2.2.1. Evaluation a priori : obligation législative au service de la stratégie publique ?

Même si l’évaluation a priori des politiques publiques – de transport – est bien développée au niveau local, elle n’est pas une pratique systématique. Malgré la nécessité ressentie de l’évaluation, l’ensemble des collectivités et des acteurs locaux ne montre pas d’intérêt favorable à un outil dont la construction a été technico-administrative. Parce que l’évaluation apparaît être une contrainte, dans le processus administratif de la décision, exigée par le cadre politique et législatif, son appropriation se fait relativement difficilement. En outre, le faible impact de la procédure d’évaluation a priori des politiques est, selon M. Crozier [1998], d’ordre systémique. Compte tenu, de la rigidité de l’administration française dans l’action publique, mais aussi du manque de clarté et de la lourdeur procédurale de l’institutionnalisation étatique, l’évaluation a du mal à être identifiée et définie parmi l’ensemble des instances publiques. « La fragmentation communale en France, et la multiplication des niveaux d’administration locale rendent l’évaluation impossible dans bien des collectivités » [Crozier, 1998, p.44]. Le champ des acteurs potentiels des évaluations n’est pas clairement établi, compte tenu des difficultés éprouvées par l’administration publique dans l’identification des actions des différentes entités locales.

Si l’évaluation tend à se développer au sein de collectivités territoriales, cela tient à l’existence, selon M. Crozier, « d’un lien entre « autonomie » (donc décentralisation, responsabilité, volonté d’apporter des réponses adaptées aux besoins réels) et culture de l’évaluation » [Crozier, 1998, p.44]. C’est parce que les collectivités acquièrent plus d’autonomie, de responsabilités et de compétences compte tenu des lois de décentralisation, que la pratique de l’évaluation se développe. « Ce n’est évidemment pas pour rien que l’expérience de l’évaluation concerne surtout les régions, qui sont plus des collectivités de « missions », de programmation, d’orientations stratégiques que des administrations de gestions lourdes » [Crozier, 1998, p.44]. Si « le dynamisme des collectivités locales […] contraste avec l’atonie des administrations d’Etat » [Chanut, 2003(a), p.100], c’est bien parce que les collectivités sont conviées et sollicitées à la réalisation d’évaluations en tous genres, du fait des exigences des partenariats de l’action publique. Ainsi, si les Régions se sont ardemment lancées dans les procédures d’évaluation, c’est bien sous le joug des contraintes des contrats de plan Etat - Région et des obligations communautaires [Chanut, 2003(a)].