VI. Synthèse et Problématique générale

VI.1. Synthèse

La question de l’origine du langage humain, qui reste l’une des énigmes scientifiques les plus discutées, fait l’objet, à l’heure actuelle, d’un regain d’intérêt des chercheurs issus d’horizons différents. Cette thématique, située au centre d’un carrefour interdisciplinaire, a vu naître en son sein nombre de théories et courants de recherche, chacun ouvrant de nouvelles perspectives quant à l’évolution du langage chez l’homme. Plus particulièrement, l’hypothèse d’une origine motrice du langage, selon laquelle cette capacité propre à l’homme aurait évolué à partir des gestes manuels, a été proposée (Armstrong, 1999 ; Armstrong et al., 1995 ; Corballis, 1999, 2002, 2003, 2005 ; Hewes, 1973 ; Kimura, 1993) et accréditée par la découverte du « système miroir » dans le cortex prémoteur de singe (di Pellegrino et al., 1992 ; Gallese et al., 1996 ; Rizzolatti et al., 1996a) mais aussi chez l’homme (Buccino et al., 2004ab ; Cochin et al., 1999 ; Fadiga et al., 1995 ; Nishitani & Hari, 2000, 2002 ; Rizzolatti et al., 1996b ; Rizzolatti & Arbib, 1998). Depuis cette découverte « révolutionnaire » a émergé un intérêt croissant des neurosciences cognitives pour la thématique, très prisée actuellement, des liens unissant langage et motricité (Fadiga et al., 2002 ; Gentilucci, 2003ab ; Gentilucci et al., 2000, 2004ab ; Glover & Dixon, 2002 ; Glover et al., 2003 ; Meister et al., 2003 ; Watkins et al., 2003 ; Watkins & Paus, 2004). A cet égard, l’étude du traitement des mots désignant des actions, généralement des verbes, est apparue comme une opportunité de comprendre ces liens fonctionnels si particuliers. Deux modèles, celui du système miroir et celui de l’apprentissage « hebbien » (Pulvermüller, 1996a, 1999a, 2001a, 2005a), supposent en effet que le traitement des mots d’action recrute le système moteur impliqué dans l’exécution et la reconnaissance des actions décrites par ces mots. Corroborant cette hypothèse, les travaux ont démontré une activation somatotopique des cortex prémoteur et moteur, ainsi qu’une modulation d’excitabilité de ces régions, lors de la perception de mots ou de phrases se référant à des actions corporelles (Aziz-Zadeh et al., 2006b ; Buccino et al., 2005 ; Hauk & Pulvermüller, 2004a ; Hauk et al., 2004b ; Oliveri et al., 2004 ; Pulvermüller et al., 2005bc ; Tettamanti et al., 2005). En dépit du nombre croissant d’éléments favorisant l’idée d’un partage de substrats neuronaux entre la reconnaissance des mots d’action et l’action elle-même, la signification fonctionnelle des activations observées, ainsi que le rôle des aires motrices dans le traitement de ces mots restent toutefois encore à élucider. Si une étude menée en TMS a mis en évidence une implication notable de ces aires dans le traitement des mots d’action (Pulvermüller et al., 2005c), des preuves robustes au niveau comportemental manquent cruellement.