XI. Discussion générale

Deux grands courants de recherche ont motivé la réalisation de ce travail de thèse. D’une part, les études neuropsychologiques menées chez les patients cérébro-lésés et les études d’EEG et d’imagerie cérébrale menées chez les sujets sains ont suggéré que des représentations corticales en partie différentes, organisées en fonction des informations sémantique et grammaticale des mots, sous-tendent la récupération des noms et des verbes (Cappa et al., 2002 ; Caramazza & Hillis, 1991 ; Damasio & Tranel, 1993 ; Daniele et al., 1994 ; Hillis et al., 2003 ; Kellenbach et al., 2002 ; Khader et al., 2003 ; Khader & Rösler, 2004 ; Laiacona & Caramazza, 2004 ; Preissl et al., 1995 ; Pulvermüller et al., 1999bc ; Rapp & Caramazza, 1998, 2002 ; Shapiro et al., 2000, 2001, 2005, 2006 ; Shapiro & Caramazza, 2003a ; Vigliocco et al., 2006). Sur le plan sémantique, Pulvermüller (1996a, 1999a, 2001a) a notamment proposé, dans son modèle basé sur l’apprentissage « hebbien », qu’outre les aires périsylviennes du langage, le traitement des noms, associés à des objets, repose sur les aires temporo-occipitales visuelles, alors que celui des verbes, désignant généralement des actions, fasse appel au cortex frontal moteur. D’autre part, la découverte d’un « système miroir » chez le singe (di Pellegrino et al., 1992 ; Gallese et al., 1996 ; Rizzolatti et al., 1996a), puis chez l’homme (Buccino et al., 2004ab ; Cochin et al., 1999 ; Fadiga et al., 1995 ; Nishitani & Hari, 2000, 2002 ; Rizzolatti et al., 1996b ; Rizzolatti & Arbib, 1998), a suscité un intérêt remarquable des neurosciences cognitives pour la thématique des liens unissant langage et motricité (Fadiga et al., 2002 ; Gentilucci, 2003ab ; Gentilucci et al., 2000, 2004ab ; Glover & Dixon, 2002 ; Glover et al., 2003 ; Meister et al., 2003 ; Watkins et al., 2003 ; Watkins & Paus, 2004). A cet égard, l’étude du traitement des mots désignant des actions corporelles est apparue comme un point clé dans la compréhension de ces liens fonctionnels particuliers (Aziz-Zadeh et al., 2006b ; Buccino et al., 2005 ; Hauk & Pulvermüller, 2004a ; Hauk et al., 2004b ; Oliveri et al., 2004 ; Pulvermüller et al., 2005bc ; Tettamanti et al., 2005). Deux modèles, celui de l’apprentissage « hebbien » (Pulvermüller, 2001a, 2005a) et celui du système miroir, stipulant une activation du cortex moteur lors de la perception d’actions exprimées à travers la motricité ou le langage (Buccino et al., 2005 ;Gallese & Lakoff, 2005 ; Tettamanti et al., 2005), permettent de rendre compte des résultats obtenus, à savoir une activation des cortex prémoteur et moteur lors de la perception de mots ou de phrases se référant à des actions.

Le présent travail de thèse avait deux objectifs principaux : (i) d’abord, démontrer l’existence, au niveau comportemental, de représentations neuronales distinctes pour les noms concrets et les verbes d’action, en examinant les profils de performances de sujets sains lors de la reconnaissance des deux catégories de mots ; (ii) ensuite, approfondir l’étude des liens fonctionnels unissant le traitement des mots d’action et l’action elle-même, en évaluant l’influence potentielle du traitement de verbes d’action sur le contrôle moteur, mais aussi en examinant l’impact d’une pathologie motrice sur la récupération de ces mots. Dans la suite, nous présenterons une synthèse et une discussion des données recueillies, ainsi que les perspectives offertes pour les études futures.