X.5. Discussion

La présente étude avait pour but d’examiner les performances de reconnaissance de verbes d’action et de noms concrets, dans une tâche d’amorçage répété masqué, chez des patients parkinsoniens, d’abord à jeun de traitement dopaminergique (OFF) puis sous L-Dopa (ON). Nous avions formulé l’hypothèse qu’un rôle des régions et circuits moteurs dans le traitement des verbes d’action devrait se traduire par une réduction des effets d’amorçage pour ces mots, en regard des noms concrets, chez les patients par rapport à des sujets sains. Nos résultats ont corroboré cette hypothèse : des patterns de performances inversés ont été mis en évidence pour les verbes d’action en phases OFF et ON. Plus précisément, alors que les effets d’amorçage pour les noms concrets chez les patients, quelle que soit la phase, étaient comparables à ceux observés chez les sujets sains, les effets d’amorçage n’étaient présents pour les verbes d’action qu’en phase ON. Autrement dit, la privation de traitement dopaminergique, exacerbant les symptômes des patients (scores moteurs UPDRS plus élevés en OFF qu’en ON), a conduit à des troubles de récupération des verbes d’action dans la tâche d’amorçage. La prise de L-Dopa a ensuite ramené les performances des patients pour cette catégorie de mots à la normale.

Il faut noter que globalement, c’est-à-dire sans tenir compte de la nature des amorces, les temps de réponse moyens des patients, indépendamment de la phase considérée, étaient comparables pour les deux catégories de mots et par rapport aux sujets témoins. Autrement dit, les patients parkinsoniens identifiaient aussi bien les verbes d’action que les noms concrets, la dissociation entre catégories n’apparaissant que lorsque les effets d’amorçage étaient mesurés. Ces données suggèrent donc qu’une tâche classique de décision lexicale aurait probablement failli à révéler les effets obtenus dans la présente étude, et que la mise en place d’un paradigme subtil d’évaluation de la reconnaissance des mots, tel que celui utilisé ici, favorise l’émergence des troubles de traitement des mots d’action chez les patients parkinsoniens. Par ailleurs, les effets d’amorçage pour les noms concrets en OFF et ON et pour les verbes d’action en ON étaient comparables à ceux obtenus chez les sujets sains. Nos résultats semblent donc indiquer que l’accès à l’information lexico-sémantique des mots soit préservé chez les patients parkinsoniens non déments, et divergent des données recueillies dans les précédentes études quant à un retard d’activation sémantique automatique (Angwin et al., 2005 ; Arnott et al., 2001). Le type de paradigme utilisé (i.e. amorçage répété subliminal masqué vs. amorçage sémantique non masqué) pourrait notamment rendre compte de ces divergences. Les travaux portant sur l’amorçage masqué chez les patients parkinsoniens étant peu nombreux, des études supplémentaires paraissent nécessaires afin de mieux comprendre les mécanismes d’activation des mots en mémoire dans la maladie de Parkinson.