II.4. Conclusion

Comme nous l’avons décrit tout au long de ce chapitre, les preuves s’accumulent en faveur de l’existence, chez l’homme, d’un système miroir impliqué dans la reconnaissance et l’imitation des actions. Ce système miroir semble partager de nombreuses propriétés avec celui découvert chez le singe. Il est ainsi recruté lors de l’observation d’actions de la main, de la bouche et du pied, d’actions réalisées au moyen d’outils (en contrepartie d’une longue phase d’habituation visuelle chez le singe) et d’actions présentées de manière auditive. Il est également activé lorsque les actions observées sont réalisées par des individus appartenant à une autre espèce, à la condition toutefois que ces actions appartiennent potentiellement au répertoire moteur de l’observateur. Pour les actions externes à ce répertoire, la reconnaissance serait au contraire basée sur une analyse visuelle. Mais ce système possède également ses propres caractéristiques telles que le fait d’être activé, quoique de façon moindre, durant l’observation d’actions intransitives, ou de participer fortement à l’imitation complexe d’actions, capacité unique à l’homme. L’ensemble de ces données supporte donc l’hypothèse selon laquelle un mécanisme de résonance entre exécution et observation des actions pourrait être à la base de l’émergence du langage (Arbib, 2002, 2004 ; Iacoboni, 2005 ; Rizzolatti & Arbib, 1998 ; Rizzolatti et al., 2001 ; Rizzolatti & Fadiga, 2004). Il nous permettrait en effet de comprendre les actions d’autrui, et d’interagir en conséquence avec celui-ci, fondement même de la communication et des interactions sociales (Gallese & Goldman, 1998). Les déficits d’activation du système miroir chez les enfants autistes semblent supporter cette hypothèse (Dapretto et al., 2006 ; Fecteau et al., 2006 ; Gallese, 2006 ; Hadjikhani et al., 2005 ; Oberman et al., 2005).

Ce regain d’intérêt en faveur de l’hypothèse d’une origine motrice du langage a jeté les bases d’un vaste courant de recherches, en plein essor actuellement, et dans lequel s’inscrit ce travail de thèse. La suite de cette introduction s’attachera à présenter l’ensemble des résultats disponibles à ce jour, visant à révéler les liens supposés entre langage et motricité manuelle.