IX.5.3. Activation automatique des régions motrices lors du traitement des verbes d’action

Notre étude a rapporté un effet d’interférence précoce du traitement des verbes d’action sur le PPM. En outre, conformément aux interprétations des effets d’amorçage, l’utilisation de stimuli masqués et présentés de manière subliminale nous a conduits à suggérer que les processus automatiques d’activation de ces mots en mémoire soient mis en jeu. Ainsi, l’activation automatique des représentations neuronales des verbes d’action a interféré avec le PPM et l’exécution motrice subséquente. Ces résultats suggèrent donc que les aires corticales prémotrices et motrices impliquées dans le contrôle moteur soient recrutées alors même que les mots d’action ne sont pas perçus consciemment et qu’ils sont traités de manière automatique. Ils sont de fait en accord avec les précédentes études menées en MEG et en EEG ayant décrit une activation des régions motrices et prémotrices lors du traitement de mots d’action lorsque l’attention des sujets était focalisée sur une autre tâche (Pulvermüller et al., 2005b ; Shtyrov et al., 2004). Des topographies et latences différentes de la « Mismatch Negativity » (MMN) ont en effet été mises en évidence lors de la présentation auditive de mots désignant des actions du bras et de la jambe alors que les participants regardaient attentivement un film vidéo silencieux. Par ailleurs, et conformément aux résultats de l’Expérience 1 de notre deuxième étude (Boulenger et al., 2006b), le rôle de l’imagerie motrice dans l’effet d’interférence observé lors du traitement des verbes d’action sur la préparation et l’exécution motrices semble pouvoir être écarté. En effet, non seulement l’influence spécifique des verbes d’action sur le contrôle moteur s’est produite précocement, mais elle est apparue lors du traitement inconscient et automatique de ces mots.

Dans l’ensemble, nos données s’accordent donc avec les prédictions du modèle de l’apprentissage « hebbien » (Pulvermüller, 1996a, 1999a, 2001a, 2005a ; section IV.2 p.87), selon lequel les représentations neuronales des verbes d’action seraient en partie imbriquées dans le cortex moteur, de sorte que la récupération de ces mots, qu’elle soit consciente ou non, résulte automatiquement en une activation des assemblées de cellules distribuées correspondantes. Dans cette optique, les régions prémotrices et motrices, partie intégrante des représentations lexico-sémantiques des verbes d’action, joueraient donc un rôle aussi crucial que les régions périsylviennes du langage dans la récupération, au moins automatique, de ces mots, et ne seraient pas simplement activées de manière redondante à l’activation des aires langagières (Pulvermüller et al., 2005c). En d’autres termes, l’implication du système moteur dans la perception des mots d’action ne résulterait pas de processus post-linguistiques (i.e. imagerie motrice des actions décrites par les mots) ou non spécifiques à la récupération de ces mots, mais reflèterait des mécanismes liés à leur traitement proprement dit.