Favoriser l’égalité des chances…

Si l’insertion sociale par le travail permet de lutter contre la pauvreté, J. Jenson [2001] rappelle qu’il est important de garantir une répartition plus équitable des opportunités sociales. Ainsi, pour lutter contre l’exclusion sociale des plus démunis, il insiste sur l’enjeu fondamental d’un bon accès aux aménités de la ville. De plus, pour Y. Grafmeyer [2000, p.37], puisque les citadins tendent à s’inscrire dans des territoires dont certains peuvent renforcer les difficultés d’intégration économique, sociale, scolaire ou culturelle, « les processus enchevêtrés de ségrégation et d’exclusion obligent à prendre plus que jamais en compte la dimension proprement urbaine des problèmes sociaux » dans les politiques d’aménagement urbain – et notamment, de transports urbains. D’ailleurs, la question de l’égalité des chances entre les individus en termes d’accès aux biens de la ville s’affiche de plus en plus comme une préoccupation première des acteurs de l’action publique. Cela est dû, entre autres, à l’observation de la croissance des inégalités entre les individus [Avenel, 2004] et de la persistance, si ce n’est l’aggravation, des processus de ségrégation [Mignot et Buisson, ed., 2005]. Même si cette préoccupation est affichée de longue date dans les textes législatifs [L.O.T.I., 1982], les années 1990 en révèlent une montée en puissance avec notamment la loi sur la Solidarité et le Renouvellement Urbain [2000]. La création du Ministère délégué à la Promotion de l’Egalité des chances au printemps 2005 met en évidence, au moins dans le discours, l’attachement de l’Etat à ces préoccupations sociales. En outre, le rapport « Perroux » [2005] du Commissariat Général du Plan sur la localisation des activités économiques et les stratégies à adopter par l’Etat, insiste sur les arguments justifiant l’action publique en faveur d’équité et de justice sociale, en rappelant que les valeurs de la société prônent l’égalité des chances dans l’accès aux biens et l’amélioration des conditions des individus les plus défavorisés. « Un moyen de justifier l’aide aux régions défavorisées est de s’appuyer sur des critères de justice sociale, tels qu’on les trouve chez John Rawls et Amartya Sen » [Mouhoud, 2005, p.44]. Cet auteur insiste également sur le maintien des services et des équipements publics collectifs dans les zones en difficulté, afin que les écarts d’accessibilité à ces services ne s’accentuent pas avec les autres quartiers moins pénalisés. Mais, ce principe d’action ne conduit pas directement à une situation équitable. En effet, ne faudrait-il pas, par opposition, maîtriser l’implantation des services dans les quartiers dits « non défavorisés » en même temps qu’ils sont maintenus dans les quartiers les plus démunis, pour ne pas accroître les écarts d’accessibilité ? C’est bien le maintien, et mieux encore, la minimisation des écarts d’accessibilité entre les quartiers les plus démunis et les autres quartiers, entre les différents groupes sociaux, vis-à-vis des activités, biens et services de la ville, qu’il convient de prendre en compte pour traiter de la justice sociale [Mouhoud, 2005].

Dans un tel contexte, l’évaluation des politiques d’aménagement du territoire – et en particulier des politiques de transport urbain - est nécessaire et pertinente en tant qu’outil d’aide à la décision, pour rendre compte de la dimension sociale en termes d’égalité des chances entre les individus.