1.3. Un constat assez mitigé

Depuis plus de deux décennies, le processus d’évaluation s’est construit sur tous les points : tentative d’institutionnalisation ; ouverture de l’évaluation et de la décision à un panel plus large d’acteurs, notamment par le débat public ; avancées méthodologiques, dans le cas particulier des transports, du fait des préoccupations grandissantes, entre autres, pour l’environnement. On pourrait s’attendre à une situation profondément transformée du concept de l’évaluation dans sa pratique par rapport au début des années 1980. Quand bien même elle est devenue une réalité politique intégrée chez les différents acteurs, on se retrouve dans une situation paradoxale, notamment pour les évaluations ex post 16 . Cette situation paradoxale était déjà dénoncée en 1983 dans le premier grand colloque sur l’évaluation. « L’évaluation des politiques publiques, c’est à dire l’appréciation a posteriori des effets réels des décisions publiques, se trouve en France dans la situation paradoxale d’être à la fois souhaitée et ignorée » [Nioche et Poinsard, 1984, p.IV]. Depuis cette date, il n’y a pas eu beaucoup d’évaluations a posteriori de faites [Gamon et al, 1999] 17 .

La situation est quelque peu différente dans le cas des évaluations a priori. L’évaluation a priori n’est pas ignorée. Elle n’apparaît pas systématiquement comme un outil d’aide à la décision, mais plutôt comme une contrainte ou une obligation légale (article 14 de la L.O.T.I.). Les évaluations réalisées montrent cependant les limites de l’exercice. En effet, même si les méthodologies ont évolué sur la forme, de nombreuses réticences de fond apparaissent encore (cf. sections suivantes). « Les méthodologies d’évaluation coûts-avantages monétarisent les gains et les coûts apportés par l’infrastructure. Il est théoriquement possible de faire entrer dans ce type de bilan une grande quantité d’effets, en particulier externes, des transports. Pourtant la pratique montre que l’on se limite aux effets mesurables et directs. » [Duchêne, 2000, p.4]. D’autre part, si la situation des évaluations a priori se distingue de la précédente, c’est parce que, même si l’appropriation de cet outil par les différents acteurs est loin d’être acquise, ces derniers font preuve d’une volonté croissante de réalisation de ce type d’évaluation pour aider à la prise de décision dans les projets de transports urbains.

Il s’agit alors de comprendre les blocages rencontrés aussi bien sur la procédure d’institutionnalisation de l’évaluation des politiques publiques, que sur le plan des méthodes. Diverses réticences apparaissent au sein des différents groupes d’acteurs, mais aussi dans les conceptions et les volontés des politiques publiques.

Notes
16.

Il est distingué plusieurs types d’évaluation suivant l’état d’avancement d’un projet. L’évaluation ex ante ou a priori est l’évaluation réalisée pendant la phase d’élaboration du projet, qui rend compte de sa faisabilité et sa rentabilité socio-économique. L’évaluation ex post ou a posteriori, programmée dans la L.O.T.I. [1982] est une évaluation devant être menée deux à trois ans après réalisation d’un projet de transports.

17.

Nous pouvons citer comme exemples de bilan LOTI ceux cités dans les travaux de V. Gamon et al. [1999] : L’autoroute Grenoble – Valence A49, le TGV Atlantique et la ligne A du tramway de Strasbourg.