II.3.3. Etudes comportementales

L’étude du système miroir humain, si elle a largement bénéficié des techniques sophistiquées comme la TMS et l’EEG ou la MEG, a également fait l’objet d’études comportementales ayant analysé la cinématique 3 des mouvements lors de l’observation d’actions (Brass et al., 2000, 2001 ; Castiello et al., 2002 ; Craighero et al., 2002 ; Edwards et al., 2003 ; Kilner et al., 2003). Brass et collègues (2000) ont par exemple mis en évidence que l’observation de mouvements des doigts (i.e. lever un doigt) facilitait l’exécution ultérieure de ces mêmes mouvements (i.e. déclenchement des mouvements plus rapide), par rapport à des conditions où l’action était réalisée en réponse à des indices spatiaux (« x ») ou symboliques (nombres). Ils ont en outre noté une diminution de ces effets de facilitation lorsque la compatibilité idéomotrice entre les mouvements observés et exécutés était réduite (e.g. mouvement de « lever le doigt de la table » observé vs. mouvement de « frapper avec le doigt sur la table » exécuté). Ce pattern de facilitation a également été rapporté par Castiello et al. (2002) qui ont démontré que l’observation d’un mouvement de préhension d’un objet facilitait l’exécution subséquente, par l’observateur, de la même action sur le même objet. Ainsi, une diminution de la latence des pics de vitesse et de décélération du poignet ainsi que du pic de pince a été observée lorsque les participants devaient saisir un objet de petite taille après avoir observé l’expérimentateur effectuer la même action sur le même objet (i.e. condition congruente, vs. condition incongruente où les participants devaient saisir un objet de grande taille alors que le mouvement observé était réalisé vers un objet de petite taille). Enfin, Kilner et collègues (2003) ont rapporté une interférence entre l’exécution et l’observation simultanées de mouvements incongruents. Ils ont demandé à des sujets de réaliser des mouvements sinusoïdaux verticaux ou horizontaux, alors qu’ils observaient l’expérimentateur ou un robot effectuer simultanément les mêmes mouvements, soit dans la même direction (i.e. congruents) soit dans la direction contraire (i.e. incongruents). Les mesures de la variabilité des mouvements effectués par les sujets ont révélé que l’observation des mouvements incongruents interférait significativement avec la performance motrice des sujets. Plus précisément, la variabilité était plus importante lorsque les sujets réalisaient par exemple des mouvements verticaux tandis que l’expérimentateur effectuait des mouvements horizontaux. En outre, ce pattern d’interférence n’était obtenu que lorsque les mouvements observés étaient réalisés par l’expérimentateur et non par le robot, suggérant un appariement entre l’exécution et l’observation d’actions uniquement lorsque ces actions sont réalisées par un effecteur biologique (en accord avec Perani et al., 2001, et Tai et al., 2004, pour des études en imagerie cérébrale).

Les résultats comportementaux fournissent donc, bien qu’indirectement, des preuves robustes quant à un partage des représentations neuronales entre l’observation et l’exécution d’actions dans notre système moteur.

Bien qu’un nombre croissant d’études suggère qu’un système miroir existe aussi chez l’homme, un point d’interrogation subsistait toujours sur ses corrélats neuronaux précis. Les travaux précités ont en effet utilisé des techniques bénéficiant d’une très haute résolution temporelle mais manquant cruellement de fiabilité quant à la localisation des sources neuronales mises en jeu. Si certains ont suggéré une implication, bilatérale ou à prédominance gauche, du cortex moteur, de l’aire de Broca et des aires pariétales dans le système d’appariement entre exécution et observation des actions, le réseau d’aires corticales recrutées restait encore à identifier plus précisément. Dans ce sens, les techniques d’imagerie cérébrale (IRMf et TEP) se sont présentées comme la solution-clé pour découvrir enfin quelles parties de notre cerveau nous permettent de reconnaître les actions d’autrui sur la base d’une transformation de leurs propriétés visuelles en représentations motrices.

Notes
3.

La cinématique est l’étude des mouvements, dont les différentes phases sont décrites à travers l’extraction de paramètres définis (Jeannerod, 1981, 1984).