VI.2. Problématique

Ce travail de thèse a été réalisé avec deux grands objectifs : (i) apporter des indices comportementaux robustes quant à l’existence de corrélats neuronaux distincts sous-tendant le traitement des noms et des verbes chez les sujets sains ; (ii) approfondir l’étude de la dynamique des liens unissant le traitement des mots d’action et l’action, en dévoilant les corrélats comportementaux et électrophysiologiques de l’activité motrice liée à ces mots, et en examinant le rôle des régions motrices dans le traitement des mots d’action.

Dans une première étude, les dissociations potentielles entre les processus de reconnaissance de noms concrets et de verbes d’action seront mises en évidence en évaluant l’influence d’une variable particulière, l’âge d’acquisition des mots, sur l’identification de ces mots dans une tâche de décision lexicale. Le choix de cette variable comme « outil » a été motivé par son influence notable, au moins équivalente à celle de la fréquence d’occurrence, sur le traitement des mots. L’âge d’acquisition des mots reflétant la manière dont les mots sont organisés dans le cerveau, la mise en place de réseaux neuronaux en partie distincts de traitement des noms concrets et des verbes d’action au cours de l’apprentissage ne devrait-elle alors pas se traduire par des effets différents de cette variable sur la reconnaissance des deux catégories de mots ?

Les travaux suivants se focaliseront plus particulièrement sur la problématique du traitement des verbes d’action et sur les relations étroites qu’entretiennent ces mots avec le système moteur. Deux grandes questions seront posées : la récupération des verbes d’action recrute-t-elle les aires prémotrices et motrices participant également au contrôle des mouvements ? Quel rôle ces régions corticales jouent-elles dans le traitement de ces mots ? Dans une deuxième étude, nous évaluerons, grâce à des analyses cinématiques fines, l’interaction potentielle entre la lecture de verbes d’action, en regard de noms concrets, et la réalisation simultanée ou successive d’un mouvement de préhension. Les variations de décours temporel entre les tâches nous permettront notamment de déterminer si les régions corticales impliquées dans l’exécution des mouvements participent effectivement au traitement des verbes d’action, ou si leur activation rapportée dans les études d’imagerie cérébrale ne résulte que de processus post-linguistiques, tels l’imagerie mentale des actions auxquelles les mots se réfèrent. Notre troisième étude, utilisant un paradigme tout aussi novateur combinant des enregistrements EEG et cinématiques, s’attachera à confirmer et approfondir le précédent travail, en examinant l’influence des mêmes mots sur les corrélats neurophysiologiques de la préparation motrice simultanée et sur l’exécution motrice subséquente. Plus précisément, l’effet de la présentation subliminale de verbes d’action et de noms concrets sera mesuré sur le potentiel de préparation motrice et sur les paramètres cinématiques d’un mouvement de préhension. Une implication des régions corticales de contrôle moteur dans le traitement des mots d’action devrait alors résulter en un pattern d’interaction spécifique entre les deux tâches. Enfin, notre quatrième et dernière étude nous permettra d’apporter de premiers éléments de réponse à la question du rôle des aires corticales motrices dans le traitement des verbes d’action : sont-elles nécessaires à la récupération de ces mots ? Dans ce but, nous examinerons l’impact d’une atteinte motrice, telle que celle décrite dans la maladie de Parkinson, sur les performances de reconnaissance de noms concrets et de verbes d’action dans une tâche de décision lexicale avec amorçage répété masqué. Des effets d’amorçage réduits, voire nuls, pour les verbes d’action, en regard des noms concrets, étaieraient l’hypothèse d’un rôle crucial des régions motrices dans les processus de récupération de ces mots.