L’amorçage masqué

L’étude des processus automatiques dans la genèse des effets d’amorçage a été par la suite dominée par l’utilisation d’un nouveau paradigme : l’amorçage subliminal masqué. Dans ce paradigme, l’influence d’une amorce, présentée très brièvement, et immédiatement suivie d’un masque dit de « rétroaction » (séquence de lettres ou de symboles sans signification), est examinée sur le traitement d’une cible. Bien que cette amorce ne soit généralement pas perçue consciemment par les participants, les études comportementales démontrent que, lorsqu’elle est identique ou liée sémantiquement à la cible, le traitement de cette dernière est plus efficace et plus rapide (Abrams et al., 2002 ; Dehaene et al., 1998, 2001 ; Draine & Greenwald, 1998 ; Eimer & Schlaghecken, 1998 ; Ferrand et al., 1994 ; Forster & Davis, 1984, 1991 ; Forster, 1999 ; Greenwald et al., 1989 ; Klinger et al., 2000 ; Marcel, 1980, 1983 ; Naccache & Dehaene, 2001 ; Segui & Grainger, 1990). L’une des démonstrations les plus élégantes d’effets d’amorçage subliminal masqué a été proposée par Dehaene et ses collègues (1998) dans une étude combinant EEG et IRMf. Dans une tâche de comparaison de nombres (décider si un nombre cible est inférieur ou supérieur à 5 en appuyant sur un bouton avec la main gauche ou droite), l’influence d’amorces numériques masquées a été mesurée sur le traitement de nombres cibles. Un effet d’amorçage classique a été observé puisque les temps de réponse étaient plus courts lorsque l’amorce et la cible étaient toutes deux inférieures ou supérieures à 5 et conduisaient à la même réponse motrice (essais congruents). Les enregistrements EEG du « Lateralized Readiness Potential » (LRP), reflétant l’activation des circuits moteurs latéralisés, ont révélé que les sujets, avant d’élaborer une réponse motrice appropriée à la cible, programmaient implicitement une réponse motrice compatible avec l’amorce. Les résultats obtenus en IRMf ont confirmé ce pattern de résultats en démontrant une activation des aires motrices liées au côté de réponse défini par la cible moins prononcée lors des essais incongruents que des essais congruents (i.e. activation concurrente des aires motrices compatibles avec la réponse liée à l’amorce incongruente).

Les effets d’amorçage masqué, étant générés lors de la perception inconsciente des amorces, sont généralement interprétés comme résultant, non pas d’une appréciation consciente de la nature de la relation entre amorce et cible, mais de la mise en œuvre de processus lexico-sémantiques automatiques (Forster & Davis, 1984 ; Marcel, 1983). En d’autres termes, seul le processus automatique et inconscient de propagation d’activation au sein du réseau sémantique pourrait rendre compte de l’amorçage masqué, la composante intentionnelle étant abolie lorsque les participants ne sont pas conscients de la présence préalable de l’amorce.

Pour résumer, les effets d’amorçage ont fait l’objet de nombreuses études, leur efficacité dans l’analyse des processus de récupération des mots en mémoire n’étant plus à démontrer. Ces effets d’amorçage, pouvant être de nature sémantique ou répétée, sont mis en évidence dans deux grands types de paradigmes : l’amorçage non masqué et l’amorçage subliminal masqué. Alors que le premier paradigme permet d’étudier les deux composantes, automatique et intentionnelle, de l’amorçage, le deuxième rend compte de l’influence de la composante automatique d’activation lexico-sémantique sur le traitement des mots. La plupart des études menées jusqu’à présent ont examiné les effets d’amorçage chez les sujets sains ; toutefois, on constate à l’heure actuelle un intérêt croissant des chercheurs quant à l’expression de ces effets chez les patients, et notamment, dans le cas qui nous intéresse, chez les patients parkinsoniens. Nous allons à présent décrire les principaux résultats obtenus dans ces quelques études.