VII.5. Conclusion

Notre première expérience a montré que les effets d’AdA s’expriment différemment lors de la reconnaissance de verbes d’action et de noms concrets dans une tâche de décision lexicale, fournissant des éléments supplémentaires en faveur de l’hypothèse de substrats neuronaux en partie distincts pour les deux catégories de mots (Damasio & Tranel, 1993 ; Pulvermüller, 1996a, 1999a ; Shapiro & Caramazza, 2003). Les résultats de notre deuxième expérience ont par ailleurs démontré que cette absence d’effet d’AdA n’était observée que pour des verbes désignant des actions appartenant au répertoire moteur humain. Si nous prenons pour acquis que l’AdA affecte les performances de reconnaissance des mots (Ellis & Lambon-Ralph, 2000 ; Ghyselinck et al., 2004 ; Zevin & Seidenberg, 2002), l’absence d’effet de cette variable pour les verbes d’action spécifiques à l’homme pourrait indiquer que les estimations subjectives de l’âge auquel la forme verbale des mots est apprise ne capturent pas réellement l’âge d’apprentissage du sens de ces mots, leur composante motrice jouant à cet égard un rôle notoire. Les effets d’AdA distincts pour les deux catégories de mots pourraient alors refléter l’existence de liens étroits unissant les processus de langage et les programmes sensori-moteurs (Lieberman, 2002 ; Martin et al., 1995 ; Pulvermüller, 1999a, 2005a ; Tettamanti, et al., 2005). Ainsi, si la représentation neuronale des verbes décrivant des actions du répertoire humain implique les régions corticales motrices, l’âge auquel cette représentation se met en place pourrait fortement dépendre du développement des habiletés motrices, et ne semble pouvoir être capturé par des estimations de l’AdA de la forme verbale uniquement.

Cette première étude comportementale suggère donc l’existence de représentations neuronales en partie distinctes pour les noms concrets et les verbes désignant des actions propres à l’homme. Le but de notre prochain travail sera de tester l’importance de la composante motrice associée aux verbes d’action dans la représentation neuronale de ces mots, en évaluant l’interaction potentielle entre le traitement de verbes d’action et de noms concrets lors d’une tâche motrice explicite.