Introduction

La notion de Chaîne Logistique Globale (ou Supply Chain) fait l’objet d’une attention accrue de la part des entreprises depuis l’arrivée de la globalisation et de l’évolution des organisations vers plus de réactivité et de flexibilité. Ces phénomènes ont renforcé de manière significative les contraintes qui s'imposent sur la chaîne de production et ont obligé les logisticiens à répercuter ces contraintes sur leurs fournisseurs. A cela s'ajoutent aujourd'hui de nouveaux types de contraintes, concernant l’optimisation des stocks, la gestion des flux synchrones et la traçabilité de la production pour satisfaire un marché de plus en plus volatile et exigeant. C'est pourquoi, le concept de chaîne logistique qui recouvre les processus inter et intra entreprises et gère l’ensemble des flux de " l’entreprise étendue " est devenu vital pour certains secteurs d’activités.

Dans ce contexte, la gestion des connaissances est au cœur des préoccupations des décideurs pour améliorer leur compétitivité. Elle joue un rôle important en permettant de mieux appréhender la complexité, l’incertitude et les différentes dynamiques auxquelles l’organisation doit faire face. La gestion des connaissances est définie comme un mode de gestion systématique des savoir et savoir-faire de l’entreprise qui vise à lui fournir un avantage compétitif. En effet, la connaissance est un ensemble d’informations (ensemble de données de type contraintes, règles, bonnes pratiques, expériences, …) ayant un sens pour une personne dans un contexte donné [Ermine, 2000]. Elle est à la source des décisions car elle permet de comprendre les différents éléments d’un problème à résoudre. Sous cet angle, la gestion des connaissances participe à l’amélioration de la maîtrise et de l’efficacité de la chaîne logistique.

L’enjeu de la gestion des connaissances au sein de la Chaîne logistique est la création, la maîtrise et l’optimisation des flux et des processus que ce soit aux niveaux de la qualité, des délais ou des coûts. Des éléments de gestion des connaissances existent déjà, comme les manuels de qualité ou les référentiels métiers, mais ils restent au niveau local de l’entreprise et ne prennent pas en compte la dimension globale de la chaîne logistique. L’objectif de nos travaux est de faciliter la mise en œuvre de la démarche de gestion des connaissances pour favoriser la diffusion d’une culture de partage et d’échange dans le cadre de la chaîne logistique. Ceci, afin d’améliorer les compétences des entreprises collaborant et d’obtenir des avantages compétitifs dans un contexte de circulation croissante d’informations entre les partenaires. Si l’on modélise la chaîne logistique sous forme de processus, la nécessité de collaboration entre les partenaires semble s’imposer pour aligner l’offre à la demande en terme de prestations (qualité, coûts, délai, quantité, service, etc.).

La gestion des connaissances permet principalement d’améliorer la prise de décision en présentant et en organisant les différents éléments de résolutions d’un problème ou d’une question. Notre démarche prend tout son sens si nous mettons en relation les informations et les connaissances avec les problèmes qu’elles peuvent contribuer à résoudre. Il faut alors également identifier et catégoriser les différents types de problèmes que peuvent rencontrer ces acteurs. Les points clés de notre approche sont la collaboration, la communication et le partage d’une vision commune, qui permettent aux acteurs de se comprendre et d’accéder à la connaissance dont ils ont besoin.

Même si la gestion des connaissances est avant tout mise en oeuvre par des techniques de management du changement à travers l’évolution de l’organisation du travail, l’utilisation d’outils informatiques permet de structurer les processus et le champ d’action des acteurs. C’est pourquoi, nous proposerons l’utilisation d’une plate-forme qui favorise l’échange et la diffusion des connaissances entre les différents acteurs de la chaîne logistique. Nous définirons un cahier des charges répondant à ces besoins aux niveaux opérationnels (résolution de problèmes), tactiques (pilotage) et stratégiques (trajectoire technologique et managériale).

L’étude des éléments statiques et dynamiques des connaissances, leur recueil, leur classification, ainsi que l’étude de la mise en œuvre de l’échange des connaissances au sein de la chaîne logistique s’articulent autour de 5 chapitres.

Le chapitre 1 nous permet de situer les différentes spécificités qu’induit le traitement de la collaboration et l’échange de connaissances au sein de la chaîne logistique. Nous allons revenir sur les particularités du processus de la chaîne logistique en reprenant la littérature relative aux notions de confiance, de pouvoir et de risque afin de déterminer les éléments clés des performances de la collaboration. Nous nous pencherons ensuite sur les processus d’échanges d’informations liés à ces systèmes en présentant une typologie des problèmes qu’ils peuvent contribuer à résoudre. Nous montrerons ainsi la nécessité de prendre en considération les notions de connaissance routinière et d’innovation pour faciliter l’appropriation d’une culture commune au sein de ce type de réseau d’entreprises.

A partir de cette revue de la littérature, le chapitre 2, proposera une démarche facilitant l’échange et la diffusion des connaissances en se basant sur la spécificité des connaissances de la chaîne logistique et en gardant la construction de confiance entre les partenaires comme moteur de la collaboration. Nous introduirons une approche basée sur le concept de relation et de projet afin de contextualiser et de structurer l’échange des connaissances. La théorie structurationniste [Giddens, 1984] sera abordée afin d’intégrer la dynamique des connaissances aux travers des interactions entre acteurs.

Dans le chapitre 3, nous présenterons les différents niveaux pour lesquels la structuration des connaissances nous paraît pertinente. Ainsi, nous aborderons la notion d’ontologie pour permettre l’organisation des connaissances afin d’en faciliter la recherche et l’utilisation. Les éléments de connaissance seront structurés sous forme de fiches de connaissance évolutives, inspirées des patrons de conception issus de l’ingénierie logicielle.

Le chapitre 4 illustrera notre propos à travers des études de cas industriels menées en collaboration avec l’entreprise Mirima, PME de la région Rhône-alpes et fabricant de sièges haut de gamme (design), dans le cadre de sa chaîne logistique. Nous présenterons certaines de ses relations avec des distributeurs, des fournisseurs et des sous-traitants permettant de mettre en avant les concepts de collaboration inter-entreprises et de confirmer la contribution de notre démarche en terme de gestion et d’échanges de connaissances.

Le chapitre 5 proposera le cahier des charges d’une application informatique permettant une mise en œuvre logicielle de la démarche développée. Nous présenterons l’architecture technologique ainsi que les différentes fonctions réalisées par l’outil proposé. Cet outil doit permettre de gérer l’échange des connaissances, le recrutement et l’abonnement d’acteurs ainsi que l’implantation d’indicateurs permettant de faire ressortir des informations sur les membres de la chaîne logistique et sur la connaissance échangée. Nous mettrons également en avant dans ce chapitre, les fonctions facilitant l’accès aux connaissances grâce aux technologies web et l’application de standards tels que l’OAIS (Open Archival Information System) pour la pérennisation des connaissances.

Nous terminerons notre étude en présentant des conclusions et des perspectives ouvertes par nos contributions d’un point de vue conceptuel et technique. Nous présenterons également à la fin de ce document la bibliographie sur laquelle notre étude s’est reposée, ainsi que quelques annexes complémentaires nécessaires à la compréhension de certains points de nos travaux.