3.3. Les effets retenus et leur valorisation monétaire

Sur le fond, la prise en compte des éléments liés à l’environnement ne change pas ou peu les résultats et les finalités des évaluations. Cet argument n’est effectivement à mettre en valeur qu’en fonction des finalités poursuivies dans les politiques de transports. Dans un contexte où la dimension environnementale est de plus en plus importante, le calcul économique ne rend pas compte de l’opinion et des effets attendus de l’action publique. Comme le montrent B. Faivre d’Arcier et D. Mignot [2000], par une étude de sensibilité sur les différents paramètres d’un projet d’infrastructure routière, seuls les effets liés à l’investissement et aux coûts ressentis par les automobilistes – les gains de temps – sont apparents dans les résultats du calcul économique. « Ces paramètres sont également ceux pour lesquels l’incertitude est souvent très forte dans les évaluations ex ante» [Faivre d’Arcier et Mignot, 2000, p.333]. En revanche, l’impact de l’étude de sensibilité sur les paramètres environnementaux est négligeable. Il faudrait avoir des valeurs tutélaires des effets environnementaux multipliés par dix pour avoir un faible impact sur les résultats de l’évaluation [Faivre d’Arcier et Mignot, 2000]. Cet exemple montre que la prise en compte de l’environnement, telle qu’elle a été initiée dans le calcul économique, a un impact minime sur le résultat de l’évaluation. La rentabilité socio-économique se résume essentiellement à la valorisation des gains de temps.

D’autre part, l’analyse du rapport Boiteux [2001] et des préconisations à suivre par le Ministère de l’Equipement suite à ce rapport [Maurice et al, 2001] montre que les impacts environnementaux sont encore plus négligeables dans l’évaluation des investissements de transports que ce qu’ils étaient en 1994 (Encadré 4). L’explication, annoncée par les experts du groupe Boiteux, résiderait dans le fait que les coûts externes environnementaux ont été pour partie intégrés grâce au progrès technique. Cet argument n’est certes pas dénué de sens, mais quelle part de ces coûts externes a été internalisée ?

Encadré 4 : Evolution des impacts environnementaux dans les évaluations après la réactualisation du rapport Boiteux [1994, 2001].
L’annexe 2 du rapport de Maurice et al. [2001] met en évidence les incidences comparées des préconisations des rapports Boiteux de 1994 et 2001 dans le cas du projet de TGV Atlantique. Il ressort comme conclusion de la comparaison que les éléments tels que l’insécurité routière, la pollution de l’air et l’effet de serre « pesaient très peu dans le bilan final [de l’évaluation selon les préconisations de 1994] et pèsent désormais encore plus faiblement avec les nouvelles normes de calcul » [Maurice et al, 2001, p.61].
Une autre étude de cas de l’annexe 2 de ce rapport [Maurice et al, 2001] concerne la comparaison des préconisations de la circulaire « Brossier » de 1998 et de celles du rapport Boiteux de 2001 sur la liaison autoroutière à péage 22 voies Langon – Pau à l’horizon 2010 et 2020. Ce rapport met en évidence que le nouveau rapport Boiteux revalorise la prise en compte de l’effet de serre et, à l’opposé, les coûts liés à la pollution de l’air ont un impact moindre dans le résultat de l’évaluation. De plus, alors que les coûts liés à la pollution de l’air et à l’effet de serre ne représentent, à l’horizon 2010, que 2,2% de la somme des avantages et des inconvénients de l’évaluation avec la circulaire « Brossier », ces coûts ne représentent plus que 1,7% de la somme des avantages et des inconvénients avec les préconisations du rapport Boiteux de 2001. Les coûts liés aux gains de temps des usagers représentent, à l’horizon 2010, entre 97,8% (circulaire « Brossier ») et 98,3% (rapport Boiteux 2001) de la somme des avantages et des inconvénients pris en compte dans l’évaluation de la liaison routière. Même si la prise en compte de l’effet de serre a été revalorisée dans le rapport Boiteux de 2001, nous constatons finalement que :
- l’impact de la prise en compte de la pollution de l’air et de l’effet de serre est négligeable sur le résultat de l’évaluation ;
- le rapport Boiteux de 2001 donne moins de poids que la circulaire « Brossier » de 1998 et que le rapport Boiteux de 1994 aux effets environnementaux dans les résultats de l’évaluation d’un projet de transports.

Sources : d’après [Maurice et al, 2001]

Les évolutions des procédures évaluatives ont tout de même permis d’avoir des outils et des méthodes permettant d’estimer et de valoriser les conséquences environnementales d’un projet de transports. Toutefois, elles font l’objet de nombreux débats sur la pertinence de la prise en compte de ces effets dans l’analyse coûts-avantages, notamment par rapport aux attentes de la société et aux valeurs de plus en plus affichées par les politiques de transports, notamment à l’échelon européen.