X.2. Présentation de l’étude et hypothèses

La présente étude avait pour but de déterminer dans quelle mesure l’intégrité des régions et circuits moteurs est nécessaire au traitement des verbes d’action. Si ces régions jouent un rôle crucial dans la récupération de ces mots, une pathologie de la motricité telle que la maladie de Parkinson devrait se traduire par des difficultés subtiles à traiter les mots d’action. Afin de tester cette hypothèse, nous avons comparé les effets d’amorçage répété masqué, chez des patients parkinsoniens non déments et des sujets sains, dans une tâche de décision lexicale comprenant des verbes d’action et des noms concrets. Les patients ont été testés en deux sessions identiques, à jeun de traitement dopaminergique (OFF) et après la prise L-Dopa (ON), censée améliorer les performances motrices, afin de déterminer si une réduction des troubles moteurs était corrélée à de meilleures performances de traitement des verbes d’action. Alternativement, une amélioration des performances des patients en ON pour les deux catégories de mots reflèterait simplement la capacité de la dopamine à augmenter la vitesse de traitement de l’information. Le choix du paradigme d’amorçage répété a été motivé par la robustesse de ses effets, optimisant ainsi les chances de les faire émerger chez les patients ; en outre, l’amorçage était masqué, et le SOA court, permettant de cibler précisément les processus automatiques d’activation lexico-sémantique, et de négliger les processus conscients stratégiques. Afin que les différences potentielles de performances entre les patients et les sujets contrôles ne puissent être imputées à des problèmes méthodologiques tels qu’un biais en faveur des réponses pour les cibles « mots », le ratio entre les cibles mots et pseudo-mots était de 1.

Nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle une implication notable, voire nécessaire, des réseaux moteurs dans les processus de traitement des verbes d’action devrait se traduire par des déficits d’activation lexico-sémantique de ces mots en mémoire chez les patients parkinsoniens privés de traitement dopaminergique. Conformément aux modèles de l’apprentissage « hebbien » (Pulvermüller, 2001a, 2005a) et du système miroir (Aziz-Zadeh et al., 2006b ; Buccino et al., 2005 ; Gallese & Lakoff, 2005 ; Tettamanti et al., 2005), le traitement des verbes d’action reposerait en effet sur les régions prémotrices et motrices impliquées dans l’exécution et la reconnaissance des actions désignées par ces mots. Ainsi, si les régions et circuits moteurs jouent un rôle majeur dans la compréhension des verbes d’action, une atteinte de la boucle motrice contrôlant les mouvements volontaires, comme dans la maladie de Parkinson, devrait conduire à une réduction, voire une suppression, des effets d’amorçage pour ces mots, en regard de noms concrets, et par rapport à des sujets sains témoins. En d’autres termes, si les représentations neuronales des verbes d’action sont ancrées, au moins en partie, dans les cortex moteur et prémoteur appartenant à la boucle frontale motrice, les troubles moteurs des patients parkinsoniens pourraient engendrer un déficit d’accès automatique aux représentations lexico-sémantiques des amorces « verbes », réduisant alors l’influence facilitatrice de ces amorces sur l’identification des cibles « verbes ». De tels résultats corroboreraient l’hypothèse d’un rôle capital des circuits de l’action dans le traitement des mots d’action.