2.2.3. Plusieurs conceptions, peu de capitalisation d’expériences

Le désintérêt et les relations conflictuelles des acteurs étatiques se traduisent par un déficit de conception de la politique d’évaluation. L’outil mis en place manque de formalisation et de rigueur. Une très forte hétérogénéité apparaît dans les finalités et les objets de l’évaluation. De ce fait, évaluer une politique – ou un projet – est une notion mal comprise par les acteurs locaux. La littérature montre qu’ils font rarement une distinction claire entre les notions de contrôle, d’audit ou d’évaluation (Encadré 2) [Crozier, 1998, Dupuis, 1998, Tenzer, 2001]. Ces confusions sont d’autant plus fortes que l’évaluation se situe dans un champ déjà investi par des pratiques puissamment établies qui incarnent une autre conception des rapports entre l’expertise et le gouvernement. « On ne peut pas parler de vulgarisation pratique du corpus conceptuel de l’analyse des politiques publiques. » [Spenlehauer, 1998(b), p.548].

D’autre part, le système des pratiques d’évaluation est relativement clos, puisque peu de transfert d’expérience est réalisé d’un secteur à un autre. Compte tenu, entre autres, de la méfiance et de la frilosité des acteurs publics, les pratiques évaluatives sont insuffisamment systématisées et les résultats sont sous-utilisés. « Le champ de l’évaluation est très éclaté, ce qui se manifeste par la variété des profils professionnels et la diversité des conceptions de l’évaluation mise en œuvre. Pour certains, l’évaluation se distingue mal du contrôle ou de l’audit, tandis que pour d’autres elle englobe toutes les formes d’études d’aide à la décision. Corrélativement, il se produit peu d’échanges et de capitalisation d’expériences entre les services ou organismes » [Perret, 2001, p.87].

Encadré 2 : Evaluation, audit et suivi, trois outils distincts
« Les évaluations sont […] destinées à un usage pratique en éclairant les décisions, en clarifiant les options, en réduisant les incertitudes et, plus généralement, en fournissant des informations sur les programmes dans leurs contextes spécifiques. […]
Une évaluation n’équivaut pas non plus à un audit. L’audit s’attache en premier lieu à vérifier la légalité et la régularité de la mise en œuvre des ressources (moyens) dans un programme. L’évaluation, en revanche, est nécessairement plus analytique. Elle examine le programme du point de vue de la société (définie à partir de différents points de vue possibles). Elle vérifie la validité de la stratégie adoptée et si les objectifs sont appropriés compte tenu des problèmes à résoudre et des bénéfices à attendre. […]
Enfin, l’évaluation ne doit pas être assimilée au suivi. Le suivi examine les prestations offertes par le programme (les biens et services produits par le programme) aux bénéficiaires escomptés. Il s’agit d’un processus continu qui accompagne l’exécution du programme, afin de corriger immédiatement tout écart par rapport aux objectifs opérationnels. L’évaluation, par contre, est effectuée spécifiquement à un point précis du cycle de vie du programme et consiste en une étude en profondeur. Le suivi est d’une importance primordiale pour améliorer la performance du programme et une évaluation réussie dépend souvent d’un suivi réussi, notamment du fait que le suivi génère souvent des données qui peuvent être utilisées dans l’évaluation. »

Sources : [Nagarajan et Venheukelen, 1997, p10]