1.2. Evolution de la mobilité urbaine et transformations urbaines

La ville et l’espace urbain naissent du commerce et de l’échange [Wiel, 1999]. La ville permet d’effectuer un maximum d’interactions sociales et économiques pour un minimum d’efforts nécessaires à réaliser ces échanges [Wiel, 1999 ; Lévy, 2000], puisque « l’urbanité constitue le potentiel de relations qu’offre l’association entre densité et diversité » [Lévy, 1997, p.431]. La ville n’est pas seulement lieu d’intenses échanges économiques, c’est aussi « un milieu de vie, c’est-à-dire un regroupement de personnes dans un espace où elles ont ou peuvent avoir des contacts entre elles » [Rémy et Voyé, 1981, p.33]. Au fur et à mesure de sa croissance, la densité et la mobilité lui ont permis de garder ces avantages. En prenant le pas sur le monde rural, elle a accentué son développement. Le phénomène se renforce dans les grandes métropoles ou grandes agglomérations, qui grâce aux facilités techniques de communication, prennent le pas, non plus sur le monde rural, mais sur les villes moyennes isolées.

Les modifications des espaces géographiques et des modes de vie des individus dans les milieux urbains contribuent conjointement à une évolution du rapport des individus au territoire. Selon P. Tizon [1996, p.25], le rapport des individus à l’espace est « à la fois subi, contraint […] et choisi, souhaité : chacun, selon ses origines socio-spatiales, sa position sociale, son statut familial ou son âge, dispose d’une palette plus ou moins large de pratiques qui marquent profondément les rapports aux lieux, aux racines, aux nouveaux aménagements de l’espace fréquenté ». L’évolution des pratiques et relations des individus dans le territoire urbain se caractérise en termes de mobilité par une modification des notions de distances, de proximité ou d’éloignement [Wiel, 1999, 2002]. Les déplacements motorisés des individus se sont allongés et complexifiés. Les progrès des techniques et des réseaux de communication, encouragés par une mobilité de plus en plus facilité par l’usage notamment de l’automobile, déclenchent des dynamiques territoriales aux différentes échelles géographiques. Cela provoque le phénomène « d’étalement urbain » et assurent, selon les termes de M. Wiel [1999], la transition de la ville pédestre à la ville automobile.

L’évolution de l’organisation urbaine est une des conséquences de l’augmentation des distances de déplacements. Dès que la vitesse des déplacements augmente, les individus ne capitalisent pas les gains de temps pour les attribuer à leurs activités. Au contraire, ils sont réinvestis en accessibilité conquise sur l’espace urbain, par une augmentation des distances de déplacements [Zahavi et Ryan, 1980 ; Wiel, 1999 ; Crozet et al, 2002]. L’évolution des technologies et des modes de transports a permis d’améliorer considérablement l’accessibilité géographique des territoires urbains. Ces transformations ont pour conséquence un changement d’une part, dans les relations entre les individus et les espaces, et d’autre part, une évolution de la morphologie de l’organisation urbaine aussi bien sur l’habitat que sur les activités [Wiel, 1999] (Figure 1).

Néanmoins, même si ces évolutions de la mobilité urbaine comportent des avantages, elles ne se réalisent pas sans créer des inégalités entre les individus ou entre les espaces géographiques urbains. Entre autre, « La mobilité facilitée (Wiel, 1999) est soupçonnée d’avoir imprimé à la ville des configurations susceptibles d’engendrer des inégalités d’accès à l’emploi entre résidants », notammenten pénalisant « ceux pour qui la mobilité reste difficile et dont la localisation est fortement contrainte » [Wenglenski, 2005, p.1]. Au-delà de l’étalement et l’éparpillement urbain, les équilibres sociaux sont fortement altérés ou fragilisés (mode de vie, accessibilité aux réseaux de transports, accessibilité aux opportunités et aux aménités de l’espace urbain, sécurité, etc.). Ainsi, auraient-ils contribué à la production d’avantages moins collectifs qu’individuels ?

Figure 1 : La spirale de la transformation de la ville par les nouvelles conditions de la mobilité urbaine

Source : [Wiel, 1999, p.58]