence du but de l’action

Umiltà et collaborateurs (2001) ont examiné la réponse des neurones miroir lorsque la partie finale de l’action observée était cachée mais que les singes pouvaient prédire son but. Dans la vie quotidienne, nous comprenons en effet les actions d’autrui quand bien même la cible de l’action ne serait pas visible. Prenons l’exemple d’une personne réalisant un mouvement de préhension vers une bibliothèque : même si nous ne voyons pas les livres qui y sont déposés, nous pouvons prédire le but de l’action effectuée, à savoir saisir un livre. La finalité d’une action peut donc être inférée sans que toute l’information visuelle relative à cette action soit disponible chez l’observateur. Umiltà et al. (2001) ont alors postulé que si les neurones miroir jouaient effectivement un rôle dans la reconnaissance et la compréhension des actions, ces neurones devraient être activés même lorsque seule la partie initiale d’une action est visible. Deux conditions principales ont été testées : dans l’une, les singes observaient des actions, réalisées par l’expérimentateur, dans leur version intégrale ; dans l’autre, ils observaient les mêmes actions mais dont la partie finale était cachée (i.e. après que le singe ait vu l’expérimentateur placer l’objet sur la table, l’expérimentateur plaçait un panneau opaque devant cet objet afin que la partie finale de l’action ne soit pas visible). Des conditions « factices » ont également été testées, à savoir le mime de l’action (en absence d’objets) dans sa partie totale ou partielle. Les auteurs ont démontré que les neurones miroir enregistrés dans F5 déchargeaient à la fois lorsque l’action transitive observée était vue dans sa partie intégrale et sa partie initiale seulement. Ces neurones n’étaient par contre pas activés si le singe avait pu voir au préalable qu’aucun objet n’était placé derrière le panneau. L’ensemble de ces résultats révèle donc que les neurones miroir sont capables de générer une représentation motrice de l’action observée même lorsque la partie la plus cruciale de cette action (i.e. interaction entre la main et l’objet) est cachée et doit être inférée. En outre, ils constituent un argument fort contre l’ « hypothèse visuelle » de la compréhension des actions, selon laquelle ce processus reposerait uniquement sur l’analyse visuelle des différents éléments composant ces actions, n’impliquant de fait aucune activité motrice.